labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet / décembre 2010 - julho/dezembro 2010

Le Protocole UQAM/Relais-femmes : le pari de la démocratisation du savoir

Lyne Kurtzman

Responsable du Protocole

UQAM/Relais-femmes

 

Depuis sa signature en 1982, le Protocole UQAM/Relais-femmes s’alimente à un triple creuset : le Service aux collectivités, son port d’attache, le GIERF devenu l’IREF en 1990, et Relais-femmes, un organisme sans but lucratif qui regroupe plus de 70 groupes de femmes à travers le Québec. En réponse aux besoins de ces groupes, le Protocole a permis la réalisation d’au delà de 500 formations et recherches, et autant d’activités de transfert des connaissances qui ont influencé l’évolution des luttes des femmes ainsi que contribué à des réformes, à des gains majeurs pour l’atteinte de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Les débuts C’est un contexte historique et théorique propice qui a permis l’émergence puis la fortification du Protocole qui, bien avant qu’il soit de bon ton de s’intéresser à la recherche en partenariat, a privilégié une approche fondée sur une collaboration étroite entre des professeures et des groupes féministes dans un but d’innovation en matière de rapports de sexe.

Dans les décennies 1970 et début 1980, la résurgence des luttes des femmes dans le social, le politique, le privé et le théorique coïncide avec d’importantes transformations dans l’institution universitaire qui se veut ouverte aux groupes sociaux par l’ajout d’une troisième mission de Service à la collectivité, dite « distincte mais intégrée » aux missions traditionnelles de formation et de recherche. Dans un même temps, sous l’impact des interrogations théoriques majeures soulevées par le mouvement des femmes, des jeunes professeures créeront les premiers cours sur les femmes et mettront sur pied le GIERF (1976) dont le premier défi intellectuel sera de travailler à intégrer la réalité sociale des femmes dans les savoirs universitaires.

Durant cette période, Relais-femmes voit le jour (1980) et l’économiste Ruth Rose joue un rôle déterminant dans la reconnaissance de la valeur économique du travail des femmes collaboratrices de leur conjoint. Grâce à ses connaissances sur la fiscalité, les régimes de retraite, les pensions alimentaires, le financement des services de garde, les programmes d’aide sociale, les groupes de femmes ont fait plusieurs gains politiques. Ce sont aussi des années de création et de diffusion de savoirs nouveaux sur la place et l’implication des femmes en politique, dans l’histoire et dans la science, sur le sexe du langage et des médias, sur les méthodes d’action communautaire et féministe. Évelyne Tardy, Nancy Guberman, Jacqueline Lamothe, Nadia Fahmy-Eid, Karen Messing, Armande Saint-Jean, pour ne nommer que ces professeures, ont fait progresser les connaissances et développé avec le Service aux collectivités diverses activités de formation avec les femmes autochtones, les familles monoparentales, des femmes « au bas de l’échelle », des femmes impliquées à la Fédération des femmes du Québec, à l’AFÉAS, dans des Centres d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles, dans des groupes d’action pour l’égalité dans l’emploi, dans les syndicats, etc.

Un anniversaire marquant

Il y aura à l’occasion du 50e anniversaire du droit de vote par les Québécoises en 1990 une réelle contribution de chercheures comme Francine Descarries qui a su mobiliser ses étudiantes autour de la création d’un florilège du savoir sexiste, et Simone Landry qui a dirigé l’enquête auprès des groupes dont la publication[1]  a lancé les festivités et le vaste bilan réalisé à l’occasion du cinquantième. Près de 10 000 femmes de toutes les régions du Québec ont pris d’assaut les pavillons Jasmin et Aquin de l’UQAM pour participer au forum Les 50 heures du féminisme organisé par Relais-femmes et le regroupement ad hoc Femmes en tête.

Des projets bâtis sur la confiance

Il est ici impossible de rendre compte de la liste des réalisations qui établissent la partie sociale, l’envergure et la diversité des travaux effectués dans le cadre du Protocole qui n’a fait que s’allonger depuis la création de l’IREF il y a 20 ans. Contrairement au féminisme universitaire européen, l’IREF est resté proche des préoccupations et besoins éducatifs des groupes hors de l’institution, comme en témoigne la constance de son engagement au sein du Comité conjoint du Protocole UQAM/Relais-femmes du Service aux collectivités. Ce modèle de concertation fondé sur la reconnaissance d’un savoir-terrain a permis de construire et de préserver un rapport de confiance entre des milieux de culture différente qui a grandement contribué au développement de la recherche féministe à l’UQAM et à sa valorisation auprès des autres établissements universitaires du Québec, du Canada et d’ailleurs.

Les recherches ou les formations sur l’homoparentalité, les femmes aînées, l’engagement social des jeunes, les discriminations particulières vécues par les femmes autochtones et immigrantes ainsi que le succès du récent colloque international entourant les Événements commémoratifs des 20 ans de la tuerie de Polytechnique, qui a été salué à maintes reprises, tout comme ses retombées sur la place publique, nous permettent de célébrer en toute fierté la maturité des liens qui existent entre les équipes et les membres de l’IREF, de Relais-femmes et du Protocole UQAM/Relais-femmes du Service aux collectivités.


 

[1] Femmes en tête. De travail et d’espoir. Des groupes de femmes racontent le féminisme, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 1990.

 

 

labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet / décembre 2010 - julho/dezembro 2010