Labrys Luce et les lumières de la liberté Recension du livre de Margareth Rago. Entre a história e a liberdade : Luce Fabbri e o anarquismo contemporáneo. São Paulo, Editora UNESP, 2001. Thiago Rodrigues[1] Traduction: tania navarro swain Révision : Marie-France Dépêche Comment lire une vie? Les sentiers, les veines, les chemins parcourus sont- ils innombrables, multiples, irréductibles ? L´existence de quelqu´une comme Luce Fabbri est encore plus difficile d´être appréhendée et déchiffrée, étant donné son intensité et sa vigueur. Militante et poète, Luce était à la fois douce et aguerrie, mais sa poésie était malgré tout une lutte. Elle a participé aux moments-clefs de la vie politique du 20ème siècle. Son père, Luigi Fabbri était un anarchiste très combatif au début du siècle passé et Luce a vécu au quotidien l´expérience libertaire : elle participait aux discussions, abritait les compagnons persécutés, ce dont son père lui-même a pu profiter. Sa famille a été menacée par l´ascension du fascisme italien pendant les années 20 : elle a éclaté après la fuite de son père vers la France, puis sa propre fuite en l´Italie qui s´achèvera en Uruguay, laissant alors son frère Vero dans la Rome de Mussolini. Le regard de Margareth Rago sur la vie intense de Luce Fabbri ne cherche pas à la systématiser. Elle la voit d´une manière passionnée, en ne pensant qu´au présent. Rago nous livre une biographie qui prétend aller au-delà de la description d´une trajectoire personnelle. C´est ainsi que son livre n´est pas qu´un simple amas d´évènements pittoresques, dramatiques ou touchants d´une vie intéressante, mais ce qu´elle nous montre, c´est une vie intéressée. Intéressée par l´insoumission, une vie de lutte contre l´autorité, une vie intéressée par la poésie, par l´actualisation de la pensée anarchiste. Margareth Rago choisit, dans la vie de Luce, des relations personnelles affectives et politiques à la fois, sa relation chaleureuse avec son père, avec Malatesta, avec sa mère et son mari, avec ses amis. Rago souligne que son regard est féminin et décèle ainsi les traits de finesse de la vie de Luce. Cette rapide lecture d´une lecture de la vie de quelqu´une, prétend souligner l´une des nombreuses et possibles introductions – et conclusions - de ce livre avec le sous-titre de l´oeuvre : « Luce Fabbri et l´anarchisme contemporain ». Lorsqu´elle observe l´action libertaire de Luce, Rago met en lumière son indépendance et sa personnalité par rapport à l´anarchisme qui se veut unique, malgré la présence des pratiques et de la pensée anarchistes, représentées à l´époque par son père et Malatesta. . Ses premiers articles publiés dans les périodiques anarchiste exposent déjà une opinion très personnelle sur la pensée-action libertaire, loin du scientisme téléologique de Kropotkin et du volontarisme excessif de Malatesta. Dans sa pensée, l´anarchisme devrait être non seulement une révolte irrationnelle contre le pouvoir ou un modèle théorique d´organisation de la société post- révolutionnaire, mais aussi un système philosophique qui « au-delà d´un programme d´action politique, contient une morale, une critique et une pédagogie anarchistes », pouvant s´insérer « à une certaine tradition de la pensée »[2]...Un anarchisme fait ainsi, “ d´amour et de raison ». [3]. L´anarchisme de Luce, intellectuel et d´action, met en lumière la vie libertaire, la pratique libératoire du quotidien : l´expérience de ceux qui vivent aujourd´hui et maintenant, à la recherche des fissures de liberté dans le temps présent. L´anarchie c´est un but, mais le but n´est pas à la portée de la main. L´objectif est d´avoir alors une boussole qui « détermine la direction » [4] et permette de s´orienter vers les possibilités du présent. La vie libertaire est bien le but, mais ce qui importe c´est le chemin, et non pas l´arrivée. L´utopie est là, à peine perceptible, sur un horizon lointain, comme l´a exprimé Margareth Rago. Ici même, la liberté est présente dans les relations de pouvoir en action, au sein de la vie et de la lutte sociale. La perspective de Luce secoue ainsi la doctrine anarchiste et Margareth Rago nous montre en quoi le rôle de cette anarchiste italienne a actualisé la pensée libertaire, en ces temps post-utopiques et post-industriels.
[1] Thiago Rodrigues est maître en Sciences Sociales / PUC-SP,
chercheur du Núcleo de Sociabilidade Libertária (Nu-Sol/PUC-SP), professeur
et coordinateur du cours de Relações Internacionais da
[2] Margareth Rago. Entre a história e a liberdade:
Luce Fabbri e o anarquismo [3] Idem, p. 74. |