labrys,
études féministes/ estudos feministas Souvenirs d’une pionnière en études féministes Ruth Rose Professeure retraitée associée Département des sciences économiques et à l’IREF
Enseigner avec une assistante inscrite en sociologie. Produire les résultats de la recherche intitulée Portrait des femmes collaboratrices du Québec[1] à partir d’expertises en droit et en sociologie, en plus de ma propre discipline en sciences économiques. Assister à des conférences et séminaires offerts par des chercheures dans des disciplines aussi variées que la musique, la biologie et l’histoire. Faire de la recherche avec des collègues en études urbaines et travail social. Voici l’interdisciplinarité que m’ont apporté d’abord le Groupe interdisciplinaire pour l’enseignement et la recherche sur les femmes (GIERF) et ensuite l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF). En 1976, le GIERF, désireux de nouer des liens avec les groupes de femmes, a mandaté des professeures pour rencontrer des militantes féministes. Je pense à Nicole Boily, alors coordonnatrice à la Fédération des femmes du Québec, à Évelyne Tardy, chercheure au Conseil du statut de la femme. Nous souhaitions aussi impliquer des professeures de l’Université de Montréal qui nous ont référé Francine Descarries, alors étudiante féministe militante. Notre projet était de créer un institut de recherche paritaire université-groupes de femmes, modelé sur l’Institut de recherche appliquée sur le travail (IRAT), qui réunissait les quatre universités montréalaises et les trois principales centrales syndicales. Le refus du gouvernement de financer directement un tel institut ainsi que les débats houleux sur le rôle de la recherche universitaire au regard de l’action des groupes nous a amenées à soutenir la création en 1980 de Relais-femmes, qui signait deux ans plus tard une entente avec l’UQAM lui facilitant l’accès à des ressources professorales, professionnelles et matérielles, le Protocole UQAM/Relais-femmes. Les services à la collectivité, c’est-à-dire le prêt de ressources professorales aux groupes de femmes dans le cadre de projets de recherche, de formation et de consultation, ont toujours eu une place choyée au GIERF et à l’IREF. Depuis plus de trente ans, bon nombre de professeures, chargées de cours, étudiantes et professionnelles ont mis leur expertise au service du mouvement féministe. Mentionnons notamment, les recherches de Donna Mergler et de Karen Messing sur l’ergonomie du travail des femmes, celles d’Évelyne Tardy sur les femmes et la politique, celles de Jacqueline Lamothe sur la féminisation de la langue française. Pour ma part, en 1978, j’ai effectué une première recherche sur le financement des garderies pour le Regroupement des garderies du Québec. Cette recherche a aidé à convaincre le gouvernement d’augmenter les subventions aux garderies, d’adopter une loi sur les services de garde et à créer l’Office des services de garde à l’enfance. D’autres projets ont contribué à l’établissement de la politique des services de garde à 5 $ par jour en 1997. Mon apport, sans parler de celles des autres chercheures, a également contribué à la mise en place d’une politique de financement des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, à l’instauration du système de perception des pensions alimentaires et à leur défiscalisation, à l’établissement de meilleures normes du travail pour les aides familiales, à une bonification des congés parentaux dans les Normes du travail et, par la suite, au Régime québécois d’assurance parentale et à la réforme majeure de la politique familiale en 2005. Comme chercheure féministe, j’aime insister sur l’importance de la combinaison des expertises universitaires et des pressions politiques du mouvement des femmes pour faire évoluer les politiques économiques et sociales du Québec. [1] Il s’agit des femmes qui travaillent dans des petites entreprises avec leur conjoint. Ce livre a été publié en 1984 par l’Association des femmes collaboratrices du Québec. |