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études féministes/ estudos feministas La recherche féministe... un acte militant Francine Descarries Coordonnatrice de la recherche
L’IREF œuvre au développement et à la promotion de la recherche féministes depuis sa création en 1990 et s’est développé au fil des collaborations établies entre les chercheures, les chargées de cours et les étudiantes. L’Institut représente un point de ralliement pour celles-ci — et les quelques chercheurs et étudiants qui font équipe avec elles — et permet à plusieurs d’éviter l’isolement qui guette trop souvent celles et ceux qui travaillent dans le champ de la recherche féministe. D’une certaine manière, la nécessité de faire « front commun » contre l’androcentrisme des savoirs disciplinaires a permis de développer au sein de l’IREF une solidarité fructueuse dans le respect des orientations théoriques et militantes de chacune. L’accent mis par l’IREF, dès sa création, sur le développement interdisciplinaire s’est avéré propice à la multiplication, mais surtout à l’approfondissement et au renouvellement des problématiques de recherche et des approches méthodologiques accueillies au sein de l’Institut pour appréhender, dans divers temps et espaces, la réalité sociale du point de vue des femmes et pour analyser les effets structurants des processus sociaux sexués qui traversent toutes les dimensions du social. La pratique de recherche des membres de l’IREF a aussi été fortement enrichie par une philosophie de la recherche qui a permis, au fil des ans, d’associer au sein de divers projets chercheures et groupes de femmes. Une telle pratique de partenariat, qui bénéficie depuis la création de l’IREF de l’appui institutionnel accordé à travers le Protocole UQAM/Relais-femmes — et qui a profité pendant près de dix ans d’une infrastructure de recherche en partenariat avec Relais-femmes, subventionnée dans un premier temps par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) par la suite — a généré au cours des ans, malgré la présence de difficultés et de tensions bien réelles entre militance et science, entre culture des groupes et culture des chercheures, des échanges productifs de savoirs et d’habiletés féministes, bien avant que la notion de « mobilisation des connaissances » ne soit tendance, tout comme le développement d’approches méthodologiques et de modèles d’analyse plus attentifs à la diversité des expériences et des dynamiques des rapports sociaux sexués et plus ouverts sur les pratiques et les besoins du milieu ainsi que sur l’ensemble des problèmes sociaux. Cela étant, l’IREF accueille, bon an, mal an depuis quelques années, une quinzaine d’équipes de recherche. Elles y mènent des travaux sur des thématiques variées qui évoluent au gré de la conjoncture sociale et des préoccupations de l’heure. Ces recherches prennent acte notamment des changements sociaux et des défis que sont l’intensification des mouvements de population ; l’essor des revendications identitaires des groupes minorisés ; l’illusion de l’égalité-déjà-là ; le conservatisme ambiant et l’effritement des couvertures sociales, la mutation des revendications portées par les jeunes générations, et les nouvelles formes de pauvreté et de violence qui touchent particulièrement les femmes. Les projets logés aujourd’hui à l’IREF se déploient donc en plusieurs dimensions sur un large continuum au sein duquel sont abordées, plus spécifiquement, des questions relatives aux conditions de vie des parents étudiants, à la conciliation travail-famille, à la situation des femmes entrepreneures immigrantes ou à celles des femmes aînées dans l’espace public et privé et aux effets de la libéralisation des marchés sur les conditions de vie des femmes au Québec. Sont aussi questionnés les courants de pensée du féminisme contemporain, les outils du droit pour contrer les stéréotypes sexistes, le développement de solidarités féministes dans un contexte de diversité religieuse de même que les paradoxes et les enjeux de la pensée et des pratiques du mouvement des femmes québécois. Un autre volet important des recherches menées à l’IREF nous convie à l’étude du discours des médias sur les témoignages des femmes et des hommes vivant avec le VIH/sida, de l’impact de l’homophobie sur la persévérance scolaire ou encore de la vulnérabilité et la résilience de jeunes de minorités sexuelles face à l’homophobie scolaire et à celle de la traite des femmes à des fins prostitutionnelles au Québec. Est-il nécessaire de préciser, qu’au-delà de ces projets subventionnés, de nombreuses autres préoccupations et thématiques sont abordées par les chercheures, les chargées de cours et les étudiantes réunies au sein de l’IREF. Ainsi, les notions d’identité féminine, d’identités sexuelles, de choix, de genre et de sujet du féminisme occupent beaucoup plus d’espace présentement que dans les périodes précédentes, tout comme celle des clivages socioéconomiques, ethniques, religieux, culturels, générationnels et d’orientation sexuelle. Je conclurai cette brève présentation en ajoutant, sans fausse modestie, que l’IREF constitue une référence obligée dans le champ de la recherche féministe francophone. La poursuite et la consolidation de ses activités de recherche sont en l’occurrence indispensables pour assurer la survie et l’avenir de la recherche féministe, pour l’extraire définitivement de la périphérie où la campent les savoirs dominants, pour convaincre de sa légitimité et de sa raison d’être et, enfin, pour forcer la prise en compte de ses questionnements et de ses perspectives critiques dans tous les protocoles de recherche. labrys,
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