labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet / décembre 2013  -julho / dezembro 2013

En quête de sortie :

Pour une recherche abolitionniste et féministe sur la sortie de la prostitution

Laurence Fortin-Pellerin et Ariane Vinet-Bonin

Résumé

Alors que le premier besoin des femmes aux prises avec la prostitution serait sa sortie, celle-ci demeure peu discutée. Les études sur la sortie de la prostitution sont généralement peu explicites sur leurs perspectives théoriques, limitant l’établissement de repères cohérents au développement d’interventions. Des auteures soutiennent que l’adoption d’une perspective serait impertinente à la réflexion sur la sortie de la prostitution et aux interventions la facilitant. Dans cet article, nous comparons, par perspective, le contenu d’études universitaires, gouvernementales et communautaires, de divers pays et disciplines, publiées entre 2000 et 2012. Il ressort de notre analyse de contenu que les études abolitionnistes féministes offrent au développement d’interventions d’aide à la sortie, les outils tenant le mieux compte des contraintes maintenant les femmes dans la prostitution.

Mots-clés : prostitution, processus de sortie, intervention sociale, perspectives théoriques, abolitionnisme féministe.


 

Plusieurs personnes œuvrant en recherche et en intervention sociale soutiennent que le premier besoin des femmes aux prises avec la prostitution serait d’en sortir (Ayerbe et al., 2011a, c, d; Farley et al., 1998, 2005). Toutefois, et malgré l’ampleur du débat sur la prostitution depuis le tournant des années 2000 notamment au Canada (Geadah, 2003a) et en Europe (Houchard, 2002 : web), sa sortie demeure peu discutée (Mansson et Hedin, 1999; Oselin, 2009; Sanders, 2007) et plusieurs des études qui l’abordent n’en font pas leur objet d’intérêt principal (Mansson et Hedin, 1999; Sanders, 2007). Ceci limite l’établissement de repères aux pratiques d’interventions (Baker, Dalla, et Williamson, 2010; Sanders, 2007).

Le même effet serait produit par le caractère peu explicite des études quant à leur perspective théorique (Baker et al., 2010). Certaines auteures croient souhaitable, en contexte de polarisation du débat sur la prostitution (Geadah, 2003a; Houchard, 2002 : web), de séparer de toute perspective l’intervention d’aide à la sortie et la réflexion l’accompagnant. Elles avancent que l’adoption de l’une ou l’autre des perspectives serait au mieux impertinente, au pire nuisible en s’éloignant des besoins des femmes (Rabinovitch et Strega, 2004). Linda Cusick et ses collaboratrices (2011) soutiennent que ces besoins pourraient être satisfaits de la même manière, peu importe la perspective des services offerts. À l’instar de Lynda Baker et de ses collaboratrices (2010), nous craignons plutôt qu’une telle dissociation offre peu de repères cohérents aux interventions sociales.

Souhaitant contribuer à réassocier la recherche sur la sortie de la prostitution aux perspectives théoriques sous-jacentes, cet article propose une comparaison d’études par perspective. Après une brève introduction des principales perspectives sur la prostitution, nous présenterons une analyse comparative des études recensées. À partir de cette analyse, nous ferons ressortir les apports des études s’inscrivant dans une perspective abolitionniste féministe à l’établissement de repères pour l’intervention facilitant la sortie de la prostitution.

Les perspectives théoriques sur la prostitution : y a-t-il une sortie?

Trois grandes perspectives se dégagent du débat actuel sur la prostitution : les perspectives prohibitionniste, protravail du sexe et abolitionniste. Ce découpage n’exclut pas l’existence de tendances diverses au sein ou à l’intersection de ces grandes perspectives (Baril, 2005; CSF, 2002; Geadah, 2003a).

La perspective prohibitionniste conçoit la prostitution comme un délit et un péché dont les femmes[1] dites « prostituées » (Backhouse, 1985 : 389) seraient les principales auteures. Cette perspective tire son appellation des politiques prohibitionnistes de l’alcool notamment aux États-Unis au début du 20e siècle (Geadah, 2003a). Bien que les hommes qui recourent à la prostitution et les proxénètes soient également visés par les lois prohibitionnistes, les femmes prostituées seraient les principales personnes criminalisées, et ce, pour leurs comportements prostitutionnels, telle la sollicitation (Geadah, 2003a). Historiquement, les pays prohibitionnistes en matière de prostitution offraient généralement peu d’interventions pour en faciliter la sortie (Backhouse, 1985; Chaleil, 1981). Malgré l’influence actuelle de cette perspective dans la législation de plusieurs pays, notamment celle de nombreux états américains et de pays du Moyen-Orient, ses tenants et ses tenantes participeraient peu au débat public sur la prostitution (Poulin, 2008). Les perspectives abolitionniste et protravail du sexe seraient davantage à l’avant-plan de ce débat international (Baril, 2005).

Carol Leigh (1997 : 269) aurait inventé l’expression « travail du sexe » (Toupin, 2002) aux États-Unis en 1978. Elle souhaitait remplacer le terme « prostitution », négativement connoté. Selon elle, la signification étymologique du mot « prostitution », « mettre en vente, faire de la publicité »,  taisait en plus l’activité consistant à vendre des « services sexuels » et, de ce fait, la rendait honteuse. Elle aurait proposé l’expression « travail du sexe » pour, au contraire, mettre en relief l’objet du commerce prostitutionnel. La perspective défendant l’usage de cette expression se définit comme celle des « travailleuses du sexe » (Mensah, 2006 ; Parent et Bruckert, 2010 ; Toupin, 2002, 2006). Considérant qu’il existe également des organisations abolitionnistes travaillant auprès de femmes aux prises avec la prostitution (CSF, 2012; Mouvement du Nid, 2009), nous privilégions, à l’instar d’auteures de diverses perspectives (Baril, 2005; CSF, 2002, 2012), l’appellation « protravail du sexe » parce qu’elle reflète la revendication de reconnaissance de la prostitution comme un travail[2].

La perspective protravail du sexe définit la prostitution comme un travail (Parent et Bruckert, 2010) consistant à offrir des « pratiques sexuelles tarifées » (Danet, 2007 : 110).  Pour des tenantes se réclamant du féminisme, ce travail constitue en plus une liberté économique, une transgression de la norme exigeant des femmes qu’elles servent sexuellement les hommes gratuitement (Thiboutot, 2001), une sexualité minoritaire devant être acceptée socialement (Rubin, 2010) et une libre disposition de son corps (Syndicat du travail sexuel, 2010).  Si les options disponibles peuvent limiter le choix de ce travail, il ne serait pas davantage contraint que celui de nombres d’emplois où les travailleurs et les travailleuses font l’objet d’exploitation (Parent et Bruckert, 2010).

Les principales mesures revendiquées dans le cadre de la perspective protravail du sexe sont la décriminalisation totale de la prostitution, sa reconnaissance comme un travail (Mensah, 2006; Parent et Bruckert, 2005, 2010; Thiboutot, 2001; Toupin, 2002), la lutte contre le stigma accolé aux femmes qui le pratiquent et le respect des droits des travailleuses, le tout afin d’améliorer les conditions de pratique (Feminist Advocating for Rights and Equality for Sex Workers, 2008; Parent et Bruckert, 2005, 2010; Thiboutot, 2001). La sortie de la prostitution est rarement discutée et l’expression « transition » peut être privilégiée considérant qu’on ne « sort » que d’un milieu contraignant alors que l’on « transite » d’une profession à une autre (Law, 2011 : 3).

Le règlementarisme constituerait une variante (CSF, 2002) ou un prédécesseur de la perspective protravail du sexe, en cela nommée néoréglementariste (Baril, 2005; CSF, 2002; Geadah, 2003a). Réglementaristes et protravail du sexe souhaitent que la loi permette la prostitution, en la légalisant pour les premiers et en la décriminalisant pour les seconds (Baril, 2005; Geadah, 2003a; Poulin, 2008). Contrairement à la perspective protravail du sexe, le règlementarisme promeut un encadrement légal spécifique à la prostitution et supplémentaire à celui du travail (Poulin, 2008). Les mesures suivantes sont typiquement mises en place : dépistage et traitement obligatoires pour les femmes, enregistrement dans des fichiers policiers, criminalisation des femmes ne correspondant pas aux critères d’enregistrement (Baril, 2005; François et Machiels, 2007), zonage de la prostitution (François et Machiels, 2007; Poulin, 2008) et taxation des revenus (Poulin, 2008). Bien que le règlementarisme soit traditionnellement associé à une conception de la prostitution comme un « mal nécessaire » (Backhouse, 1985), plusieurs organisations et pays mettant actuellement en œuvre ces mesures, notamment des pays européens et de la région du Pacifique Sud (Poulin, 2008), reconnaissent la prostitution, du moins dans certaines de ses formes, comme un travail (Poulin, 2008; World Health Organization, 2002 : web). En ce sens, réglementarisme et protravail du sexe nous apparaissent comme deux tendances d’une même perspective.

Pour les abolitionnistes féministes que nous sommes, la prostitution constitue plutôt une violence (Farley, 2004; Jeffreys, 1997a; Louis, 2002 : web) assurant l’accès et le contrôle monnayé du corps et de la sexualité d’autrui, très majoritairement des femmes (Jeffreys, 1997a). Le terme serait emprunté aux mouvements sociaux du 19e siècle en faveur de l’abolition de l’esclavage des personnes noires. L’expression « abolitionnisme » traduirait une conception de la prostitution comme un esclavage des femmes devant être aboli (Rigal, 2009).

Selon les abolitionnistes, le système prostitutionnel, composé des proxénètes et des prostitueurs, généralement appelés « clients », garantit l’accès des hommes au corps et à la sexualité des femmes. L’emprise des prostitueurs et des proxénètes sur les femmes s’appuie sur celle des systèmes d’oppressions, principalement sexiste, mais aussi raciste, classiste et âgiste (CSF, 2012; Poulin, 2004). Ces systèmes sont caractérisés par une domination de groupes, les hommes, les personnes blanches, les riches et les adultes, sur d’autres, les femmes, les personnes non-blanches, les pauvres et les jeunes, de même que par une distribution inéquitable des ressources au détriment des groupes dominés (Pfefferkorn, 2007). Ces systèmes d’oppression produisent la prostitution, prostitution qui en retour a pour effet de renforcer ces systèmes d’oppression (Poulin, 2004). L’importance de ces contraintes exclut la possibilité de choisir ou de consentir à la prostitution (Jeffreys, 1997a).

Pour surmonter ces contraintes, les revendications abolitionnistes et les mesures mises en œuvre dans les pays adoptant cette perspective, notamment la Suède et la Norvège (CSF, 2012), sont les suivantes : la criminalisation des proxénètes et des prostitueurs, la décriminalisation des femmes aux prises avec la prostitution et l’offre d’interventions sociales facilitant la sortie des femmes de la prostitution (Barry, 1979; CSF, 2002, 2012; Geadah, 2003b; Jeffreys, 2009; Poulin, 2007).

Certaines auteures nomment cette perspective « néoabolitionniste » (Baril, 2005; CSF, 2002, 2012; Geadah, 2003a) pour la distinguer du mouvement abolitionniste initié en Angleterre à la fin du 19e siècle, mouvement qu’elles définissent par la dénonciation du réglementarisme de l’époque (Baril, 2005; CSF, 2002, 2012; Geadah, 2003a). D’autres auteures et auteur privilégient comme nous le ferons, l’appellation « abolitionniste » pour désigner la perspective actuelle (Poulin, 2008; Rigal, 2009), et refléter la continuité de ces mouvements (Bindel, 2006b : web; Jeffreys, 1997b; Rigal, 2009).

Une étude historique de textes abolitionnistes anglais rédigés à la fin du 19e siècle indique que des figures majeures du mouvement s’opposaient au réglementarisme car il soumettait les femmes prostituées, pourtant victimes, au contrôle sanitaire sans toucher les hommes, pourtant responsables à la fois de la transmission des maladies transmises sexuellement que de la prostitution (Jeffreys, 1997b). Plusieurs études historiques de textes européens abolitionnistes indiquent aussi, du moins pour une frange importante du mouvement d’opposition au règlementarisme, une conception de la prostitution, réglementée ou non, comme une forme d’esclavage (François et Machiels, 2007; Gordon et Dubois, 1983; Jacques et Machiels, 2009; Jeffreys, 1997b). Joséphine Butler (1874 : web), généralement citée pour représenter le mouvement abolitionniste de l’époque (Bindel, 2006b : web; CSF, 2002, 2012; Jeffreys, 1997b; Rigal, 2009), soutenait que les femmes aux prises avec la prostitution étaient des « esclave[s] que vous [le Service des mœurs] tenez enfermée[s] dans vos maisons et que son exploiteur fait descendre pour faire ses affaires à lui, bien plus que les siennes à elle[s] ».

Rappelons également que ce mouvement est reconnu pour son rôle dans l’adoption par plusieurs pays de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui en 1949 (CSF, 2012; Jacques et Machiels, 2009). Ces abolitionnistes, également féministes, auraient opposé la prostitution à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elles auraient revendiqué que l’on prévienne la prostitution en renforçant les droits des femmes, exigé la répression du proxénétisme, et demandé que des soins et des services de réhabilitation soient offerts aux femmes aux prises avec la prostitution pour en sortir (Jacques et Machiels, 2009; Jeffreys, 1997b).

Bien que la sortie de la prostitution interpelle principalement les préoccupations abolitionnistes féministes, des études témoignant d’autres perspectives y ont aussi été consacrées. La sortie est généralement conçue comme un long processus non linéaire modulé de facteurs, internes ou externes aux femmes prostituées, facilitant ou faisant obstacle à sa progression (Ayerbe et al., 2011c, d; Baker et al., 2010; Bertrand et Nadeau, 2006; Carter, 2004; CPJ, 2004; Cusick, Brooks-Gordon, Campbell et Edgar, 2011; Dalla, 2006; Law, 2011; Manopaiboon et al., 2003; Mayhew et Mossman, 2007; McIntyre, 2002; Oselin, 2009; Rabinovitch et Strega, 2004; Sanders, 2007; UK Network of Sex Work Projects, 2008; Women’s Support Project, 2002).

Considérant la difficulté de ce processus, des études se sont intéressées à l’intervention sociale le facilitant. Les auteurs et auteures se sont penchées sur les pratiques d’aide permettant le passage à une vie exempte de prostitution et, autant que faire se peut, de ses conséquences (Baker et al., 2010; Bindel, 2006a; Carter, 2004; Hedin et Mansson, 2004; Hotaling et al., 2004, 2004; Mansson et Hedin, 1999; McIntyre, 2002; Oxman-Martinez et al., 2005; Rabinovitch et Strega, 2004; Roe-Sepowitz et al., 2012; Trinquart, 2002; Women’s Support Project, 2002). Dans cet article, nous comparons le contenu des études issues de différentes perspectives selon leur apport, d’un point de vue abolitionniste, au développement de repères à l’intervention d’aide à la sortie de la prostitution.

La méthode retenue

Nous nous sommes intéressées aux études universitaires, gouvernementales et communautaires sur la sortie de la prostitution.  Nous avons considéré comme des études les écrits publiés faisant état d’une réflexion ou d’une recherche empirique sur la sortie de la prostitution, toutes populations confondues. Un article, un chapitre ou un rapport de recherche était considéré comme une étude.

Les catalogues de bibliothèques universitaires et les bases de données PsycInfo, Social Work Abstract, Women’s Studies International et Eric ont permis de répertorier les études universitaires pertinentes. Chacun des mots-clés suivants « prostitution », « travail du sexe/sex work » et « exploitation sexuelle/sexual exploitation » a été combiné à chacun de ceux-ci « sortie/exit/exiting » et « transition » pour effectuer la recension des études en langues française et anglaise. Les études gouvernementales et communautaires accessibles sur Internet par Google et Google scholar à partir des mêmes combinaisons de mots-clés ont également été examinées. Aucune restriction de discipline ou de pays n’a limité la recension des études.

Nous avons inclus à la recension d’écrits les études publiées entre 2000 et mai 2012[3] afin de connaître les réflexions récentes sur la sortie de la prostitution. Nous avons établi le début de notre période de recension au tournant des années 2000, considérant cette période propice à la publication d’études sur la prostitution. Le début des années 2000 est en effet marqué d’une intensification du débat à ce sujet au Canada (Geadah, 2003a) et dans différents pays d’Europe (Houchard, 2002 : web). Quelques documents publiés de 1979 à 1999 ont été ajoutés au corpus, car ils étaient cités dans plusieurs des études recensées.

Nous avons opté pour une analyse de contenu qualitative afin de dégager la signification de discours écrits sur la sortie de la prostitution. Le contenu des études a été analysé selon un modèle de catégorisation mixte, constitué de catégories préexistantes à l’analyse et de catégories émergentes du corpus examiné (L’Écuyer, 1990). Nous avons d’abord classifié les études selon la proximité de leur conception de la prostitution avec les définitions des grandes perspectives présentées plus tôt (les catégories préexistantes). Nous avons ensuite repéré les passages traitant du processus de sortie de la prostitution et des interventions associées (les catégories préexistantes). Finalement, nous avons dégagé du contenu des études les différentes dimensions (les catégories émergentes) se rattachant au processus et aux interventions de sortie.

Un portrait des études

Nous avons recensé 43 documents publiés entre 2000 et 2012. Ce nombre atteste le peu d’études sur la sortie de la prostitution (Mansson et Hedin, 1999; Oselin, 2009; Sanders, 2007) surtout si l’on considère la prolifération d’études sur la prostitution durant la période couverte par notre recension (CSF, 2012). De ces écrits, 23 portent spécifiquement sur la sortie, contre 20 qui ne s’y consacrent pas totalement. Cela confirme l’éparpillement des réflexions sur le sujet et la pertinence de les rassembler.

Les études recensées ont été publiées par des revues universitaires, des départements universitaires et des organisations gouvernementales et communautaires s’inscrivant dans les disciplines suivantes : les études féministes, la sociologie, la criminologie, le droit, la psychologie, le travail social, la médecine, l’éducation, la psychiatrie et les sciences sociales. Certaines éditions se consacraient à un objet d’étude interpellant plusieurs disciplines ou domaines d’étude, tels les services sociaux, la jeunesse et la violence faite aux femmes (voir les références des études recensées pour une liste complète). Les auteures et auteurs ont mené leurs études au Québec, au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Angleterre, en Écosse, en Nouvelle-Zélande, au Lesotho, en Suède, en France et en Australie. Ces études portaient sur la sortie de la prostitution dans ces mêmes pays, à l’exception du Lesotho, de même que sur l’Afrique du Sud, la Thaïlande, la Turquie, la Zambie et sur la situation mondiale. 

Sept des documents recensés sont protravail du sexe, 24 sont abolitionnistes et 12 font un amalgame des deux premières théories, considérant la prostitution à la fois comme un travail et une violence, ou comme ni l’un ni l’autre. Pour rendre l’idée d’un mélange de positions très différentes, nous utilisons le terme « amalgame » comme adjectif pour qualifier succinctement ces études. Aucun des documents n’affiche une perspective prohibitionniste, reflétant probablement le faible nombre d’études sur la prostitution adoptant cette perspective (Geadah, 2003a). Une liste des documents analysés se trouve en annexe. Le graphique suivant illustre la répartition des études recensées par perspective.

                       Figure 1. Répartition des études recensées selon leur perspective théorique sur la prostitution.

 

Les études protravail du sexe

Ces études dépeignent, dans tous les cas, la prostitution comme un travail, et dans aucun cas comme un « mal nécessaire » ou de « problème », permettant de les qualifier de protravail du sexe plutôt que de réglementariste. Les études recensées se centrent majoritairement sur le processus de sortie de la prostitution. Selon elles, la souffrance poussant les femmes à entamer ce processus ne tirerait généralement pas son origine de la prostitution en elle-même. Sauf dans le cas de la sortie « réactive » de la typologie en quatre trajectoires de Teela Sanders (2007 : 81), où les femmes quitteraient une prostitution insupportable, seules des difficultés qualifiées de périphériques à la prostitution pousseraient les femmes à en sortir. La violence et la « mauvaise » consommation de drogues propre à la rue sont principalement citées (Sanders, 2007 : 86). Les autres motifs de sortie énoncés par les études protravail du sexe recensées sont la stigmatisation (Benoit et Millar, 2001; Law, 2011), la toxicomanie (Benoit et Millar, 2001; Oselin, 2010), un épisode de violence, le désir de changer d’emploi (Benoit et Millar, 2001; Law, 2011) ou de se consacrer à un autre projet (Law, 2011) et l’épuisement dû au caractère relationnel et émotionnel de la prostitution (Benoit et Millar, 2001; Law, 2011; Sanders, 2007) :

Plutôt que de n’être causé par un traumatisme, l’ « épuisement » suite au travail du sexe peut être causé par ce que Lisa (une participante) décrivait comme l’aspect relationnel du travail du sexe, ou ce que Hochschild (2003) a nommé le « travail émotionnel », référant aux emplois orientés sur le service à la clientèle qui supposent une interaction émotive, incluant la simulation et la manipulation d’émotions (Law, 2011 : 65, traduction libre).

Logiquement, le processus de sortie qui suit ne vient pas nécessairement d’une volonté de quitter la prostitution, pas plus qu’il ne mène à sa sortie dans tous les cas. La sortie « stratégique » du modèle en quatre « styles de sortie » de Linda Cusick et de ses collaboratrices (2011 : 150, 151) constitue plutôt un effet secondaire d’un autre changement recherché, tel l’arrêt de la toxicomanie. Ce « style de sortie » n’aboutit pas toujours à une sortie complète de la prostitution, mais peut mener au délaissement de l’un de ses secteurs au profit d’un autre. Ce modèle suggère une prostitution non contrainte et une sortie sans entraves. Le « style de sortie graduel », pourtant traversé de ré-entrées dans la prostitution, n’explique pas ces dernières par une emprise, mais par la maturité acquise à la suite d’événements extérieurs à la prostitution.

Le « style de sortie astucieuse », également marqué de ré-entrées, est modulé d’événements associés à la prostitution sans être dépeints comme contraignants, tel le changement de statut d’un prostitueur vers celui de conjoint. Seul le « style de sortie appuyé d’interventions » admet que la consommation de drogues puisse nuire à la sortie de la prostitution, mais seulement dans certains cas, les femmes aux prises avec la prostitution hors rue étant rarement toxicomanes selon les auteures.

Le modèle de Sharon S. Oselin (2009), en se centrant sur le changement d’identité des femmes sortant de la prostitution, tait aussi les contraintes y maintenant les femmes. Il en va globalement de même pour le modèle « Devenir une ex-travailleuse du sexe » de Teela Sanders (2007 : 74, 87), qui s’attarde aux événements extérieurs à la prostitution facilitant sa sortie, et qui associe principalement les traumatismes prostitutionnels au secteur de la rue. Seul son processus de sortie en « yo-yo », ponctué de nombreuses ré-entrées, est expliqué par le besoin d’argent rapide créé par la toxicomanie et par les contraventions que reçoivent les femmes. Encore une fois, l’auteure voit ces contraintes comme des conditions propres à la prostitution de rue.Une recherche mentionne que la stigmatisation freine la recherche d’emploi des femmes, ralentissant leur processus de transition (Law, 2011). Les autres barrières identifiées dans les études protravail du sexe, soit la perte des avantages de la prostitution, tels que le gain d’argent et les horaires flexibles (Law, 2011; Mayhew et Mossman, 2007), ne constituent pas des contraintes, mais plutôt une incitation à la prostitution, que Pat Mayhew et Elaine Mossman (2007 : 6) appellent « facteurs attirants ».

Conséquemment, les interventions proposées par les études protravail du sexe recensées consistent à offrir des traitements de désintoxication (Cusick et al., 2011; Sanders, 2007) et un logement aux femmes prostituées dans la rue (Sanders, 2007). Des études protravail du sexe recommandent, pour aider les femmes prostituées hors de la rue (Law, 2011) ou de tous secteurs confondus (Benoit et Millar, 2011; Cusick et al., 2011; Mayhew et Mossman, 2007; Sanders, 2007), de procurer une aide pour prendre la décision de sortir de la prostitution ou d’y rester, d’assurer un soutien matériel pour compenser les pertes financières entraînées par la sortie (Law, 2011; Mayhew et Mossman, 2007; Sanders, 2007), d’aider les femmes à accéder à un emploi (Benoit et Millar, 2001), de réduire les méfaits associés à la prostitution (Cusick et al., 2011), de décriminaliser totalement cette dernière, de s’attaquer à la stigmatisation des femmes (Law, 2011; Sanders, 2007) et de soutenir psychologiquement les femmes des conséquences de cette stigmatisation (Benoit et Millar, 2001). Ces interventions nous semblent limitées pour surmonter les contraintes à la prostitution et ses conséquences. La décriminalisation totale, dont l’apport à la sortie n’est pas justifié, nous semble plutôt susceptible de contribuer au maintien des femmes dans la prostitution.

De plus, nombre d’auteurs et auteures remettent en question l’importance des interventions d’aide à la sortie de la prostitution (Cusick et al., 2011; Mayhew et Mossman, 2007; Oselin, 2009; UK Network of Sex Work Projects, 2008). Seul l’un des quatre « styles de sortie » de l’étude anglaise de Linda Cusick et de ses collaboratrices (2011 : 150) est « appuyé d’interventions », et ce dernier ne concerne qu’une minorité des participantes. Pat Mayhew et Elaine Mossman (2007) dénoncent pour leur part ce qu’il et elle considèrent comme une trop forte présence des interventions d’aide à la sortie, et ce, même dans leur pays, la Nouvelle-Zélande, où la prostitution est légale. Leur opposition concerne particulièrement les interventions abolitionnistes, qui ne conviendraient pas aux femmes désirant continuer de pratiquer la prostitution :

Les travailleuses du sexe optant volontairement pour la poursuite de la prostitution en tant que carrière favorite, ou la considérant comme le meilleur choix de profession, seront les plus opposées aux interventions basées sur la notion qu’elles ont besoin d’aide pour s’échapper du statut de « victimisation »  (Mayhew et Mossman, 2007 : 15, traduction libre).

Bref, l’apport des études protravail du sexe recensées nous semble limité pour alimenter le développement d’interventions d’aide à la sortie de la prostitution. Ces études modélisent un processus de sortie de la prostitution ne menant pas nécessairement à une sortie de l’ensemble de ses secteurs, ce qui contribue peu à l’appréhension d’un processus de sortie complet. Ces études tiennent peu compte des contraintes à la prostitution, surtout hors rue, ce qui ne permet pas de saisir la difficulté de ce processus. Elles reconnaissent peu les conséquences de la prostitution et offrent des outils limités pour les éliminer. Ceci, de même que la mise en doute de la nécessité des interventions d’aide à la sortie outille peu, selon nous, les intervenants et les intervenantes quant aux défis de l’accompagnement des femmes souhaitant amorcer ce processus.

Les études « amalgames »

Ces études mettent de l’avant deux modèles pour faire état du processus de sortie de la prostitution. Contrairement aux modèles protravail du sexe, ces conceptualisations mènent toutes à une sortie complète de la prostitution. Ces modèles prennent la forme d’une succession d’étapes communes, modulées par différents facteurs, où des retours en arrière plus ou moins nombreux sont possibles (Baker et al., 2010; UK Network of Sex Work Projects, 2008). Une telle intégration de différentes trajectoires en un même modèle, plus dynamique que des typologies qualifiées dans leur ensemble, nous semble mieux rendre le changement intrinsèque à un processus.

Ces modèles « amalgames » rendent toutefois compte de manière inégale des contraintes à la prostitution inhibant le déroulement du processus de sortie. L’une de ces études (UK Network of Sex Work Projects, 2008) reprend le modèle « transthéorique des étapes du changement » de James O. Prochaska et de ses collaborateurs (1992) pour décrire le processus de sortie de la prostitution. Le recours à ce modèle suggère que la sortie de la prostitution dépendrait principalement des efforts personnels des femmes qui y sont aux prises pour changer leurs comportements. Le modèle de Lynda Baker et de ses collaboratrices (2010 : 591) met davantage en lumière les contraintes à la prostitution, telles l’exclusion sociale, la stigmatisation, la pauvreté, la toxicomanie et la criminalisation des femmes aux prises avec la prostitution. Les auteures de cette étude états-unienne voient ces contraintes comme des « barrières » au processus de sortie responsables des ré-entrées dans la prostitution après une « sortie initiale ».

Si les auteures de ce dernier modèle, appuyées de plusieurs autres de la même perspective, déplorent l’insuffisance des interventions facilitant la sortie de la prostitution (Baker et al., 2010; Bertrand et Nadeau, 2006; CPJ, 2004; Dalla, 2006; Oxman-Martinez et al., 2005; Rabinovitch et Strega, 2004), d’autres en atténuent l’importance. Certaines auteures « amalgames » soutiennent que les interventions d’aide à la sortie de la prostitution peuvent être considérées comme dégradantes pour ledit travail du sexe (Rabinovitch et Strega, 2004) ou qu’elles repoussent les éventuelles utilisatrices de services (Rabinovitch, 2004). Celia Williamson (2000) remet pour sa part en question leur caractère indispensable sur la base de l’expérience de femmes sorties de la prostitution sans aide extérieure. Elle déplore que ces expériences soient évacuées des études prônant le développement d’interventions. Le Conseil permanent de la jeunesse du Québec, à l’instar de Jannit Rabinovitch et de Susan Strega (2004), y voit une certaine pertinence, mais s’oppose à leur préséance par rapport aux interventions améliorant les conditions de pratique de la prostitution :

[…] la sortie ne doit pas se traduire par une catégorisation des personnes : les bonnes qui veulent quitter le milieu et les mauvaises, celles qui veulent continuer à faire la rue. On doit aussi viser à améliorer la situation de ceux et celles qui veulent simplement continuer à faire le métier (CPJ, 2004 : 120).

Sous le couvert du respect du choix, le message envoyé aux personnes utilisées dans la prostitution est qu’elles pourraient trouver des avantages à y demeurer, ce qui contribue selon nous à renforcer leur responsabilisation de la violence qu’elles subissent. Un collectif d’intervenants et d’intervenantes françaises observe en outre qu’une absence d’expression de désir de sortie n’équivaut pas à l’absence d’une telle volonté. Puisque la sortie de la prostitution constitue un processus, il importe selon lui d’accorder aux femmes l’espace nécessaire pour croire en la possibilité de sortie, et ce, même si cette aspiration n’est pas verbalisée au moment de l’intervention (Ayerbe et al., 2011b, c).

Le positionnement ambigu des études « amalgames » sur la pertinence d’offrir de l’aide pour sortir de la prostitution s’accompagne de propositions d’interventions contradictoires. D’une part, on recommande de s’attaquer aux contraintes maintenant les femmes dans la prostitution et à ses conséquences. Plusieurs conseillent d’offrir aux femmes un emploi et un logement (Baker et al., 2010; Bertrand et Nadeau, 2006; CSF, 2002; Oxman-Martinez et al., 2005; Rabinovitch, 2004; Rabinovitch et Strega, 2004; Roe-Sepowitz et al., 2012; UK Network of Sex Work Projects, 2008), un soutien psychologique (Bertrand et Nadeau, 2006; Oxman-Martinez et al., 2005; Rabinovitch et Strega, 2004; Roe-Sepowitz et al., 2012), des traitements de désintoxication (CSF, 2002; Rabinovitch et Strega, 2004) et une protection temporaire des proxénètes (Oxman-Martinez et al., 2005). D’autre part, on incite aussi les intervenants et les intervenantes à aider les femmes à « survivre avec plus de succès » en demeurant dans la prostitution (Rabinovitch et Strega, 2004 : 140, notre traduction). Selon elles et une autre étude « amalgame » (CPJ, 2004), des interventions devraient à la fois être mises en place pour aider les femmes à sortir de la prostitution et pour les aider à s’y sentir mieux.

Paradoxalement, les interventions visant la sortie et celles cherchant l’adaptation des femmes à la prostitution peuvent aussi se confondre les unes aux autres. Le Conseil permanent de la jeunesse du Québec (2004) présente la réorientation d’un secteur de la prostitution à un autre comme une intervention facilitant à la fois la sortie de la prostitution et l’amélioration de ses conditions de pratique :

Précision sur la sortie de la prostitution de rue […]. La réduction des méfaits s’applique aussi à la sortie de ce type de prostitution. Une intervenante donne l’exemple d’une jeune femme décidée à arrêter de consommer de la drogue. Son abstinence pourra lui permettre de quitter la rue, d’accéder aux agences d’escortes et ainsi d’améliorer ses conditions de vie (CPJ, 2004 : 120).

Il semble qu’une telle combinaison d’interventions ne soit pas sans effet sur les personnes ciblées. Susan McIntyre (2002) a observé une confusion chez ses participants et ses participantes canadiennes devant des interventions contradictoires. Pour l’organisation écossaise Women’s Support Project (2002), cette confusion empêcherait la construction de repères alternatifs à la violence, essentiels pour comprendre son expérience et entreprendre une démarche vers la sortie de la prostitution.

Bref, les études « amalgames » proposent une compréhension dynamique du processus de sortie de la prostitution, processus menant à une sortie complète. De tels modèles aident à saisir le changement que constitue la sortie de la prostitution, ce qui nous apparaît utile au développement d’interventions pertinentes. Certaines des études « amalgames » tiennent compte des conséquences de la prostitution et des contraintes y maintenant les femmes, ce qui permet d’anticiper les défis du processus de sortie et d’envisager des stratégies pour les contrecarrer. Toutefois, nous anticipons que les positions contradictoires de certaines de ces études quant aux interventions et à leur nécessité inspirent des interventions ne contribuant pas, dans leur ensemble, à favoriser la sortie de la prostitution, les unes annulant à long terme les effets des autres.

Les études abolitionnistes

Les interventions proposées par les études « amalgames » pour surmonter les contraintes à la prostitution, éliminer ses conséquences et aider les femmes à en sortir sont partagées par les études abolitionnistes recensées. Mais contrairement aux études « amalgames » et protravail du sexe, aucune des études abolitionnistes ne vise à aider les femmes à s’adapter à la prostitution. Des apports supplémentaires se dégagent des études de la sous-perspective abolitionniste féministe ayant émergé de notre analyse.

Notre classification des études nous a permis de repérer trois sous-perspectives abolitionnistes : l’abolitionnisme féministe, l’abolitionnisme non féministe et l’abolitionnisme minimal. Ces sous-perspectives ont été définies à partir des conceptions de la prostitution décrites dans les études. Les sous-perspectives se distinguent l’une de l’autre par leur degré de proximité à la définition de l’abolitionnisme féministe présentée plus tôt. Les études adoptant totalement cette définition conservent la dénomination d’abolitionniste féministe et celles s’en éloignant le plus ont été qualifiées d’abolitionnistes minimales. Cette dernière n’emprunte aucune position à la perspective protravail du sexe, ce qui justifie sa distinction de la perspective « amalgame ». Le schéma suivant indique succinctement les objets d’intérêt et de prises de position de chacune des sous-perspectives.

                                    Figure 2. Illustration schématique des sous-perspectives abolitionnistes

 

L’abolitionnisme minimal s’intéresse aux conséquences de la prostitution (Ayerbe et al., 2011a, b, c, d; Hedin et Mansson, 2004; Mansson et Hedin, 1999), de même qu’aux contraintes y amenant et y maintenant les femmes. Tout en considérant la prostitution comme une violence, ces études omettent d’en identifier les responsables (Ayerbe et al., 2011a, b, c, d; Hester et Westmarland, 2004; Mansson et Hedin, 1999).

La sous-perspective abolitionniste non féministe ajoute à son analyse la responsabilité des prostitueurs et des proxénètes, dont l’action conjointe constitue le système prostitutionnel. Elle évite par contre de situer ces derniers à l’intérieur des systèmes d’oppression producteurs de prostitution (Jean, 2012a, b : web; McIntyre, 2002; Trinquart, 2002).

L’abolitionnisme féministe conçoit pour sa part la prostitution comme un système de violence sexuelle (Bindel, 2006a; CSF, 2012; Jean, 2012d : web; Jeffreys, 2009), masculine (Barry, 1979; Carter, 2004; CSF, 2012; Farley et al., 1998, 2005; Hotaling et al., 2004; Jean, 2012c, e : web; Mouvement du Nid, 2009; Women’s Support Project, 2002), commise par les prostitueurs et par les proxénètes contre les femmes, particulièrement celles qui sont racisées (Carter, 2004; CSF, 2012; Farley et al., 1998), notamment autochtones (Farley et al., 2005), appauvries (CSF, 2012; Farley et al., 1998, 2005) et jeunes au moment de leur entrée (CSF, 2012; Poulin, 2004). Ainsi, cette sous-perspective explique minimalement la prostitution par le sexisme (Barry, 1979; Carter, 2004; Farley et al., 1998, 2005; Jean, 2012b, c : web), mais aussi, dans le cas de plusieurs auteures, par le racisme (Farley et al., 1998, 2005; Jean, 2012b, c : web), le colonialisme (Farley et al., 2005), l’esclavage (Barry, 1979; Carter, 2004) et le classisme (Farley et al., 1998, 2005; Jean,  2012d : web).

Parmi les 24 écrits abolitionnistes recensés, 13 nous sont apparus féministes, 7 minimaux et 4 non féministes.

                                  Figure 3. Répartition des documents abolitionnistes selon leur sous-perspective.

 

Deux études abolitionnistes minimales proposent des modèles de processus de sortie de la prostitution (Hester et Westmarland, 2004; Mansson et Hedin, 1999) et une étude abolitionniste féministe (Mouvement du Nid, 2009 : 56, 57) s’appuie sur le « modèle transthéorique des étapes du changement » de James O. Prochaska et de ses collaborateurs (1992). Les modèles de processus de sortie des études abolitionnistes présentent, tout comme les modèles « amalgames », l’avantage de mener à une sortie complète de la prostitution. L’appropriation abolitionniste du « modèle transthéorique des étapes du changement » met davantage en relief les contraintes maintenant les femmes dans la prostitution que ne le fait l’étude « amalgame » reprenant le même modèle. Cette dernière étude se limite à mentionner au passage certaines contraintes parmi les « défis » posés par l’intervention d’aide à la sortie. L’étude abolitionniste identifie pour sa part des « obstacles au changement », telles la violence prostitutionnelle, l’exclusion sociale et la pauvreté, à chacune des étapes du processus.

Les deux modèles élaborés dans le cadre d’études abolitionnistes précisent les contraintes poussant les femmes à la prostitution et inhibant leur processus de sortie (Mansson et Hedin, 1999) ou les forçant à ré-entrer (Hester et Westmarland, 2004). À ces égards, ils identifient respectivement la violence subie par les filles en contexte familial et scolaire (Hester et Westmarland, 2004; Mansson et Hedin, 1999), l’exclusion économique et sociale des femmes prostituées (Mansson et Hedin, 1999), la violence prostitutionnelle (Hester et Westmarland, 2004; Mansson et Hedin, 1999) la toxicomanie et l’endettement (Hester et Westmarland, 2004).

Le principal apport de ces modèles est leurs recommandations pratiques incorporées au processus de sortie. Le modèle « briser l’effet Matthew[4] », de l’étude suédoise de Sven Axel Mansson et Ulla-Carin Hedin (1999 : 67), souligne l’apport de l’aide professionnalisée et offerte par les proches à la suite de la sortie de la prostitution pour faire face à ses conséquences. Comme son nom l’indique, le « modèle de besoins et de soutien », de l’étude anglaise de Marianne Hester et de Nicole Westmarland (2004 : 131), élabore davantage. Il émet des recommandations pour chacune des étapes du processus : des interventions préventives à l’étape de « vulnérabilité » à l’entrée dans la prostitution, des interventions concernant les besoins de base, lorsque les femmes se trouvent dans le « chaos » prostitutionnel, ainsi que des interventions de crise, lorsqu’elles se « stabilisent » hors de la prostitution, et un soutien financier et psychologique continu durant leur « postsortie ».

Les propositions d’interventions d’aide à la sortie constituent l’apport principal des études abolitionnistes. Elles recommandent les outils d’intervention qui nous apparaissent les plus aptes à éliminer les contraintes maintenant les femmes dans la prostitution. En plus de recommander les mêmes interventions que les études « amalgames » pour s’attaquer aux contraintes immédiates entravant la sortie de la prostitution, les études abolitionnistes souhaitent intervenir à la source de ces contraintes, soit sur le système prostitutionnel lui-même. Ainsi, seules des études abolitionnistes féministes proposent de criminaliser les proxénètes pour contrecarrer leur emprise sur les femmes (Barry, 1979; CSF, 2012; Farley et al., 1998; Jeffreys, 2009).

Notons que si les études abolitionnistes non féministes avaient été plus nombreuses, certaines auraient probablement prôné la criminalisation des proxénètes. En effet, les auteurs et auteures abolitionnistes non féministes, comme les féministes, les tiennent en partie responsables de la prostitution. Susan McIntyre (2002) ajoute que leur sollicitation entrave la sortie définitive de la prostitution. Afin de s’attaquer à la demande de prostitution, seules des études abolitionnistes féministes et non féministes recommandent de criminaliser les prostitueurs (Barry, 1979; CSF, 2012; Farley et al., 1998; Jean, 2012a, b, e : web; Jeffreys, 2009; McIntyre, 2002; Trinquart, 2002) et de les éduquer sur les conséquences de leurs gestes (Jean, 2012a, b, c : web).

Seules des auteures abolitionnistes féministes et une auteure abolitionniste non féministe contrindiquent aussi la collaboration avec les proxénètes dans le cadre de l’intervention (Trinquart, 2002; Women’s Support Project, 2002). Cela ne doit pas être tenu pour acquis, car un auteur et une auteure protravail du sexe privilégient l’alliance avec les proxénètes pour rejoindre les femmes qu’ils prostituent (Mayhew et Mossman, 2007). Elle et il recommandent ensuite d’offrir des programmes d’aide communs, prétendant en accroitre l’efficacité, sans toutefois justifier cette efficacité.

Au-delà de la rupture avec le système prostitutionnel, les auteures abolitionnistes féministes comptent lutter contre les oppressions à l’origine des contraintes maintenant les femmes dans la prostitution. À l’instar d’études « amalgames » (Oxman-Martinez et al., 2005; Rabinovitch, 2004; Rabinovitch et Strega, 2004), d’une étude abolitionniste minimale (Ayerbe et al., 2011d) et d’une étude abolitionniste non féministe (Jean, 2012a, b : web), plusieurs auteures abolitionnistes féministes proposent des approches d’intervention antioppressives (Barry, 1979;  Farley et al., 1998, 2005; Jean, 2012c, d, a, e : web; Mouvement du  Nid, 2009; Oxman-Martinez et al., 2005; Women’s Support Project, 2002), des pratiques de défense de droits (Bindel, 2006a; Jean, 2012b : web; Mouvement du Nid, 2009; Rabinovicth et Strega, 2004) et de dénonciation publique du sexisme et du racisme (Carter, 2004; Rabinovitch, 2004; Rabinovitch et Strega, 2004), de même que des interventions (Oxman-Martinez et al., 2005) et des modes d’accessibilité spécifiques aux femmes immigrantes (Ayerbe et al., 2011d; Jean, 2012b : web; Oxman-Martinez et al., 2005). 

Les études abolitionnistes féministes tiennent le plus systématiquement compte des oppressions dans leur analyse de la sortie de la prostitution. Seules des études abolitionnistes féministes préconisent la non-mixité de l’ensemble des interventions destinées aux femmes (Barry, 1979; Bindel, 2006a; Farley et al., 2005), et à celles qui sont autochtones (Farley et al., 2005) ou noires (Carter, 2004), afin de diminuer l’empreinte des rapports de domination sur le contexte d’intervention. La même préoccupation motive les recommandations de l’une des études abolitionnistes féministes à l’égard du savoir-être, ou du mode d’entrée en relation des intervenantes (Women’s Support Project, 2002). Cette étude propose des moyens pour éviter que le pouvoir de l’intervenante, en raison de son statut, ne serve à renforcer celui des systèmes d’oppression sur les femmes. Pour ce faire, cette étude écossaise remet en question les aprioris hétérosexistes des intervenantes dans les voies de sortie qu’elles envisagent :

Ne tenez pas pour acquis que le couple hétérosexuel la sauvera et que tout ce qu’elle a à faire est de trouver le bon gars […] (Women’s Support Project, 2002 : 16, traduction libre).

L’étude souligne plus loin l’importance pour les intervenantes d’éviter de faire devant elles l’étalage de leurs privilèges de classe :

Ne discutez pas devant elle avec d’autres intervenantes de votre nouvelle voiture, de vos vacances en Grèce ou de problèmes avec votre hypothèque […] (Women’s Support Project, 2002 : 13, traduction libre).

Alors que les études abolitionnistes féministes tiennent systématiquement compte de l’oppression des femmes dans leur analyse de la sortie de la prostitution, des études s’inscrivant dans d’autres perspectives théoriques en nient implicitement les effets. Selon l’étude « amalgame » du Conseil permanent de la jeunesse du Québec (2004), trop peu de recherches seraient menées sur les hommes prostitués. L’étude abolitionniste non féministe recommande qu’une enquête nationale soit menée sur les hommes et les garçons aux prises avec la prostitution sans émettre la même recommandation pour les femmes et les filles dans la même situation. Les auteurs et auteures des deux études omettent toutefois de comparer la proportion de recherches sur les hommes prostitués à leur proportion dans l’industrie du sexe. Les estimations dont nous disposons suggèrent une grande majorité de femmes parmi les personnes aux prises avec la prostitution au Québec et au Canada, populations d’intérêt de ces études. Au moins 80% à 90% des personnes prostituées de rue au Canada seraient des femmes (Duchesne, 1995; Shaver, 2012 : web). On retrouverait la même proportion au Québec pour tous les secteurs confondus (CSF, 2012). Devant ces estimations, il nous apparaîtrait équitable, si tel était le cas, que davantage d’études ne se consacrent aux femmes qu’aux hommes aux prises avec la prostitution.

L’auteure de l’étude abolitionniste non féministe avance en outre que les femmes recevraient davantage d’aide que les hommes pour sortir de la prostitution :

Les hommes et les garçons sont moins susceptibles d’obtenir l’appui des services sociaux. Quand ils quittent la rue, ce n’est pas pour donner naissance, ce qui réduit la possibilité de trouver du soutien du gouvernement ou des parents (McIntyre, 2002 : 29).

Par conséquent, selon l’auteure, plus d’interventions seraient nécessaires pour les hommes. Cette même étude rapporte pourtant que les mères participantes expriment des besoins financiers supérieurs à ceux de leurs participants masculins compte tenu de leurs responsabilités parentales. L’étude fait également mention d’un meilleur accès des hommes sortant de la prostitution à des emplois non spécialisés n’exigeant pas d’expérience préalable. L’auteure ne nuance toutefois pas, à partir de ces observations, ses conclusions sur le soi-disant favoritisme féminin en matière d’intervention (McIntyre, 2002). Ces analyses et recommandations rappellent le discours masculiniste, une forme d’antiféminisme qui reprend l’analyse féministe pour en « renverser le sens » en prétendant que les hommes sont victimes, en tant qu’hommes, d’inégalités sociales (Blais et Dupuis-Déri, 2008 : 15).

On peut donc conclure que les perspectives sur la prostitution génèrent, dans les études recensées, des discours et des recommandations de pratiques différentes pour faciliter sa sortie. Les études abolitionnistes féministes nous apparaissent les plus utiles au développement d’interventions facilitant la sortie de la prostitution. Bien que cet effet puisse en partie s’expliquer par la supériorité numérique des études de cette perspective, de nettes différences sont observées et elles concordent avec la perspective dans laquelle ces études s’insèrent. La supériorité numérique des études abolitionnistes féministes sur la sortie nous semble également témoigner de sa préoccupation pour la sortie et constituer un apport.

À l’instar d’études « amalgames », les études abolitionnistes tiennent compte des conséquences de la prostitution et des contraintes y maintenant les femmes. Ces études proposent aussi une compréhension dynamique du processus de sortie de la prostitution menant à une sortie complète. Ces modèles aident à imaginer, pour toutes les femmes aux prises avec la prostitution et souhaitant en sortir, une voie vers une vie totalement exempte de cette violence. Les études abolitionnistes, surtout féministes, sont toutefois les seules à offrir des outils à la fois prometteurs et cohérents, car opposés au système prostitutionnel et aux différents systèmes d’oppression qui amènent et maintiennent les femmes dans la prostitution. Ainsi, les études abolitionnistes féministes proposent des interventions s’attaquant non seulement aux entraves immédiates inhibant leur processus de sortie, mais aussi à la source des contraintes maintenant les femmes dans la prostitution.

Face à de tels constats, nous croyons que ces recherches devraient être développées et proposons les pistes suivantes pour les recherches futures :

- Comment modéliser le processus de sortie de la prostitution en tenant systématiquement compte des contraintes à la prostitution et des interventions d’aide à privilégier ?

- Dans le cadre de la relation d’intervention, comment laisser place à l’expression du besoin de sortie de la prostitution ?

- En quoi certaines interventions contribuent-elles ou nuisent-elles au processus de sortie de la prostitution ?

- Quelles expériences les femmes aux prises avec la prostitution font-elles des interventions s’adressant à elles ?

- Comment les contraintes à la prostitution obligent-elles les femmes à y ré-entrer une fois sorties ?

- Comment rejoindre les femmes pour les aider à sortir de la prostitution et intervenir lors de ré-entrées sans collaborer avec les proxénètes ?

- En quoi les interventions d’aide à la sortie de la prostitution se distinguent-elles des autres interventions s’adressant aux femmes aux prises avec la prostitution ?

Notre étude suggère que la recherche abolitionniste féministe est propice au développement de repères à l’intervention sociale facilitant la sortie de la prostitution, lesquelles s’avèrent essentielles au projet abolitionniste. À long terme, nous croyons que ce type d’interventions contribuera à une vie libre de prostitution pour toutes les femmes.


 

Liste des recherches analysées par source et perspective

Recherches protravail du sexe (7)

Recherches universitaires (6) :

Benoit, Cecilia et Alison Millar. 2001. Dispelling Myths and Understanding Realities: Working Conditions, Health Status, and Exiting Experiences of Sex Workers. Victoria, Colombie-Britannique : Département de sociologie, Université de Victoria.

Cusick, Linda, Belinda Brooks-Gordon, Rosie Campbell et Fiona Edgar. 2011. « “Exiting” Drug use and Sex Work: Career paths, Interventions and Government strategy targets »,  Drugs: Education, Prevention and Policy, Vol.18, n◦2 (avril).

Law, Tuulia. 2011. Not a Sob Story : Transitioning Out of Sex Work. Mémoire de maîtrise. Ottawa : Université d’Ottawa.

Oselin, Sharon. 2009. « Leaving the Streets: Transformation of Prostitute Identity within the Prostitution Rehabilitation Program », Deviant Behavior, Vol. 30, n◦4 (mai).

Oselin, Sharon. 2010. « Weighing the Consequences of a Deviant Career: Factors Leading to Exit from Prostitution »,  Sociological Perspectives, Vol. 53, n◦4 (décembre).

Sanders, Teela. 2007. « Becoming an Ex-Sex Worker: Making Transitions Out of a Deviant Career », Feminist Criminology, Vol. 2, n◦1 (janvier).

Recherche gouvernementale (1) :

Mayhew, Pat. et Elaine  Mossman. 2007. Exiting Prostitution: Models of Best Practice. Wellington, New Zealand Government: Ministry of Justice.

 

Recherches « amalgames » (12)

Recherches universitaires (6):

Baker, Lynda.M., Rochelle L. Dalla et Celia Williamson. 2010. « Exiting Prostitution: An Integrated Model », Violence Against Women, Vol.16, n◦5 (mai).

Bertrand, Karine et Louise Nadeau. 2006. « Trajectoires de femmes toxicomanes en traitement ayant un vécu de prostitution : étude exploratoire », Drogues, santé et société, Vol.5, n◦2 (décembre).

Dalla, Rochelle L. 2006. « “You can’t hustle all your life”: An Exploratory Investgation of the Exit Process Among Street-Level Prostituted Women », Psychology of Women Quarterly, Vol.30, n◦3 (septembre).

Manopaiboon, Chomnad, Rebecca E. Bunnell, Peter H. Kilmarx, Supaport Chaikummao, Khanchit Limpakarnjanarat, Somsak Supawitkul, Michael E. St. Louis et Timothy D. Mastro. 2003. « Leaving Sex Work: Barriers, Facilitating Factors and Consequences for Female Sex Workers in Northern Thailand », AIDS care, Vol.15, n◦1.

Roe-Sepowitz, Dominique E., Kristine E. Hickle et Andrea Cimino. 2012. « The Impact of Abuse History and Trauma Symptoms on Successful Completion of a Prostitution-exiting Program », Journal of Human Behavior in the Social Environment, Vol. 22, n◦1.

Williamson, Celia. 2000. Entrance, Maintenance, and Exit: The socio-economic Influences and Cumulative Burdens of Female Street Prostitution. Thèse de doctorat non publiée. Bloomington: Indiana University.

 

Recherches gouvernementales (3):

Conseil du statut de la femme (CSF). 2002. La prostitution : Profession ou exploitation? Une réflexion à poursuivre. Québec : gouvernement du Québec.

Conseil permanent de la jeunesse (CPJ). 2004. Vu de la rue. Les jeunes adultes prostitué(e)s. Québec : Conseil permanent de la jeunesse.

Oxman-Martinez, Jacqueline, Marie Lacroix et Jill Hanley. 2005. Les victimes de la traite des personnes : Points de vue du secteur communautaire canadien. Ottawa : ministère de la Justice du Canada.

Recherches communautaires (3):

Rabinovitch, Jannit. 2004. « PEERS: The Prostitutes’ Empowerment, Education and Resource Society »,  Journal of Trauma Practice, Vol. 2, n◦3-4. 

Rabinovitch, Jannit. et Susan Strega. 2004. « The PEERS Story: Effective Services Sidestep the Controversies », Violence Against Women, Vol. 10, n◦2 (février).

UK Network of Sex Work Projects. 2008. Good Practice Guidance. Working with Sex Workers : Exiting. Manchester : UK Network of Sex Work Projects.


 

Recherches abolitionnistes minimales (7)

Recherches universitaires (2) :

Hedin, Ulla-Carin et Sven Axel Mansson. 2004. « The Importance of Supportive Relationships Among Women Leaving Prostitution »,  Journal of Trauma Practice, Vol.2, n◦3 .

Mansson, Sven Axel et Ulla-Carin Hedin. 1999. « Breaking the Matthew Effect – On Women Leaving Prostitution »,  International Journal of Social Welfare, Vol. 8, n◦1 (janvier).

 

Recherche gouvernementale (1) :

Hester, Marianne  et Nicole  Westmarland. 2004. Tackling Street Prostitution: Toward an Holistic Approach. Londres: Home Office Research Study.

Recherches communautaires (4) :

Ayerbe, Christian, Mireille Dupré la Tour, Philippe Henry et Brigitte Vey. 2011a. « Les conséquences sur la vie des personnes ». Dans Ayerbe, Christian, Mireille Dupré la Tour,  Philippe Henry et Brigitte Vey. Prostitution : guide pour un accompagnement social (pp. 85-120). Toulouse : Éditions Érès.

Ayerbe, Christian, Mireille Dupré la Tour,  Philippe Henry et Brigitte Vey. 2011b. « Les fondamentaux de nos pratiques professionnelles ». Dans Ayerbe, Christian, Mireille Dupré la Tour,  Philippe Henry et Brigitte Vey.  Prostitution : guide pour un accompagnement social (pp. 121-139). Toulouse : Éditions Érès.

Ayerbe, Christian, Mireille Dupré la Tour,  Philippe Henry et Brigitte Vey. 2011c. « Accompagner vers l’insertion ». Dans Ayerbe, Christian, Mireille Dupré la Tour,  Philippe Henry et Brigitte Vey. Prostitution : guide pour un accompagnement social (pp. 141-193). Toulouse : Éditions Érès.

Ayerbe, Christian, Mireille Dupré la Tour,  Philippe Henry et Brigitte Vey.  2011d. « Des accompagnements plus spécifiques ». Dans Ayerbe, Christian, Mireille Dupré la Tour,  Philippe Henry et Brigitte Vey.  Prostitution : guide pour un accompagnement social (pp. 195-295). Toulouse : Éditions Érès.

Recherches abolitionnistes non féministes (4)

Recherches universitaires (1) :

Trinquart, Judith. 2002. La décorporalisation dans la pratique prostitutionnelle : un obstacle majeur à l’accès aux soins. Thèse de doctorat d’État de médecine générale. Paris : CHU de Bicêtre.

Recherches gouvernementales (1) :

McIntyre, Susan. 2002. Le long parcours. Ottawa : ministère de la Justice du Canada.

Recherches communautaires (2) :

Jean, Rhéa. a[5]. « Prostitution Awareness and Action Foundation of Edmonton (PAFFE). Analyse de programmes abolitionnistes », Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle, http ://www.lacles.org/index.php?option=com_content&view=article&id=75:prostitution-awareness-and-action-foundation-of-edmonton-paafe&catid=32:organismes-abolitionnistes-&Itemid=23 - 15 avril 2012

Jean, Rhéa. b. « Standing Against Global Exploitation (SAGE) Project. Analyse de programmes abolitionnistes », Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle, http ://www.lacles.org/index.php?option=com_content&view=article&id=76:standing-against-global-exploitation-project-sage-project&catid=32:organismes-abolitionnistes-&Itemid=23 - 15 avril 2012

 

Recherches abolitionnistes féministes (13)

Recherches universitaires (4):

Barry, Kathleen. 1979. « From Violence to Values…And Beyond ». Dans Barry, Kathleen. Female Sexual Slavery (pp. 215-237). New Jersey: Prentice-Hall Inc.

Farley, Melissa, Issin Baral, Merab Kiremire et Ufuk Sezgin. 1998. « Prostitution in Five Countries: Violence and Post-traumatic Stress Disorder », Feminism and Psychology, Vol.8, n◦4  (novembre).

Farley, Melissa, Jacqueline Lynne et Ann. J. Cotton. 2005. « Prostitution in Vancouver: Violence and the Colonization of First nations Women »,  Transcultural psychiatry, Vol.42, n◦2 (juin).

Jeffreys, Sheila. 2009. « Conclusion : Rolling Back the Global Sex Industry ». Dans Jeffreys, Sheila.  The Industrial Vagina (pp. 198-210). New York : Routledge. 

Recherche gouvernementale (1):

Conseil du statut de la femme (CSF). 2012. La prostitution : Il est temps d’agir. Québec : gouvernement du Québec.

Recherches communautaires (8) :

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Note biographique

Laurence Fortin-Pellerin a complété un doctorat en psychologie à l'Université Laval. Sa spécialisation étant la psychologie communautaire, elle s'est intéressée aux interventions visant le changement social pour améliorer le bien-être des personnes dans leur milieu de vie. Sa thèse portait sur la représentation sociale de l'empowerment (reprise de pouvoir) chez des groupes québécois du mouvement des femmes. Afin de contribuer à la reprise de pouvoir des femmes, elle mène actuellement une recherche sur les interventions facilitant le processus de sortie de la prostitution. La recherche s’est amorcée dans le cadre d'un stage postdoctoral en sociologie à l'Université d'Ottawa. Cette recherche s’accompagne d’un engagement dans la cause abolitionniste.

Ariane Vinet-Bonin est détentrice d’un baccalauréat en psychologie de l’Université de Montréal et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en études féministes de l’Université Laval. Elle a travaillé à différents projets de recherche sur la santé en lien avec l’immigration et les rapports sociaux de genre. Depuis les dernières années, ses intérêts de recherche, d’intervention et son engagement social ont trait à l’exploitation sexuelle commerciale. Elle poursuit actuellement des études de maîtrise à l’École de service social de l’Université de Montréal. Son projet de mémoire porte sur les obstacles auxquels sont confrontées les femmes en processus de sortie de la prostitution pour bénéficier de ressources d’aide accessibles et adaptées à leurs besoins.


  notes

[1] Selon plusieurs estimations, les femmes seraient les principales victimes de la prostitution (Ayerbe et al., 2011c; Benoit et Millar, 2001; CSF, 2012; Duchesne, 1995; Oxman-Martinez et al., 2005). Afin de rendre cela visible, nous emploierons par défaut le féminin pour désigner les personnes aux prises avec la prostitution. Nous ne parlerons de « personnes » et de « femmes et d’hommes » que pour discuter d’études spécifiques touchant ces deux populations.

[2]L’appellation « protravail du sexe » est critiquée par certaines tenantes de cette perspective qui nient faire la promotion de ce travail (Mensah, 2006). Nous utilisons tout de même cette expression, considérant que la revendication de reconnaissance d’un travail suppose une certaine promotion.

[3]La recension des études a été effectuée en mai 2012 en vue d’une communication au 6e Congrès international des recherches féministes francophones en août de la même année.

[4] Le titre est emprunté de l’expression utilisée par Ine Vanwesenbeeck, qui l’a reprise de Robert K. Merton, pour référer à l’effet cumulé des interactions favorables ou défavorables entre une personne et son environnement. L’article ne fournit pas d’autres précisions quant à leur appropriation de cette expression pour nommer leur modèle de sortie de la prostitution.

[5] Contrairement aux autres documents, les sections de ce portrait de pratiques de différents organismes ont été classées séparément dans les différentes perspectives. Ce choix a été fait considérant que le document n’adoptait aucune perspective d’ensemble, mais rapportait les pratiques et les perspectives des différents organismes examinés. La date de publication n’était pas indiquée, mais nous savions que cette date se situait entre 2000 et 2012 puisque nous avons consulté la page Internet où le document est publié en 2012 et que l’organisme à l’origine du document a été fondé en 2004.

labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet / décembre 2013  -julho / dezembro 2013