labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet / décembre 2010 - julho/dezembro 2010

 

Et que le mouvement batte son plein !

Marie-Andrée Roy

Directrice

 Photo : Nathalie St-Pierre

L’IREF fête ses 20 ans. Une jeunesse ! Mais vous apprendrez dans ces pages que nous avons aussi une préhistoire. L’enseignement féministe a vu le jour à l’UQAM dès 1972 et à compter de 1979 le Groupe interdisciplinaire d’enseignement et de recherche sur les femmes (GIERF) a coordonné des enseignements féministes dans toute l’Université. À la fin des années 80, nous rappelle Lorraine Archambault, la mémoire de l’Institut, c’est Louise Vandelac « avec l’appui d’un Comité de travail, […] [qui] esquissera une première ébauche du projet de création » d’un Institut féministe (IF) et par la suite le projet « sera piloté et déposé à la direction de l’UQAM par Anita Caron ». L’Institut a été créé le 18 décembre 1990 et inauguré en mars 1991. L’année 2010-2011 en sera donc une de célébrations !

Qu’est-ce qui a caractérisé le projet féministe uqamien ? Dès les origines, les pratiques ont été collectives, solidaires et démocratiques. Elles ont regroupé toutes les forces vives féministes, étudiantes, professeures, chargées de cours, employées désireuses non seulement d’avoir des enseignements sur les femmes et les rapports sociaux de sexe mais aussi de travailler à la transformation de l’Université et de la société !

Des professeures et des chargées de cours d’une quinzaine de disciplines ont joint leurs efforts pour assumer des enseignements qui établissent clairement le questionnement épistémologique féministe au cœur de tous les grands champs du savoir. Les féministes n’ont pas voulu d’un savoir « à part » mais d’un savoir qui bouscule le sexisme et l’androcentrisme des disciplines traditionnelles jusque dans leurs fondements. Elles n’ont pas quémandé une petite place pour « la femme » ou le féminin à l’orée des connaissances, mais revendiqué d’inscrire la question féministe dans les trames paradigmatiques pour que l’on pense et produise différemment le savoir en intégrant pleinement les genres et les rapports sociaux de sexe.

Force est de constater aujourd’hui que, si les études féministes ont acquis une certaine légitimité à l’université, elles ne sont pas parvenues à révolutionner les paradigmes disciplinaires.

Et c’est pour cela que nous sommes toujours en mouvement, pour que ça change ! Le projet féministe uqamien se conjugue au pluriel parce qu’il fait place à différentes lectures du féminisme, à plusieurs courants de pensée qui parfois s’entrechoquent mais qui sont appelés à cohabiter dans un espace de débat démocratique pour l’avancement des droits des femmes et l’affirmation de l’égalité entre les sexes. Ce féminisme est alerte pour croiser ses analyses avec les questions de race, de classes et d’identités ethniques et sexuelles pour contribuer résolument au déboulonnage des différents systèmes d’oppression.

Par ses méthodes d’enseignement et d’encadrement, il manifeste un souci constant d’accessibilité et de démocratisation des connaissances pour soutenir activement la formation d’une relève solide et engagée. Il a pratiqué la mobilisation des connaissances bien avant la lettre en développant des outils de formation et en s’assurant que les résultats des recherches puissent constituer des leviers du changement social. Enfin, au fil des ans, la solidarité du féminisme uqamien avec le mouvement des femmes ne se dément pas parce qu’ils se fécondent mutuellement pour assurer la pertinence, la vigueur et l’actualisation tant des connaissances que de l’action militante.

Toutes ces réussites sont-elles autant de raisons pour s’asseoir sur nos lauriers ? Que non ! Et nous ne sommes pas d’humeur à ronronner ! Ces jours-ci l’équipe de l’Institut travaille activement avec le Conseil de l’IREF à la rédaction d’un plan de développement stratégique pour les cinq prochaines années ; ce plan fera l’objet de discussions avec nos membres puis il devrait être adopté par notre Assemblée générale au début de l’automne. Nous avons du pain sur la planche ! Les cours en études féministes doivent rejoindre davantage de disciplines et intégrer de nouvelles problématiques, les concentrations en études féministes doivent être associées à un plus grand nombre de programmes disciplinaires, et ce à tous les cycles d’études.

Compte tenu de la vastitude de l’expertise uqamienne, il importe que les études féministes soient disponibles en formation à distance. Nous avons absolument besoin d’une chaire de recherche en études féministes pour assurer le renouvellement et le déploiement de la théorie féministe. Il importe aussi d’accroître les regroupements de recherche pour promouvoir la synergie des savoirs et permettre un maximum de retombées des résultats de recherche. Et bien d’autres choses encore ! Et c’est parti pour les 20 prochaines années… en mouvement !

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juillet / décembre 2010 - julho/dezembro 2010