labrys, études féministes/ estudos feministas
janvier/juin 2008-janeiro/junho 2008

CONCILIATION ACTIVITE PROFESSIONNELLE ET VIE FAMILIALE : Enjeux et perspectives pour l’amélioration de la performance de la femme béninoise.

Elisabeth. FOURN  

B. A. HOUNHANOU

Résumé

La question de la conciliation de l’activité professionnelle et de la vie familiale est d’une grande actualité au Bénin depuis près d’une décennie surtout avec les problèmes liés aux traitements peu appropriés infligés aux enfants placés dans les familles comme aide-ménagère. Mais aujourd’hui, la déficience de soutien aux ménages actifs constitue un obstacle à la participation des femmes à part égale au marché du travail, malgré leur niveau de formation sans cesse croissant. Cette étude s’est axée sur les stratégies développées par les femmes dans la conciliation des activités professionnelle et familiale dans la ville de Cotonou ainsi que les mesures offertes par leur employeur.

Les résultats ont montré que la perception des femmes sur le problème de «la conciliation de l’activité professionnelle et vie familiale » varie selon le statut matrimonial. Les entreprises employeuses sont conscientes de cette problématique mais ne disposent pas de politiques incitatives pour améliorer la performance des femmes sur le plan professionnel. L’environnement de travail des femmes montre que les mesures d’aides offertes sont les possibilités d’aménagement de temps à la naissance d’un enfant, les congés de maternité, les compléments de salaire en terme d’allocation familiale et la garantie du poste de travail après une période donnée d’absence. La présence d’enfant mineur dans la famille constitue un facteur affectant la conciliation. La femme éprouve davantage des difficultés à concilier activité professionnelle et engagement familial lorsque le nombre d’enfants mineurs est élevé. Les difficultés rencontrées incluent le manque de disponibilité pour le suivi des enfants en âge préscolaire, le manque de ressources humaines, matérielles et financières. Les stratégies développées sont l’assistance pour la garde des enfants mineurs et pour les tâches domestiques. L’amélioration des mesures d’aide par les employeurs constitue un appui qui soutient les femmes dans les stratégies développées.

Mots-clé: activité professionnelle, vie familiale, stratégies , femmes

 

Introduction

Au Bénin, en général, le mariage et la maternité sont fortement valorisés et restent deux éléments structurant de l´identité féminine. Certes, avoir des enfants est un objectif incontestable du foyer et cette obligation contribue vigoureusement à justifier l’exercice d’une activité économique parce qu’il implique des devoirs.

On note généralement trois types de reproduction qui semblent résumer l’essentiel de l’activité féminine. Il s’agit de la reproduction biologique, sociale et de la force du travail (FOURN, 2005). Les femmes vont donc devoir quotidiennement faire face à un conflit entre leur rôle de femme et celui de travailleuse si elles ne sont pas soutenues par une aide ménagère ou par l’organisation-employeur. Ce conflit est exacerbé par les contraintes de la vie matrimoniale.

Ainsi, dans cet exercice conflictuel, les femmes sont souvent absentes ou en retard à leur lieu de travail tant du secteur formel qu’informel. De plus, avec le nombre de femmes de plus en plus croissant sur le marché, avec la quasi-inexistence de mesure d’accompagnement des employés (garderies, crèches, etc.) et les exigences financières qu’impose une vie familiale, le problème de la conciliation de l’activité professionnelle et de la famille devient plus préoccupant et complexe au Bénin. Ainsi bon nombre de femmes après leur diplôme universitaire sont obligées de marquer un arrêt pour accomplir leurs devoirs de femme et de mère avant de se lancer dans le marché du travail.

En effet, la mise en œuvre des mesures d’accompagnement appropriées par les employeurs pourrait contribuer à l’amélioration de la performance des femmes dans leur milieu professionnel. Face à ce constat, quelles sont les actions à mener pour améliorer les conditions de vie familiale et professionnelle des femmes béninoises?

Ce document étudie les différentes stratégies développées par les femmes dans la conciliation des activités professionnelle et familiale au Bénin ainsi que les mesures dont elles peuvent bénéficier grâce à leur employeur. Il est subdivisé en trois parties. La première fait la synthèse des revues ayant abordé le thème, la deuxième partie présente le cadre méthodologique de l’étude et enfin la dernière partie présente les principaux résultats et conclusions.

1.              Revue

1.1  Perception sur le concept de conciliation entre activité professionnelle et vie familiale

La contribution des femmes aux activités domestiques du ménage dépasse nettement celle des hommes. Les femmes consacrent plus de temps aux activités domestiques qu’au travail rémunéré. Cet écart reste particulièrement sensible avec un différentiel de 10 heures par semaine en moyenne d’après une étude réalisée en France et en Suède par Anxo et al., 2002. Au Bénin, on est convaincu que les principales entraves à la promotion de la femme ne sont pas dues à la fatalité mais à des pratiques éducatives discriminatoires (OIT, 2001). Alors qu’elles représentent 52% de la population active et sont majoritaires dans le secteur informel (Maldonado, 1994), les femmes sont peu scolarisées. Rares sont celles qui achèvent leurs études. De plus la division sexuelle du travail demeure nettement plus inégalitaire parmi les couples.

En effet, si durant la dernière décennie, la part relative des hommes dans les activités domestiques s’accroît, elle est nettement insuffisante au regard de la hausse du taux d’activité des femmes en Europe et en Amérique (Bonke et Kock-Weser, 1999). Cette réalité d’une répartition sexuelle inégalitaire du travail total résulte à la fois de la hausse observée des taux d’activité sur le marché du travail, de l’allongement des durées du travail féminin et du fait qu’elles continuent d’assumer l’essentiel des tâches domestiques. Le recul du modèle traditionnel, où l’homme est le seul actif, en consolidant la position de négociation des femmes dans le processus d’allocation du temps, explique ces changements de comportement. Néanmoins, ces évolutions, qui restent modestes, montrent bien que les modifications d’attitude en matière de division sexuelle du travail s’inscrivent dans le long terme.

1.2  Perception des différentes catégories de femmes sur la conciliation activité professionnelle et familiale

Le fort désir de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale est majoritairement une préoccupation des femmes et se manifeste surtout dans les différents comportements d’offre de travail, de « choix » de volume de travail et du temps consacré au travail. La nature dissymétrique de la conciliation comporte parfois des risques spécifiques pour certaines catégories de femmes. L’étude du devenir d’une génération de femmes nées aux alentours de l’année 1960 permet d’identifier trois catégories de femmes pour lesquelles la conciliation supposée risque de n’être pas satisfaisante (Wacker, et al, 2005):

• les femmes très qualifiées qui pourraient être amenées à sacrifier leur vie familiale pour réussir leur carrière professionnelle à hauteur de leurs espérances ;

• les femmes non qualifiées qui pourraient être amenées à se retirer du marché du travail pour élever leurs enfants, et dont les perspectives de reprise d’activité seraient très faibles;

• Certaines femmes à la tête d’une famille monoparentale pour lesquelles les conditions de vie sont particulièrement difficiles.

La présente étude se focalisera davantage sur la catégorie de femmes qui s’efforcent de réussir aussi bien sur le plan professionnel et familial compte tenu du rôle prépondérant de la famille et du travail dans leur cas dans l’équilibre psychosocial et affectif de la femme.

1.3  Conciliation de l’activité professionnelle et de la vie familiale 

Les tendances longues concernant le développement de l’activité féminine et la baisse des familles nombreuses ne sont vraisemblablement pas autonomes, ni indépendantes de la politique familiale mise en oeuvre par les pouvoirs publics et les partenaires sociaux. Sans entrer dans une analyse approfondie de l’influence des conditions économiques sur les comportements démographiques (qui apparaît d’ailleurs plus forte à court terme qu’à long terme), ni des effets de la politique familiale, force est de constater que c’est bien en terme de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle que se pose le problème et que cette question de la conciliation reste dissymétrique et repose essentiellement sur les femmes.

Ainsi que cela soit en terme de présence sur le marché du travail, de volume de travail offert (temps partiel, nombre d’heures travaillées) ou d’opinions sur la réduction du temps de travail, la présence d’enfants (et surtout de jeunes enfants) n’apparaît exercer un effet significatif que sur les comportements féminins. Même si la diffusion du travail à temps partiel s’est opérée à la même vitesse chez les hommes et les femmes au cours des dernières années, la part des emplois à temps partiel reste beaucoup plus importante chez les femmes: 31,6 % 1998 en France contre 5,2 % pour les hommes (Wacker, et al.2005).

Selon ce même auteur, les femmes salariées à temps partiel appartiennent majoritairement à deux types de ménage. Il s’agit d’une part des femmes seules, célibataires et à la tête d’une famille monoparentale, d’autre part des femmes en couple dont le conjoint travaille à temps complet. Cette répartition tient en partie à la présence de jeunes enfants : à caractéristiques individuelles identiques, avoir un ou plusieurs enfants de moins de trois ans et de moins de six ans augmente respectivement de 7 et 18 points la probabilité d’une femme en couple d’occuper un emploi à temps partiel plutôt qu’à temps complet. Cet effet n’existe pas chez les hommes.

L’hétérogénéité de la population des femmes travaillant à temps partiel est forte, dépendant en particulier de leur position dans le cycle de vie, de la durée de leur temps partiel et du caractère plus ou moins choisi ou contraint de leur situation. Quatre groupes assez différents peuvent être identifiés en 1995, dans le secteur privé: des jeunes femmes en phase d’insertion professionnelle pour lesquelles le temps partiel est un passage; des femmes d’âge mûr très peu diplômées qui passent fréquemment par le chômage et souhaitent travailler davantage; des femmes peu qualifiées dont la durée de travail est inférieure à quinze heures hebdomadaires et qui sont majoritairement employées dans le nettoyage ou comme femmes de ménage; enfin des femmes plus diplômées, reprenant parfois une activité, qui sont satisfaites de leur condition. Dans ce dernier cas, la moitié a opté pour un temps partiel.

 Ainsi, le temps partiel relève davantage d’un choix pour les femmes diplômées ou bénéficiant de la sécurité de l’emploi, alors qu’il apparaît fortement contraint pour les femmes pas ou peu qualifiées. Enfin, parmi les couples, il semble que la présence des jeunes enfants confère au temps partiel un caractère plus souvent volontaire.

1.4  Analyse des facteurs affectant la performance des femmes dans l’exercice de leur profession

La présence d’enfants en âge préscolaire réduit l’offre du travail des femmes. La composition du ménage tels que la présence des enfants et l’âge des enfants, sont des facteurs déterminant de l’offre de travail et de la division au sein des couples en Suède comme en France (Anxo et al. 2002). Des études ont prouvé que la présence d’enfants en âge préscolaire (moins de trois ans) n’a d’impact ni sur le taux d’activité des pères ni sur leur durée du travail. Cependant, d’après ces mêmes auteurs, la proportion des pères prenant leur congé parental a régulièrement augmenté durant la décennie 90 pour atteindre 80 % en 1999 et, en moyenne, la durée de leur congé parental est de l’ordre de 30 jours. Aussi, même si les enfants en bas âge n’affectent pas la durée du travail, ils ont un impact positif sur la division sexuelle des activités domestiques ou parentales et ainsi contribuent à une division sexuelle du travail plus égalitaire.

En France, par exemple, la présence d’enfants en âge préscolaire augmente l’offre du travail salarié des hommes d’un peu plus de 4 heures par semaine. Outre des différences socioculturelles quant à l’investissement des pères dans l’éducation des enfants, l’impact positif des jeunes enfants sur l’offre de travail salarié est très certainement lié aux besoins financiers des ménages lors de la naissance d’un enfant.

1.5  Impact de l’activité professionnelle l’éducation

L’éducation des enfants surtout ceux en âge préscolaire et scolaire, constitue un élément important pouvant affecter de manière significative la participation effective des femmes sur le marché du travail. D’après le rapport sur les indicateurs de la qualité de l’éducation scolaire de l’Union Européenne, la participation des parents à l’éducation de leurs enfants a des retombées importantes sur la performance de ces enfants. L’impact de l’activité professionnelle sur l’éducation des enfants préscolaire et scolaire fait l’objet de beaucoup d’attentions surtout dans notre environnement ou les structures d’appui et d’assistance à la petite enfance sont quasiment absentes. En effet, la santé de l’enfant, son éveil culturel, ses problèmes, son développement, ses apprentissages, ses modes de garde et ses premiers pas dans l'univers des adultes, sont encadrés par un monde de spécialistes.

Dès son premier cri à la naissance et jusqu'à l'entrée en classe primaire, le petit enfant traverse toute une série de dispositifs tels que le service de pédiatrie, centre de protection maternelle et infantile, crèche ou halte-garderie, centre de loisirs, école maternelle qui participe à son développement psychosocial et affectif. Mais force est de constater qu’en dehors des écoles maternelles, les autres structures sont parfois rares ou insuffisantes obligeant ainsi la femme à jouer plus ou moins ce rôle malgré ses obligations professionnelles. Les contraintes rencontrées par les femmes dans cette tâche seront recensées lors de nos enquêtes et feront l’objet d’une analyse approfondie dans ce document.

1.6  Quelques stratégies favorisant la conciliation : la garde collective

Une offre restreinte de mode de garde (en termes d’accès et/ou d’heures d’ouverture) peut limiter l’offre du travail des ménages. Les couples exerçant une activité confient le plus souvent la garde de leurs enfants aux assistantes maternelles, les crèches, la solidarité familiale ou de voisinage et la garde à domicile. L’impact négatif des enfants sur l’offre de travail des femmes disparaît pour les enfants de plus de trois ans confirmant l’enjeu décisif des modes de garde institutionnels de la petite enfance sur la parité hommes/ femmes en général et sur l’offre de travail des femmes en particulier.

 

Schéma de synthèse du cadre théorique et d’analyse de la conciliation

 

 


2. Méthodologie 

2.1  Echantillonnage

L’étude s’est déroulée dans la ville de Cotonou. L’unité statistique utilisée est la femme exerçant dans le secteur formel de l’Etat ou dans le secteur formel privé. Dans le but de mieux cibler ces femmes, les enquêtes ont été réalisées dans les structures de l’Etat et dans les structures non étatiques. Ces structures sont choisies en raison d’une part de leur proximité et d’autre part en vue de faciliter les enquêtes. La technique d’échantillonnage retenue est l’échantillonnage par choix raisonné. 210 ont été contactées et interviewées. Ces femmes sont choisies de façon raisonnée dans chacune de ces structures. La base de sondage est constituée des femmes ayant au moins un enfant mineur (0-12ans) à leur charge. Les femmes menant une vie conjugale sans enfant ne font pas partie de la base de sondage. Sur les 210 questionnaires distribués, 188 ont été effectivement remplies, soit un taux de 89,52%. Les questionnaires sont aussi remis aux responsables des ressources humaines des structures dans lesquelles travaillent ces femmes afin de connaître les dispositions ou les mesures internes prises face à ce problème.

2.2  Méthodes de collecte et d’analyse des données

La principale méthode utilisée pour la collecte des données est l’entretien de groupe et l’entretien individuel auprès des femmes à l’aide de questionnaire et de guide d’entretien. Les entretiens ont porté sur la problématique de la conciliation de l’activité professionnelle et familiale, les contraintes rencontrées de même que les stratégies développées par les femmes.

Deux types d’analyse ont été faits à savoir l’analyse quantitative et l’analyse qualitative. L’analyse qualitative a permis d’apprécier le temps alloué par les femmes dans l’exécution de leur activité, de faire ressortir les contraintes auxquelles elles sont confrontées dans l’exercice de ces différentes tâches et de recueillir leurs perceptions sur la problématique.

L’analyse quantitative a permis d’identifier et de mettre en relation les facteurs de conciliation. Pour analyser les facteurs influençant la conciliation emploi-famille, un modèle de prédiction de la conciliation est spécifié à l’aide de la régression logistique. Ce modèle nous a permis de mettre en évidence une série de variables explicatives affectant la conciliation emploi-famille. Ce modèle a été utilisé par Tremblay, D-G en 2003 (a,b) [1] pour évaluer les facteurs qui affectent la conciliation emploi-famille. La forme fonctionnelle utilisée est la forme exponentielle « Logit » pour déterminer les facteurs susceptibles d’affecter la conciliation entre activité professionnelle et famille. La forme mathématique du modèle Logit se présente comme suit:


P (Yj = 1) est la probabilité pour que le iième facteur affecte positivement ou négativement la conciliation emploi-famille.
Xij est le vecteur des variables explicatives ou facteurs susceptibles d’affecter la conciliation; i est l’observation (i=1,…….,n) ; j la modalité de la variable dépendante,  sont les valeurs des k paramètres.

 

Les spécifications empiriques de ce modèle de prédiction de la conciliation ont permis de mettre en évidence une série de variables explicatives affectant la conciliation emploi-famille. La variable expliquée Y est une variable dichotomique traduisant la difficulté de conciliation de l’activité professionnelle et de la vie familiale. La description des variables incluses dans le modèle empirique et les signes attendus sont donnés dans le tableau ci-après.

tableau 1

3. Résultats et analyse

3.1 Perception sur le concept de conciliation entre activité professionnelle et vie familiale

Environ 9% des femmes affirment que le concept de « conciliation » ne signifie rien de particulier et ne sont pas par conséquent en mesure de le définir. Pour plus de la moitié des femmes (51,61%), une meilleure conciliation réside dans la possibilité de disposer des heures de travail flexibles alors que 19% le définissent comme la possibilité de diminuer le temps de travail hebdomadaire pour les activités familiales (19%). 10% des femmes enquêtées affirment que pour assurer une meilleure conciliation de l’activité professionnelle et de la vie familiale, il est important d’avoir la possibilité de garde pour les enfants tels les jardins d’enfant, les crèches et garderies. alors que 9% soulignent que c’est un moyen de prévention du stress dans le cadre professionnel.

Pour les responsables des ressources humaines ou les structures dans lesquelles travaillent ces femmes, une meilleure conciliation réside principalement dans la prise en compte des besoins personnels de chaque employé(e) dans l’organisation de son poste de travail d’une part (27,3%) et d’autre part dans l’offre des possibilités de garde pour les enfants (27,3%). La proposition d’horaire flexible aux nourrices et femmes ayant des enfants en âge préscolaire et scolaire est suggérée par 18,2% des entreprises. La prévention du stress, la promotion de la carrière des femmes ou la diminution de temps de travail au profit des obligations familiales est faiblement considérée par les entreprises (9,1%). 3.2 Importance du concept de conciliation dans les ménages
  A la question: « le concept conciliation activité professionnelle et famille est-il une préoccupation pour votre ménage», les ¾ environ des femmes ont répondu à cette question parmi lesquelles nous distinguons celles qui n’ont entrepris aucune initiative pour l’instant (26%). 27% des femmes ont entrepris des initiatives dans ce sens mais sans résultat tangible contre 21% qui sont satisfaites des initiatives entreprises. Par contre pour 26% restant des femmes, la conciliation ne constitue pas encore une préoccupation pour leur ménage.

Au niveau des entreprises, plus de la moitié des responsables d’entreprise n’ont pas encore abordé cette problématique de conciliation entre activité professionnelle et vie familiale bien qu’elle soit présente dans les esprits. Seulement, 14% ont entrepris des initiatives et sont satisfaites. Les initiatives observées sont la création des crèches et garderies pour permettre aux femmes de reprendre leur activité professionnelle. 3.3 Analyse de l’environnement de travail des femmes

L’environnement de travail des femmes permet de comprendre les conditions dans lesquelles les femmes travaillent et d’identifier les mesures d’accompagnement spécifiques proposées aux femmes dans leur milieu de travail. L’analyse de L’environnement de travail des femmes montre que les femmes sont recrutées sur la base de leur formation de base. Les compétences clés de même que les expériences professionnelles viennent au second plan et sont souvent demandées lors du recrutement dans le secteur formel privé. Les activités extraprofessionnelles telles que les mutuelles, les diverses formes d’association sont observées. L’impact de ses activités sur la conciliation entre activité professionnelle et engagement familial est la création d’une plate-forme pour échanger les expériences sur les contraintes professionnelles et les facteurs affectant leur performance. Ces activités extraprofessionnelles permettent de réduire le stress lié à la pression occasionnée par les activités professionnelles.

Les mesures d’aides offertes aux femmes pour la conciliation emploi-famille varient selon le type d’employeur. Ces mesures incluent les possibilités d’aménagement de temps surtout après la naissance d’un enfant, les congés de maternité, les compléments de salaire en terme d’allocation familiale et la possibilité de reprendre le travail après une période donnée d’absence. Dans ce dernier cas, les traitements sont fonction du type d’employeur. Environ 50% des structures enquêtées ont mentionné qu’elles offrent des possibilités d’aménagement du temps de travail tels que les horaires de travail plus flexible aux femmes enceintes ou allaitantes.

La proportion de femmes ayant bénéficié de congé payé avec une assurance pour l’emploi est de 74,42% dans le secteur formel de l’Etat contre 7.56% dans le secteur formel privé. Ces résultats viennent confirmés ceux de Chenevier (1996), Guénin et al. (1997) cité par Tremblay, 2003(a) sur les pratiques d’aide à l’employé et à sa famille. Selon ces auteurs, les pratiques les plus populaires au sein de l’entreprise sont entre autres les compléments de salaire, les congés à la naissance et les garderies. Quant à l’allocation parentale, elle constitue aussi l’une des mesures d’accompagnement offertes aux employées. Les femmes affirment que leur ménage bénéficie de ce soutien.
 
3.4 Analyse des facteurs affectant la performance des femmes dans l’exercice de leur profession
 
  L’analyse des facteurs affectant la conciliation emploi-famille est effectuée à l’aide d’un modèle de prédiction de la conciliation. Le tableau suivant montre les facteurs susceptibles d’affecter cette conciliation de même que leur niveau de signification.

tableau 2

Ce tableau montre que le modèle de prédiction de la conciliation emploi-famille est significatif et le niveau de prédiction est élevé (77,8%). L’analyse du tableau révèle que trois (03) facteurs affectent significativement au seuil a = 5% la conciliation emploi-famille. Il s’agit notamment :


- du nombre d’enfants mineurs présents dans la famille et dont la femme prend soin représenté par la variable NENFANTMIN
- du type de mesure d’aide dont bénéficie la femme dans son ménage pour les activités domestiques noté par MESURE_AIDE et enfin
- de la nature de traitements qu’offre l’employeur pour les femmes ayant des enfants mineurs tels que les congés pour la garde des enfants malades, représentée par la variable TRAITEMENTS :

 
En effet, la variable NENFANTMIN est significative au seuil de 5% et est positivement corrélée (B= 0.477) à la variable dépendante qui représente la difficulté de conciliation emploi-famille. Ceci signifie donc qu’une augmentation du nombre d’enfants mineurs dans la famille, c’est-à-dire ceux en âge préscolaire et scolaire, rendent difficile la conciliation emploi-famille. Par contre, les variables MESURE_AIDE et TRAITEMENTS sont négativement corrélées à la difficulté de conciliation emploi-famille à cause du signe négatif de leur coefficient B (Cf. tableau 12). Le signe négatif signifie que ces variables rendent moins difficile la conciliation emploi-famille.

Autrement dit, ces deux variables contribuent donc à faciliter la conciliation emploi-famille. Ceci suppose que le type de mesure d’aide dont bénéficie la femme dans son ménage pour les activités domestiques de même que la nature de traitements qu’offre l’employeur aux femmes ayant des enfants mineurs constituent des mesures visant à faciliter la conciliation. La profession du conjoint, l’âge de la femme considéré comme un proxy à son expérience sociale, l’allocation familiale et la possibilité d’aménagement du temps pour les activités domestiques semblent ne pas affecter la conciliation emploi-famille.

3.5 Stratégies développées pour faciliter la conciliation et contraintes rencontrées

Stratégies développées : Les stratégies développées se réfèrent à une assistance pour la garde des enfants mineurs et pour les tâches domestiques. La proportion de femmes ayant développé des stratégies pour faciliter la conciliation représente environ la moitié de l’échantillon (48%). Parmi les femmes qui ont entrepris une initiative, 60% ont engagé des domestiques, 27% reçoivent des aides familiales et 13% ont pris des enfants placés ou ‘vidomègon’. En effet, les aides familiales et les enfants placés sont plus remarqués chez les femmes du groupe ethnique « Dendi » alors que chez les autres femmes (Fon, Goun, Mina, Yoruba) la principale stratégie qu’elles développent est le recours au domestique. Ceci suppose donc que chez ces dernières, l’aide familiale ou parentale est beaucoup moins remarquée comparativement au premier groupe. Quelle que soit la stratégie à laquelle font recours les femmes, elle n’est pas sans contraintes sur leur vie familiale et ou professionnelle même si des opportunités évidentes sont observées.

Contraintes liées aux stratégies développées: Les ¾ des femmes trouvent difficile de gérer le rapport entre l’activité professionnelle et la maternité. Parmi ces femmes, 71% sont du secteur formel de l’Etat. Près des ¾ (73,94%) des femmes affirment que les difficultés rencontrées dans la conciliation n’ont pas une incidence majeure sur leur performance. Par contre pour 26% de ces femmes, l’influence liée à la difficulté de conciliation se traduit soit par une baisse de rendement (19,03% de femmes) ou soit par les retards et absences fréquents à leur poste de travail (7,04%). La baisse de rendement et les retards s’expliquent par l’absence d’initiative pour la garde des enfants en âge préscolaire et scolaire. Pour les femmes qui ont entrepris des initiatives telles que l’engagement d’une domestique pour la garde des enfants, les formes de contraintes rencontrées sont d’une part d’ordre financier et d’autre part liées à l’instabilité de ces domestiques.

D’autres contraintes aussi bien pour les activités professionnelles que pour les engagements familiaux sont rapportées par les femmes. Il s’agit en particulier : 

- de la difficulté de suivi des enfants en âge préscolaire ;
- du manque de ressources humaines, matérielles et financières;
- de la difficulté dans le respect des plages horaires obligatoires;
- de l’influence négative de la difficulté de conciliation sur leur vie familiale.

 

Conclusion  

 

Le concept de la conciliation a son fondement dans les questions actuelles de la population. Il se réfère plus aux femmes parce qu’elles sont les plus concernées non seulement à cause de leur rôle de mère (maternité), de femme (engagements familiaux) mais aussi de leur rôle prépondérant sur le plan professionnel. La perception des femmes sur le concept varie selon le statut matrimonial. Mais pour la plupart, elles le définissent comme la possibilité de disposer des heures de travail flexibles. Les entreprises publiques que privées dans lesquelles travaillent ces femmes sont bien conscientes de la problématique de la conciliation de l’activité professionnelle et de la vie familiale mais ne sont pas encore décidées à prendre des mesures appropriées ou élaborer des politiques incitatives afin d’améliorer leur performance sur le plan professionnel.

En ce qui concerne les déterminants de la conciliation, la présence d’enfant mineur dans la famille rend difficile la conciliation. Plus le nombre d’enfants mineurs est élevé, plus la femme éprouve de la difficulté à concilier activité professionnelle et engagement familial. Les stratégies sont développées pour mieux concilier activité professionnelle et vie familiale dont les plus pertinentes résident dans l’assistance pour la garde des enfants mineurs et pour les tâches domestiques.

Des propositions sont faites par les femmes à l’endroit de leur employeur. Celles-ci se résument à une amélioration des mesures d’aide telles que l’appui financier, la création de crèches et des services de garde pour les enfants.

Ainsi nous recommandons aux structures décentralisées, aux collectivités locales, et aux organisations non gouvernementales d’élaborer des politiques visant à améliorer la performance des femmes sur le plan professionnel. L’initiative appartient aux collectivités locales qui construisent, administrent, recrutent, et mettent en place des infrastructures pour améliorer ce secteur. Ces infrastructures peuvent être installées au sein des ministères ou dans des endroits spécialement aménagés et équipés pour la garde des nourrissons (crèche) et des enfants de 01ans à 3ans (garderie). Ceci permettra aux femmes d’être effectivement présentes à leur poste de travail aux heures obligatoires et améliorer ainsi leur performance. Par ailleurs, des centres spécialisés de formation des aides ménagères pour les activités domestiques peuvent être construites par les organisations non gouvernementales en vue de renforcer leur capacité organisationnelle et améliorer leurs prestations dans les ménages.

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Note biographique
Dr Elisabeth FOURN Née le 22 02 1952 à OUIDAH une ville historique du sud  Bénin ; Principaux domaines de compétence :  Conception/mise en œuvre des programmes et projets de recherches socio-économiques et démographiques ; Approche genre et développement ; Appui aux associations et structures de la société civile ; Développement et questions de population (Fécondité et PF et santé de la reproduction) ; Sociologie de la famille.Diplômes et formations :1988 – 1994 DOCTORAT (Ph.D) en Sociologie, (Département de Sociologie, Université de Montréal, Québec / Canada.)Depuis 1995 Enseignante-chercheure au Département de Sociologie-Anthropologie (Université d’Abomey-Calavi) Domaine d’enseignement : Sociologie de la famille ; Genre, Développement, Santé de la reproduction, Démographie sociale, Méthodologie de la recherche (approches qualitatives)
 
Née à Porto-Novo, au Bénin le 27 Février 1976, Blandine Armande HOUNHANOU est Maître en Géographie Humaine et Economique depuis 2003. En juin de la même année, Blandine fut acceptée à la direction générale des ressources humaines et de la population du Ministère du Développement, de l'Economie et des Finances (MDEF)
En Octobre 2005, elle poursuivit ses études du troisième cycle en tant que boursière du gouvernement Belge au Centre de Formation et de Recherche en matière de Population (CEFORP), de l’Université d’Abomey-Calavi, Bénin. En 2007elle reçu son Diplôme d’Etude Supérieure Spécialisée (DESS) en Population et Dynamiques Urbaines.En outre, elle est a mis en place une organisation dénommée OBEPEF (Organisation pour le bien être de la petite enfance et de la famille), dont la mission est de faciliter la conciliation de l’activité professionnelle et de la vie familiale afin de permettre aux femmes-mères d'être plus compétitives sur le marché de l’emploi, efficaces et performantes dans l’exercice de leur profession.

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