Labrys
estudos feministas/ études féministes
agosto/dezembro 2005 -août/ décembre 2005

Du souci de soi à l’implication sociale :

Regards sur une nouvelle génération de femmes retraitées

Anne Quéniart

Résumé

Dans les pays occidentaux, au fur et à mesure que la population vieillit, elle se féminise et les femmes âgées forment ainsi la très grande majorité des citoyens âgés. Elles représentent également, par le fait même, la majorité des retraités. On remarque à cet égard que les nouvelles retraitées seront relativement jeunes puisqu’elles ont une moyenne d’âge de 61.7 ans. Ainsi, au Québec, les retraites anticipées, c’est-à-dire avant l’âge de 65 ans, sont de plus en plus courantes, notamment chez les femmes (une femme sur deux). Or, nous savons peu de choses sur ces nouvelles retraitées : Pourquoi prennent-elles leur retraite «jeunes»? Quels sont leurs projets? Comment s’organise leur quotidien? C’est à ces questions que répond cet article répond par le biais d’une recherche qualitative exploratoire menée auprès de femmes ayant pris une retraite avant 65 ans. Il en ressort que pour ces femmes, la retraite est synonyme d’engagements, dans la sphère privée comme dans la sphère publique, et donc qu’elle doit être la poursuite d’une citoyenneté active et non d’une mise à l’écart.

 

Introduction

Deux faits sociaux marquent actuellement les sociétés occidentales : le vieillissement de la population et sa féminisation. Par exemple, au Québec, en 2003, les 45-64 ans représentent 27% de la population et les 65 ans en constituent 13,4%; et au sein des 65 ans et plus, il y a 15,4% de femmes contre 11,4% d’hommes, taux qui, chez les 75 ans et plus, atteint deux femmes pour un homme[1]. Autrement dit, au fur et à mesure que la population vieillit, elle se féminise et les femmes âgées forment ainsi la très grande majorité des citoyens âgés. Elles représentent également, par le fait même, la majorité des retraités.

Au Canada, et notamment au Québec, cette population retraitée aura vraisemblablement un profil social différent des femmes aînées actuelles. En effet, ces femmes sont en moyenne plus scolarisées que la celles de la génération précédente, connaissent une participation importante au marché du travail et ont acquis une relative autonomie financière. Ce sont aussi des femmes qui ont en moyenne moins d’enfants et de petits enfants que celles des générations précédentes, bon nombre fréquentent peu ou pas l’église et le tiers d’entre elles est divorcé[2]. Enfin, on remarque que les nouvelles retraitées seront relativement jeunes puisqu’elles ont une moyenne d’âge de 61.7 an. Les retraites anticipées, c’est-à-dire avant l’âge de 65 ans, sont de plus en plus courantes, notamment chez les femmes : ainsi, au Québec, entre 1997 et 2000, c’est une femme sur deux qui a pris une retraite anticipée, comparativement à 40% d’hommes (Kieran 2000).

Hormis ces quelques données, nous savons peu de choses sur ces nouvelles retraitées : Pourquoi prennent-elles leur retraite «jeunes»? Quels sont leurs projets? Comment s’organise leur quotidien? Telles sont les questions principales auxquelles nous avons voulu répondre par le biais d’une recherche qualitative exploratoire menée auprès de femmes ayant pris une retraite avant 65 ans.

Dans cet article, nous allons présenter une partie des résultats de cette recherche[3] en nous centrant plus spécifiquement sur la vie quotidienne de ces femmes à la retraite.  Nous y explorerons d’abord le sens donné à cette prise de retraite anticipée puis nous ferons état des projets que les femmes entreprennent ainsi que de leurs aspirations. Nous verrons à cet égard que ces femmes représentent une nouvelle génération de retraitées, qui ne correspond pas aux images qui sont véhiculées. Mais en premier lieu, il convient d’une part de faire une mise en contexte de notre recherche et d’autre part de décrire la démarche méthodologique

Mise en contexte

La situation des femmes à la retraite

La trajectoire de travail des femmes peut avoir des conséquences sur leur vie personnelle à la retraite. Ainsi, les femmes dans la catégorie d’âge qui nous intéresse, c’est-à-dire celles ayant entre 55 ans à 64 ans, seront pénalisées quant aux revenus qu’elles recevront et cela en raison de plusieurs facteurs tels une entrée tardive sur le marché du travail, plusieurs interruptions durant la vie de salariée et des emplois à plus grande précarité économique et sociale. Ainsi, au Canada, pour l’an 2000, que ce soit à l’échelle nationale, provinciale ou municipale, les femmes de 55 à 64 ans gagnent en moyenne 51% du salaire des hommes du même âge, soit environ 22 000 $ contre 42 000 $. C’est pour celles qui sont déjà à la retraite avant 64 ans qu’on retrouve le plus grand écart salarial entre les sexes : les salaires sont en effet en moyenne de 31 074$ pour un homme et de 12 133$ pour une femme. Le revenu moyen d’une femme à la retraite est de 14 069$ par année soit presque deux fois moins élevé que celui des hommes (Statistique Canada 2001).

Seulement 24% des femmes bénéficient d’un régime de rente privé alors que 46% des hommes sont dans la même situation. Une personne à faible revenu est une personne qui consacre plus de 54,7% de son revenu total après impôt pour subvenir à ses besoins de base tels que se vêtir, se nourrir et se loger. Les femmes âgées vivant seules entrent pour la plupart dans la catégorie de personnes avec un faible revenu. Au Québec, en 1997, 54,6% des personnes âgées vivent seules et en situation de pauvreté. Le chiffre se situe dans l’ensemble du Canada à 38,2% (Rose, 2002). Selon un rapport du Conseil national du bien être social (2000), le taux de pauvreté chez les femmes seules est de 39,4%. Mêmes si les personnes retraitées ont connu des augmentations considérables de leur revenu annuel (21 % de 1981 à 1995), celui-ci demeure parmi les plus bas si on le compare à celui des autres groupes d’âges. Il est aussi important de souligner qu’à peu près deux femmes sur trois vivent seules avec de faibles revenus. À cette pauvreté-là s’ajoutent les réformes concernant le régime d’assurance-médicament, qui ont eu comme conséquences d’appauvrir davantage les femmes et de diminuer leur pouvoir d’achat.  En fait, comme l’ont noté de nombreux auteurs,

 «Sachant que les conditions de vie antérieures à la retraite sont déterminantes pour la période de post retraite (Guillemard 1989, Maheu et David 1989, Marshall et McPherson  1994), les femmes sont généralement désavantagées par rapport aux hommes (Gee et Kimball 1987, Gee et McDaniel 1991) […] La vieillesse n’évacue aucunement les inégalités accumulées au cours de la vie active, que celles-ci soient de sexe, de classe ou de race» (Ulysse et Lesemann  1997 : 31-49)

Les options financières à la retraite

Les régimes de retraite publics

            Avant la mise sur pied des régimes publics de retraite, les individus étaient salariés jusqu’au moment où, physiquement, le corps ne supportait plus le travail. Selon certains auteurs, ce sont les entreprises qui auraient eu intérêt à se départir d’une main-d’œuvre beaucoup moins productive étant donné son âge avancé et l’usure causée par le travail répétitif et donc, à favoriser la mise à la retraite (Des Rivières 2002 : 21). Pour d’autres, ce sont les luttes sociales contre la misère et la pauvreté des personnes âgées menées dans les premières décennies du 30è siècle qui ont amené les gouvernements à se doter de programmes de régimes de retraites. Concrètement, au Canada, il faudra attendre l’année 1951 pour qu’il y ait mise en place de la pension de sécurité de vieillesse, le premier régime universel pour les personnes âgées de 70 ans et plus qui sera graduellement étendu aux 65 ans et plus entre 1967 et 1971. Les régimes de pension du Canada et le régime des rentes du Québec, quant à eux, seront mis sur pied en 1966. À cela peut aussi s’ajouter le Supplément de revenu garanti (SRG) qui a pris sa forme actuelle lors de la refonte des programmes en 1966[4]. Il vise à assurer, ensemble avec la PSV, un revenu minimum adéquat à l’ensemble des Canadiennes et Canadiens de 65 ans ou plus. Notons enfin qu’il n’y a aucun revenu public de retraite pour des travailleurs âgés de moins de 60 ans.  Les jeunes retraités doivent donc prévoir d’autres ressources ou souscrire à des régimes de retraite privés pour prévoir leur retraite financière.

Les régime de retraite privés

        Les régimes de retraite privés les plus utilisés sont les régimes complémentaires de retraite (RCR) qui sont établis par l’employeur ou par une autorité responsable comme un syndicat. Il y a deux types de régime privé : un régime à prestations déterminées et un régime à cotisations déterminées.  Dans un régime à prestations déterminées, l’employé-e reçoit à sa retraite soit un montant fixe par année de cotisation au régime, soit un pourcentage du salaire par année de cotisation, multiplié par le salaire moyen de carrière ou le salaire de fin de carrière[5].  Un régime à cotisations déterminées opère pour sa part comme un REER. L’employé-e et son employeur déposent régulièrement des sommes dans un compte qui est rattaché nominalement à la personne et dans lequel sont versés des revenus d’intérêts tout ay long de la vie de travail. Lorsque la personne prend sa retraite, il prend la masse d’argent cumulé et il s’achète une rente viagère auprès d’une institution financière. Celle-ci lui promet une certaine somme d’argent pendant le restant de sa vie. 

Toutes ces mesures ne profitent évidemment pas aux travailleurs autonomes ni à bien d’autres catégories de salariés. Ces derniers peuvent alors avoir recours à des régimes enregistrés d’épargne-retraite communément appelés des REER. Presque tous les types de placements sont admissibles à un REER : les fonds communs de placement, les certificats de placement garanti, les actions, les obligations, les coupons détachés, etc. La principale particularité d'un REER est de permettre de différer le paiement de l'impôt applicable sur les montants investis jusqu'à la retraite. Un REER est transférable en tout temps, même avant la retraite.  Notons qu’il y a des REER collectifs où l’employé cotise à même son salaire via une entente avec l’employeur.  Les régimes de retraite privés facilitent la prise de retraite jeune car ils ne sont pas relatifs à l’âge des individus mais au moment de l’arrêt de  travail[6].

 

Précisions sur le concept de préretraite ou retraite anticipée

Les critères permettant de dire qu’une personne est à la retraite diffèrent beaucoup d’une étude à l’autre. Dans cette recherche, nous avons défini la retraite en fonction de deux critères : la déclaration d’avoir quitté son emploi pour la retraite, même si la personne retourne sur le marché du travail par la suite (Kieran 2001); le fait de recevoir des prestations d’un régime de retraite d’employeur ou d’un régime de retraite universel. Sur le plan des significations, l’âge de la prise de retraite et l’espérance de vie moyenne allant en s’écartant l’un de l’autre, le concept de retraite ne correspond plus automatiquement à celui de vieillesse (Gaullier 2002)[7].

Par ailleurs, avant 65 ans, le fait de quitter la population active mène à la «préretraite» ou «retraite anticipée» (Ouellet 1995 ; Schellenberg 1994), notamment lorsque l’employeur facilite ou encourage le départ à la retraite. Cela a par exemple été le cas dans les secteurs publics et parapublics en 1997 au Québec alors que le gouvernement québécois a offert à ses travailleurs un programme de retraite anticipée. Comme le rappellent à ce propos Robichaut, Maltais et Larouche (2000), une vague de départ beaucoup plus vaste que celle prévue s’ensuivit : au lieu des 15 000 départs envisagés, il y en eut 36 438. Parmi les personnes s’étant prévalues du programme, on comptait 32,8 % d’hommes et  67,2 % de femmes et plus de la moitié de celles-ci étaient âgées de moins de 55 ans (Dorion, Fleury et Leclerc 1998).

Dans notre recherche, nous utilisons indifféremment les termes de retraite anticipée ou de préretraite. Quant aux femmes que nous avons rencontrées, nous les qualifions de «nouvelles retraitées», voire même parfois de «jeunes» retraitées, au sens où elles forment une nouvelle génération de retraitées, marquée par le fait d’une part que leur temps de retraite sera peut-être plus long que celui de leur vie professionnelle et d’autre part, qu’elles ne font pas partie du groupe des «personnes âgées», du «troisième âge», au sens classique du terme.

Quelques mots sur les recherches sur les retraitées

Les recherches sur les retraitées sont encore peu nombreuses, portent essentiellement sur des retraités plus âgés et ne font pas en général de distinction de genre. Nous allons nous attarder ici aux études liées à nos propres interrogations c’est-à-dire à celles qui se sont penchées sur les motivations à la retraite en général et sur les projets de vie des retraités, abordés essentiellement par le biais des motivations à s’engager dans des activités de bénévolat.

Les motivations à la retraite

Les données statistiques du gouvernement canadien contiennent quelques informations sur les justifications de la prise de retraite, mais elles n’offrent que peu de prise sur les véritables raisons, qu’elles regroupent sous des dénominations peu explicites, comme par exemple «choix personnel». Quant aux recherches sur les raisons de la prise de retraite, elles sont rares au Québec, mais elles ne sont pas pour autant complètement inexistantes. Il en ressort de façon générale que les raisons du départ à la retraite sont variées, allant des offres gouvernementales de préretraite à la lassitude au travail, en passant par la santé perdue ou à préserver, l’atteinte du niveau de la rente maximale ou le désir de vouloir laisser la place aux jeunes. Le motif de chômage pour entrer à la retraite a, quant à lui peu progressé, passant de 10% à 12%.

Les motivations[8] invoquées pour l’engagement sont  très variées : la résistance à la retraite perçue comme mise à l’écart de la communauté (Gibson, Ashton-Shaeffer, Green et Corbin 2002), la volonté d’être utile (Gibson, Ashton-Shaeffer, Green et Corbin 2002 ; Gagnon 1995 ; Michaud, Paré, Wavroch 2002), l’obligation dans le cas de soins aux proches (Pennec 2004 ; Dentinger et Clarkberg 2002 ; Brault 1995 ; Gallagher 1994), la nécessité de pallier le désengagement du système public (Maltais et Amiot 2004).

            De façon générale, la retraite est de plus en plus perçue comme l’étape du cycle de vie privilégiée pour s’engager, que ce soit auprès des proches ou dans des associations (Pennec 2004; Dorion, Fleury et Leclerc 1998; Haicault et Mazella 1996; Holstein 1992). En effet, comme elle survient de plus en plus tôt dans les pays industrialisés, il y a une inadéquation entre le moment de la retraite et le début de la vieillesse. Le nouvel âge de la vie ainsi dégagé n’est plus défini par le travail salarié, mais n’est pas encore un état de dépendance (Gaullier 2002; Guillemard 2002, 1997) et ce, d’autant moins que les progrès médicaux font en sorte que l’on vit de plus en plus longtemps en bonne santé. Si la retraite est un moment idéal pour l’engagement, l’engagement est quant à lui un facteur facilitant la transition à la retraite. Brault le disait déjà en 1990, lorsqu’elle traitait du travail bénévole à la retraite. Notons que quelques rares recherches abordent les démotivations au bénévolat. Selon Gallagher (1994), le sentiment d’utilité que confère l’engagement social n’y est pas pour rien : pour certaines femmes, le bénévolat est une manière de rester impliquée après la retraite;  d’autres cependant, note l’auteur, ont le sentiment d’avoir déjà fait leur part de bénévolat et se sentent traitées comme «une source de travail non rémunéré». Nous montrerons pour notre part que les jeunes retraitées tentent quant à elles de concilier le temps pour elles et le temps pour les autres, c’est-à-dire le bénévolat ou l’implication sociale.

Les aspects méthodologiques de la recherche

Nous avons choisi de réaliser une recherche de type qualitatif par entrevues en profondeur puisque ce qui nous intéressait c’était de comprendre les principales caractéristiques de l’expérience de la retraite telle que vécue par ces femmes. Les entrevues qui duraient entre 60 et 90 minutes, commençaient par une question ouverte, «qu’est ce que signifie la retraite pour vous?» ce qui leur permettait d’aborder dans leurs mots et avec leurs propre univers de référence, leur expérience propre de la retraite. Par la suite, les trois thèmes étaient abordés soit : 1) Le choix de la retraite « jeune » :qu’est-ce qui les a amenées à prendre leur retraite à cet âge? Y a t-il des éléments particuliers dans leur travail, leur famille, etc. qui les ont incitées à prendre la retraite? À l’annonce de la retraite, quelles ont été les réactions de leur entourage? 2) Les projets avant la retraite : Quelles préparations ont-elles faites en vue de leur retraite? Quels étaient leurs projets pour la retraite? Avaient-elles l’intention de continuer à travailler à temps partiel après la retraite?; 3) La vie quotidienne à la retraite : Vivent-elles avec une personne (conjoint, parent, amie, etc.)? Cette personne travaille-t-elle? Est-elle en santé? Comment se passe une journée typique de semaine? Depuis la retraite, est-ce que les contacts avec leurs amis ont changés? Et avec leur famille, avec leurs amis de travail? Sur le plan financier, y a-t-il des changements par rapport à avant? Lesquels?

Une fois les entrevues retranscrites, elles ont fait l’objet d’une analyse de contenu qualitative (analyse thématique, regroupements en catégories).

Vingt-cinq entrevues ont été réalisées. Les femmes qui acceptaient de participer à la recherche elles devaient d’abord répondre à trois critères : avoir pris une retraite entre l’âge de 55 et 64 ans, être en situation de retraite depuis 1 an au minimum et trois ans au maximum et habiter l’île de Montréal. Ces critères nous ont bien sûr amenées à rencontrer surtout des femme travaillant dans le secteur public ou parapublic, qui ont eu en général le même travail pendant toute leur vie active, qui étaient syndiquées et qui avaient droit à des primes ou des conditions de départ intéressantes. Dans le secteur privé, ou dans des secteurs d’emploi comme ceux de la vente ou de l’hôtellerie, ou encore dans le secteur communautaire, les programmes de préretraite sont très rares, voire inexistants. Malgré de nombreuses tentatives, nous n’avons pas réussi à recruter beaucoup de femme dans ces secteurs[9].

Les 25 femmes rencontrées sont âgées de 55 à 65 ans, la moyenne d’âge étant de 60,16 ans. Toutes sauf deux sont nées au Québec. Sur le plan de la situation conjugale, six sont célibataires, six sont mariées, trois vivent en union libre dont deux suite à un divorce, cinq sont divorcées et deux sont veuves. Ce sont des femmes assez fortement scolarisées puisque huit d’entre elles ont fait des études de deuxième cycle universitaire et onze de premier cycle, deux femmes ont terminé leurs études au collégial, trois de secondaire dont une au professionnel, et deux femmes ont complété des études primaires. Avant la retraite, quinze des répondantes avait un revenu familial de 50 000$ et plus, les autres de moins de 50 000 $[10]. Depuis qu’elles sont à la retraite, douze participantes profitent encore d’un revenu familial de plus de 50 000$[11]. Seulement deux répondantes ne bénéficient pas de fonds de pension institutionnel et 19 des 25 répondantes ont des REER non utilisés. 

Sur le plan de la profession, elles occupaient des emplois du secteur public pour la plupart. Ainsi, cinq sont enseignantes, trois infirmières, une est travailleuse sociale, deux sont secrétaires dans des écoles, deux bibliothécaires, une est fonctionnaire au gouvernement, une est cadre dans un Centre local de services communautaires (CLSC), une attachée en administration et une assistante de programmation au public.  Dans le secteur privé, nous avons interrogé une préposée à l’entretien, une travailleuse du vêtement en manufacture, deux gestionnaires, une technicienne en laboratoire, une agente de service à la clientèle, une technicienne en documentation et une attachée d’administration.   Elles étaient toutes à la retraite depuis un à quatre ans.

Les significations accordées à la retraite

Le sens que prend la retraite pour les jeunes retraitées est varié mais la liberté et le sentiment de sortir des contraintes d’horaire sont deux dimensions très présentes qui sont associées à ce que certaines appellent leur «nouvelle vie» :

 « Une nouvelle vie je dirais, une nouvelle façon de vivre surtout» (Pauline, 56 ans)

«Je dirais que la retraite c’est vraiment une autre carrière, une autre vie. […] La retraite c’est cette liberté, c’est une liberté totale finalement, parce qu’on n’a plus de contraintes professionnelles, on n’a plus de contraintes, on peut même dire d’encadrement.» (Irène, 63 ans)

La retraite représente une période de changements pour les femmes, changements tout d’abord dans l’organisation de la vie quotidienne qui est en fait à redéfinir.

 «[La retraite demande] de se chercher un peu parce que changer de statut, changer de genre d’emploi du temps, c’est se questionner sur ce qu’on est, ce qu’on devient, ce qu’on va faire de notre vie, voilà, surtout tant que la santé est là, puis combattre le sentiment d’inutilité de toutes sortes de façon. » (Catherine [âge non disponible]). 

La retraite implique pour plusieurs, un questionnement sur ce par quoi l’on va se définir maintenant. Le fait de ne plus être une travailleuse, un statut hautement valorisé dans notre société et dont les contours sont clairs, est vécu comme une perte de repères par plusieurs répondantes. Cette perte de repère est d’autant plus qu’elles font partie de cette génération de femmes qui ont été sur le marché du travail toute leur vie adulte, parfois dès l’âge de 17 ou 18 ans. La retraite, perçue alors comme un retrait de la «vraie vie», de la société, peut être vécue comme un deuil à faire, le deuil d’un certain mode de vie dont le travail est l’axe central. Si la retraite, définie à partir du non travail, demande aux femmes de se trouver une autre façon de se sentir «dans la société»,  elle implique aussi une redéfinition de soi liée aux catégories d’âge. En effet, pour cette génération, être à la retraite n’équivaut pas à être une aînée, ni à se sentir «vieille», et pourtant, c’est l’image qui est souvent associée aux retraitées. Ainsi, une des répondantes raconte qu’elle a vécu un choc lorsqu’à 55 ans, elle a acheté des billets de théâtre au tarif aîné et qu’on ne lui a pas demandé de preuve d’âge ! Le fait d’être à la retraite et de pouvoir acheter des billets de théâtre au tarif aîné amplifiait son sentiment de passer à une autre catégorie d’âge.

Au-delà de la signification générale de la retraite comme étape nouvelle de la vie, il se dégage des entrevues deux façons de vivre ce moment : pour certaines femmes, peu nombreuses, la retraite jeune est vécue comme une récompense «méritée», pour d’autres, comme un «privilège». Les premières, en effet, ont le sentiment d’avoir donné beaucoup pendant leur vie de salariée, avoir mérité leur retraite, avoir travaillé pour l’obtenir et profiter aujourd’hui du fruit de leurs efforts pour penser à elles, profiter de leur temps avant tout :

« Bien oui, c’est ça, 50 ans c’est assez. Je trouve que j’ai assez donné (…). Je n’ai jamais connu cela, pouvoir faire ce qui me plaisait tout le temps parce que tu commences à travailler tu as 17 ou 18 ans, et ça va jusqu’à 55 ans. J’ai assez donné. Merci » (Pauline, 56 ans).

La retraite prend ainsi pour elles la forme d’un retour du balancier pour le travail réalisé.

 À l’opposé, d’autres femmes, qui constituent en fait la majorité de notre échantillon, se sentent plutôt privilégiées de pouvoir vivre une telle situation de retraite si jeunes. Pour ces retraitées, avoir droit à une retraite anticipée est un privilège  puisque d’autres femmes, qui ont travaillé tout autant, n’ont pas cette chance :

« Je me considère comme une privilégiée, d’être complètement autonome financièrement. Je pense que les femmes à la retraite il y en a beaucoup qui sont misérables, qui arrivent tout juste, tout juste, et qui n’arrivent pas du tout » (Catherine [âge non disponible]).

Certaines soulignent justement qu’elle ont pu prendre cette retraite anticipée parce qu’elles en avaient les moyens sur le plan financier (soutien économique du conjoint, héritage etc.), ce qui n’est pas le cas de toutes leurs collègues qu’elles voient souffrir du même épuisement. Elles se sentent donc doublement privilégiées :

« Parce que je suis l’une des seules dans l’année, dans les deux ou trois dernières années, qui est partie à sa retraite, je suis l’une des seules qui pouvait financièrement la prendre sa retraite. » ( Louise, 56 ans). 

Cette façon de voir la retraite les influence dans les choix de projets qu’elles se donnent : elles estiment que s’impliquer dans la société est un moyen de redonner à la société ce qu’elles ont reçu.

Les projets à la retraite

À la question sur les projets qu’elles entrevoyaient une fois prise la décision de la retraite la réponse a été : «me reposer, me donner du temps», «penser à moi», «me remettre en forme», «prendre le temps d’avoir du temps». Plusieurs soulignent qu’elles désiraient rompre surtout avec le rythme du marché du travail, vivre un horaire sans contrainte, vivre aussi en accord avec leurs valeurs. Et pourtant, nous avons eu un mal fou à les rejoindre et à fixer un moment pour une entrevue, tant leur horaire de la semaine était chargé! Certaines étaient obligées de consulter leur agenda pour savoir quand elles auraient un peu de temps à nous accorder! D’ailleurs, quelques une ont avoué n’avoir un agenda seulement depuis leur retraite ou encore en avoir eu un avant mais qui ne servait qu’à noter les date d’anniversaire alors qu’aujourd’hui il est rempli de rendez-vous ou d’activités à faire! En fait, ce moment de repos total ne dure pour la plupart des femmes, et notamment pour celles qui voient leur retraite anticipée comme un privilège, que quelques mois, au plus une année. Leur agenda comprend plutôt à la fois des moments pour elles mais aussi et surtout des moments pour les autres.

Avoir des moments pour soi

Prendre soin de son corps

Pour ce qui est des moments pour soi, on veut d’abord prendre soin de son corps de sa santé.

 «J’ai une amie avec qui je vais une fois par semaine à la piscine, et on fait deux activités : on parle, puis on nage! Mais on s’encourage parce qu’il faut dire que je veux garder ma santé physique, c’est important, alors j’y vais une fois par semaine ou aux deux semaines.» (Louise, 56 ans)

 On remarque en effet que bien que dans la cinquantaine pour la plupart ces jeunes retraitées s’inquiètent presque toutes de leur santé –peut-être parce qu’elles font partie de cette génération qui a été l’objet de nombreux discours sur la jeunesse et la beauté.  Elles veulent aussi et surtout préserver leur autonomie dans cette période perçue par certaines comme étant la dernière de leur vie où elle dispose de leurs pleines capacités sur le plan physique. Un entraînement physique hebdomadaire a donc pris place dans le quotidien de plusieurs nouvelles retraitées qu’il s’agisse de natation, de golf, de yoga ou de gymnastique. Beaucoup se sentent d’ailleurs plus en forme à la retraite que pendant leur vie de salariées, notamment parce qu’elles ne subissent plus le stress du travail.

Réaliser ses rêves

Avoir des moments pour soi c’est aussi, pour certaines répondantes, se donner le droit de vivre la retraite comme un moment pour réaliser des projets personnels qu’elles ont toujours voulu faire mais qui étaient sans cesse repoussés par manque de temps en raison du travail, ou pour réaliser leurs rêves avant qu’il ne soit trop tard. Il peut s’agir de rénover sa maison, de se mettre à faire de la peinture, des vêtements ou encore de lire.

 «Moi mon rêve c’était de faire des vêtements pour le théâtre (...) Je me suis dis «ma retraite c’est la dernière chance de m’écouter, donc c’est le temps d’apprendre ça». J’avais une amie qui faisait de la peinture et qui faisait une exposition et elle m’a dit « pourquoi tu n’en fait pas des robes et je vais les exposer en même temps que mes toiles?». Alors je me suis mise à faire des robes du mois de janvier au mois de juin.» (Annie, 60 ans)

Avoir des moments pour les autres

Pour ce qui est de l’autre dimension de leur vie, avoir des moments pour les autres, elle prend beaucoup de place ans leur quotidien car les autres c’est à la fois la famille, les proches mais aussi l’ensemble de la société. La retraite, pour bien des femmes rencontrées, est un moment pour s’engager socialement, notamment pour toutes celles qui voient la préretraite comme un privilège.

Se sentir utiles socialement

Certaines voient l’engagement comme un moyen de se sentir utiles et d’être épanouies, de se réaliser dans leur retraite, de ne pas vivre la retraite comme un retrait. Bref plusieurs expriment le besoin de se sentir encore une citoyenne à part entière.

 «Alors j’ai décidé de m’engager, et puis les gens sont contents au centre de l’âge d’or. Ils aiment mon sourire, ils aiment ce que j’apporte. C’est très valorisant parce que je me sens très utile.» (Louise, 56 ans).

  «Il faut que je fasse quelque chose qui est utile. Si je ne faisais pas de bénévolat, je me sentirais inutile.» (Micheline [âge non disponible])

Par ce besoin de se sentir utiles, elles soulignent en fait la nécessité d’être reconnues socialement, le besoin même que la société leur face une place. En effet, la retraite, et notamment la retraite anticipée, représente pour ces femmes une phase du cycle de vie qui, un peu comme l’adolescence, demande une  nouvelle construction de l’identité pour soi et pour autrui. Leur identité sociale, liée auparavant à leur insertion professionnelle, n’a plus maintenant de contours aussi nets, et c’est et c’est pourquoi les nouvelles retraitées se trouvent souvent confrontées aux questions suivantes : qui suis-je maintenant? Comment prendre ma place dans cette société régulée par les rythmes du marché du travail? Suis-je encore utile et sinon, comment puis-je l’être? L’engagement est alors pour plusieurs d’entre elles un moyen à la fois de se réinsérer socialement et de se sentir utile.

Nos données rejoignent à cet égard celles d’autres études, et notamment celle de Guillemard (2002) qui montrait que les retraitées françaises vivent le même besoin de s’engager pour se sentir utiles. Elle notait fort justement que le milieu associatif est souvent privilégié parce qu’il a une plasticité intéressante, qu’il est en marge des rapports de production et de l’État et parce qu’il instaure un échange avec le reste de la société.  Il y a d’ailleurs, depuis le début des années 1980, en France mais aussi ici, une montée de la participation associative des retraités, hommes et femmes, qui veulent se sentir être actifs, utiles, être des acteurs sociaux et des citoyens.

S’engager pour changer les choses

Cependant, la spécificité de notre étude, peut-être parce qu’elle a donné la parole à des «jeunes» retraitées, est de mettre en lumière une autre façon d’entrevoir l’engagement. En effet,  la plupart des répondantes rencontrées s’engagent non seulement pour faire leur part et se sentir utiles mais aussi pour changer les choses. Plusieurs se sentent responsables de ce qui se passe dans le monde mais aussi au Québec.

 «Je ne suis pas capable de ne pas intervenir. C’est une petite goutte d’eau, et j’y tiens, j’y tiens à la déposer dans le bassin là.» (Catherine [âge non disponible])

   «Ça m’a pris beaucoup de temps et d’énergie pour me remettre dans ce dossier. Ça fait partie des projets que je n’ai pas eu le temps de réaliser […]. Et j’aimerais transmettre mes années d’expérience, mes réflexions dans ce domaine.» (Irène, 63 ans)

Elles veulent travailler dans divers dossiers, comme l’environnement, la pauvreté. Pour certaines, l’engagement s’impose même impérativement afin de contrer le modèle dominant de désengagement et de surconsommation. Elles prônent pour plusieurs des valeurs liées à la simplicité volontaire qu’elles désirent transmettre autour d’elles. Les projets sociaux qui les animaient ne s’étant pas encore réalisés, il s’agit donc de continuer à y travailler. Il s’agit aussi, pour plusieurs, de transmettre leurs connaissances, leurs années d’expérience aux jeunes générations.

S’occuper des proches

Toutes les répondantes ne sont pas aussi militantes.  Plusieurs nouvelles retraitées veulent s’impliquer dans la société mais aussi auprès de leurs proches, tout en se sentant libre. Il s’agit, dit l’une d’elle, de trouver un équilibre entre l’engagement collectif, qu’elle maintient à la retraite, et l’engagement de proximité auprès de leur famille par exemple :

« Mais j’essaie justement, à travers le collectif, d’aider mes nièces qui ont des enfants quand elles sont un peu mal prises, de sortir les enfants pour reposer les parents, aider ma mère, de la sortir aussi, aller au cinéma » (Adèle, 60 ans).

Or, pour la plupart, trouver cet équilibre cela ne semble pas être facile. En effet, les nouvelles retraitées ne veulent plus avoir d’horaire contraignant, elles revendiquent du temps pour elles, et cela n’est pas toujours compatible avec le soin aux proches qui demandent une implication de long terme et un temps qui n’est pas forcément morcelable ni facile à caser entre le théâtre et la natation. Cela crée donc des tensions entre leur désir d’autonomie, de «liberté» et leur désir de s’occuper de leurs proches ou de répondre aux besoins familiaux. Ces tensions sont d’autant plus grandes que l’engagement de proximité est considéré comme légitime, autant par les retraitées que par leur entourage. D’ailleurs, dès l’annonce de la prise de retraite, les attentes de l’entourage se font sentir, qu’il s’agisse de s’occuper des petits-enfants ou de prodiguer des soins à des parents malades. Les pressions à s’impliquer auprès des proches émanent en fait tant de la famille, des parents eux-mêmes qu’implicitement, de la société en général :

« Comme je suis celle à la retraite, il y a plus de démarches que je faisais, même si en bout de ligne il fallait que les trois puissent signer. Parce que j’avais plus de temps. J’ai réalisé que je n’avais pas été faire d’exercice, mais je n’avais pas passé ma journée à rien faire, je m’étais levée et j’ai fait ces démarche et donc c’est entré dans mon quotidien» (Françoise, 62 ans).

Comme l’a bien souligné Pennec (2004), les  tensions et pressions sont en fait constantes pour les femmes à cette étape de la vie, tensions entre désirs d’autonomie, de «liberté» et besoins familiaux, tensions aussi entre engagements privés et publics. Les hommes à la retraite, pour leur part, vivraient beaucoup moins d’engagements privés contraignants que les femmes (Dentiger et Clarkberg 2002; Gallagher 1994), et ce, parce que les soins aux proches sont encore aujourd’hui attribués socialement aux femmes.

Pour réaliser leurs projets, nos répondantes acceptent donc par exemple de garder leurs petits-enfants mais en spécifiant bien  à leur famille qu’elles ne veulent pas devenir des gardiennes à temps plein; elles s’occupent de leurs proches en situation de dépendance mais expliquent qu’elles ne veulent ni ne peuvent pas ne faire que cela…

Conclusion

Ce que l’on peut retenir de cette recherche, c’est qu’entre les engagements de proximité et l’implication sociale, la pratique de nouveaux loisirs ou encore les entraînements physiques, la vie quotidienne des nouvelles retraitées est bien remplie. C’est un quotidien qui a peu à voir avec l’image de ces retraités oisifs qui seraient un poids, un fardeau pour la société, ni avec l’image inverse et tout autant stéréotypée, véhiculée par plusieurs publicités de type «liberté 55» dans lesquelles la retraite est associée à la consommation de luxe[12]… À cet égard, toutes les femmes rencontrées ont souligné le peu d’espaces, de lieux de rencontre et même d’activités (loisirs, équipements culturels, etc.) pour ces nouvelles retraitées, plus jeunes et plus scolarisées que la génération qui les précède. Elles disent ne pas se reconnaître dans les activités offertes pour les aînées au sujet desquelles d’ailleurs elles ont des préjugés. En effet, pour elles, ces activités ce sont les clubs de l’âge d’or et le bingo :

«En fin de compte la moyenne d’âge du club de l’âge d’or où je suis, c’est plus âgé. Alors c’est comme un gros changement qui se passe en ce moment, parce que les baby-boomers arrivent et prennent leur retraite tôt. Alors ce n’est pas juste des jeux de carte, comme jouer au bridge, que les gens veulent. Ils veulent avoir des activités culturelles, ils veulent avoir des sorties de théâtre, ils veulent avoir des concerts, ils veulent participer à des choses, avoir une chorale, avoir du tai-chi, et il y a de la danse en ligne. Ce sont des personnes de 70 à 87 ans, que l’on a ici, des personnes qui s’en vont tranquillement vers la sortie de l’âge d’or, alors il y a une transition qui se fait [pour s’adapter].» (Louise, 56 ans)

Elles sont pour la plupart avides de connaissances, elles veulent voyager, s’instruire, rester en forme. Elles désirent s’impliquer socialement mais plusieurs d’entre elles mentionnent à cet égard leur difficulté ou même leur réticence faire certaines activités de bénévolat dans des organismes qui exigent des horaires de présence fixes, comme c’est de plus en plus le cas :

 « Je ne veux plus de contrainte alors pour moi le bénévolat,  si j’ai envie d’en faire j’en ferai mais je n’irai pas m’associer à un groupe, par exemple comme le groupe des diabétiques, qui m’appelle chaque fois pour que j’aille à des… réunions, parce que ça, c’est comme une routine. […] Et moi je n’en veux pas du tout. »  (Pauline, 56 ans)

Comme nous l’avons vu, ces nouvelles retraitées veulent avant tout ne pas avoir de contraintes d’horaire imposées de l’extérieur, elles veulent pouvoir gérer elles-mêmes leur temps mais en même temps, de se sentir utiles, de se sentir reconnues. En fait, pour ces nouvelles retraitées, le plus grand défi est  à la fois d’avoir du temps à elles, de se reposer, de vivre à leur rythme mais en même temps de continuer à être des citoyennes à part entière, qui ont encore beaucoup à faire et à transmettre socialement.

Elles soulignent en fait le besoin même que la société leur face une place. Leur retraite doit être la poursuite d’une citoyenneté active.

« La retraite c’est retraite du travail, mais pas retraite de la vie, pas retraite de l’engagement social, pas retraite affective, c’est pas une disparition, c’est un déplacement (…) Tant que je suis vivante faut que je fasse ma part si je veux continuer d’exister comme citoyenne. C’est ça la satisfaction d’être une personne entière. » (Catherine [âge non disponible])

Elles nous amènent donc à réfléchir collectivement sur la place et le rôle que nous nous voulons leur réserver, au sein d’une société dont l’une des caractéristiques est le vieillissement de sa population …


 

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note biographique

Anne Quéniart est professeure agrégée au département de sociologie de l’université du Québec à Montréal. Elle a obtenu un PhD en 1987 pour une thèse portant sur l’expérience de la maternité, publiée aux Editions St-Martin sous le titre Le corps paradoxal. Regards de femmes sur la maternité. Depuis plus de dix ans, elle partage ses activités d’enseignement et de recherche entre la méthodologie et les domaines de la famille, des rapports sociaux de sexe et de l’engagement politique. Elle a publié de nombreux articles sur les représentations de la paternité et de la maternité, sur les aspects socio-juridiques du divorce, sur le désengagement paternel et, plus récemment, sur le militantisme des jeunes femmes.


 

[1], Louis Duchesne,  La situation démographique au Québec, Bilan 2003, les ménages au tournant du XXIe siècle, INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, Démographie, Québec, p.48-50.

[2] Ces données proviennent de diverses sources, soit : La situation démographique au Québec, Bilan 2003; Portrait social du Québec, données et analyses, édition 2001. Kieran : 2000.

[3] Cette recherche en est une de partenariat : elle a été réalisée au service aux collectivités de l’UQAM, à la demande du Conseil de statut de la femme et du comité femmes de la Conférence des élus de Montréal et en collaboration avec la Table de concertation des aînés de l’île de Montréal. Deux assistantes de recherche, Éliane Chaput et Fanny Theurillat-Cloutier, ont participé à l’ensemble des étapes de la recherche.

[4] Le SRG trouve ses origines dans la Loi des pensions de vieillesse adoptée par le gouvernement fédéral en 1927; le Québec y a adhéré en 1936.

[5] Informations tirées de : Ruth Rose, «Notes de cours et statistiques sur les régimes de retraite privés et publics au canada», ECO 3452, Université du Québec à Montréal, avril 2005.

[6] Ces informations proviennent en partie du site Internet de retraite Québec.

[7] Pour plus de détails sur les transformations des représentations du vieillissement et leur impact en matière de politiques sociales, voir Ulysse et Lesemann 1997, Bourdelais 1997, Jetté 2000, Gaullier 2002.

[8] Notons que quelques rares recherches abordent les démotivations au bénévolat. Ce sont surtout Michaud, Paré, Wavroch (2002) à la suite de Hall, McKeown et Roberts (2001) qui s’y sont intéressés. Le manque de temps pour un engagement à long terme est la démotivation la plus souvent invoquée par les retraitées et retraités. 

[9] Dès les premières démarches d’échantillonnage, nous avons constaté la difficulté à réunir des femmes du secteur communautaire (organismes sans but lucratif, groupes de femmes, associations de défense des locataires, etc.), rares étant celles qui peuvent prendre une retraite anticipée compte tenu entre autres de la précarité de ce type d’emploi. De plus, malgré de très nombreuses démarches auprès des associations de retraitées et des syndicats, nous n’avons pas réussi à diversifier nos répondantes selon la variable ethnique. Là encore, cela semble s’expliquer par le fait, constaté entre autres par  Firbank (1996 : 36) que «la tendance vers un départ à la retraite anticipée caractéristique de ces vingt dernières années a davantage affecté les travailleurs natifs que les travailleurs immigrés. » Ceux-ci ont des emplois qui ne donnent pas accès à un fond de retraite institutionnel ou privé et donc qui ne permettent pas d’envisager la retraite avant 65 ans, âge qui donne droit à la pension de sécurité de la vieillesse et au revenu minimum garanti.

[10] Pour cette caractéristique, nous n’avons pas les données de deux des répondantes

[11] idem

[12] Par exemple aux voyages dans les pays du sud, aux croisières dans les caraïbes etc.

 

Labrys
estudos feministas/ études féministes
agosto/dezembro 2005 -août/ décembre 2005