labrys, études féministes/ estudos feministas
janvier/juin 2008-janeiro/junho 2008

Travail et militance : quelle place pour les jeunes femmes ?

Johanne Saint-Charles, Marie-Ève Maillé et Danielle Bélanger

Résumé

Encore aujourd’hui, les femmes sont sous-représentées dans les lieux de pouvoir des syndicats. La perception différenciée du pouvoir des hommes et des femmes, la difficile conciliation entre le travail et la famille, et la culture syndicale sont des facteurs qui expliqueraient en partie cette situation. Notre recherche visait à identifier les configurations constituées par les facteurs personnels, relationnels et organisationnels qui aident ou nuisent à l’accession des femmes à des fonctions syndicales électives. Grâce à l’analyse qualitative d’entrevues semi-dirigées et à l’analyse de réseaux, nous avons dressé le portrait de l’implication syndicale, des difficultés de la conciliation travail / famille / syndicat / loisirs; de la perception du pouvoir, et du soutien social d’un échantillon typique composé de dix femmes et deux hommes. Nos résultats montrent que les jeunes femmes se perçoivent d’abord comme une mère, qu’elles conçoivent toujours le pouvoir selon le modèle dominant, et que le soutien social et le regard que portent les proches sur l’implication syndicale d’une personne sont des facteurs qui influencent l’engagement ou le désengagement syndical des jeunes femmes.

Mots-clé : jeune femme – syndicat – implication – conciliation travail / famille – pouvoir – réseau – soutien social – dissonance relationnelle –plafond de verre

1. Introduction

Concilier réussite professionnelle et qualité de la vie privée constitue un défi pour la majorité des individus dans de nombreuses sociétés occidentales. Encore aujourd’hui, ce sont surtout les femmes qui y sont confrontées, car malgré l’implication plus grande des hommes dans la sphère domestique, les responsabilités familiales et domestiques des femmes demeurent toujours importantes (Baudoux, 2005; ILO, 2004; Tremblay, 2004). De plus, les femmes continuent d’avoir de la difficulté à accéder aux postes de pouvoir, en particulier dans le monde politique et syndical. Deux grands facteurs expliqueraient la faible accession des femmes aux postes de pouvoir : la perception différenciée du pouvoir des femmes et des hommes (Tardy, 1995a, 1995b; Tremblay, 2004) et la difficile conciliation entre le travail et la famille pour les femmes (Baudoux, 2005; Descarries et Corbeil, 1995; De Sève, 1998; Lemay, 2001; Tremblay, 2004). Dans les syndicats, la « culture syndicale » apparaît comme un troisième facteur émergeant des deux premiers (Bourret, 1998; Lemay 2001); avec sa manière d’aborder le pouvoir et ses horaires de travail non compatibles avec une vie de famille, la culture syndicale n’est guère attirante pour les femmes.

Conscients de ces réalités depuis des années, les groupes syndicaux du Québec ont mis en œuvre des programmes d’accès à l’égalité syndicale afin d’augmenter la représentation politique des femmes militantes au sein de leurs organisations. Pourtant, malgré cet instrument politique et institutionnel, la représentation des femmes demeure encore faible. Par exemple, à la Centrale des syndicats du Québec[1], où 70 % des membres sont des femmes, elles n’occupent que 40 % des fonctions syndicales électives. Par ailleurs, des jeunes femmes très impliquées dans les instances syndicales ont abandonné leurs fonctions en raison d’un épuisement professionnel, un phénomène qui semble bien moins présent chez les jeunes hommes. L’implication syndicale des jeunes femmes, particulièrement leur accession à des postes électifs – lieux de pouvoir et d’orientation des décisions – demeure donc difficile.

La recherche que nous présentons dans cet article a comme principal objectif de mieux comprendre la faible représentation des jeunes femmes aux postes syndicaux électifs. Après avoir présenté une revue de la littérature pertinente à notre questionnement, nous présentons la question de recherche et la méthodologie retenue, puis nos principaux résultats et leur interprétation.

2. Tour d’horizon de la situation des femmes au Québec

Au Québec, dans les 60 dernières années, la situation des femmes tant dans la sphère publique que privée s’est grandement modifiée. Le 25 avril 1940, les femmes québécoises obtenaient enfin le droit de vote. En 1964, les femmes mariées « perdaient » leur incapacité juridique, obtenant du même coup le droit d’encaisser elle-même leur chèque de paie. Au même moment, le rapport Parent, avec ses recommandations sur la gratuité scolaire et la mixité des écoles, a pavé la voie vers les études supérieures pour les femmes québécoises, une voie qu’elles ont largement empruntée, comme en fait foi leur présence de plus en plus grande à l’université.

Malgré ces avancées des femmes dans la sphère publique, il semble toujours exister un « plafond de verre » [2] (Crampton et Mishra, 1999; Dreher, 2003; Ernst, 2003; Fortier, 2002; Gouvernement du Canada, 1995; Large et Saunders, 1995; Marchand, Saint-Charles et Corbeil, 2007; Maume, 2004 ; Sanchez-Mazas et Casini, 2005) qui empêche les femmes d’accéder aux « hautes sphères des organisations » (Landry, 1990), c’est-à-dire aux conseils d’administration des entreprises, aux postes au sommet hiérarchique, d’où se décident les grandes orientations des organisations, et aux postes électifs syndicaux (Lauzon et al., 1997, Legault, 1999; Lemay, 2001; Le Quentrec et Rieu, 2002; Milkman,1994).

L’image du « plafond de verre » évoque bien cette réalité intangible à laquelle semble se heurter la majorité des femmes qui souhaitent accéder aux hautes sphères du pouvoir. De nombreux facteurs, imbriqués les uns aux autres, contribuent à la création et au maintien de ce plafond.

2.1 La conciliation travail, famille, militance… loisirs ?

La plus grande part de la responsabilité de la famille repose encore sur les épaules des femmes (Baudoux, 2005; Descarries et Corbeil, 1995; ILO, 2004; Tremblay, 2004). Cette charge supplémentaire crée des obstacles concrets à l’avancement de la carrière des femmes : manque de disponibilités, fatigue supplémentaire, stress généré par les conflits, les ambiguïtés de rôles et les stéréotypes sous-jacents aux rôles de femme, de mère et d’épouse (Baudoux, 2005; Carrier et de Roskies, 1993; Tremblay, 2004). Cette réalité fait aussi obstacle à l’implication syndicale des femmes (Lemay, 2001). Cependant, le fait d’avoir un conjoint qui partage véritablement les responsabilités familiales et offre un soutien émotif est un facteur susceptible d’agir comme modérateur du stress vécu au travail (Carrier et de Roskies, 1993).

Par ailleurs, si la dynamique travail / famille est largement abordée dans la littérature, la question des loisirs dans la vie des femmes demeure peu traitée, à tout le moins sous l’angle de la conciliation. Cette absence est révélatrice : pour les femmes ayant à la fois une carrière et une famille, il est normal qu’il ne reste plus de place pour autres choses.

2.2 Femmes et pouvoir : mission impossible ?

L’image de soi se construit et s’affirme au fil des interactions et des relations d’un individu (Mongeau et Tremblay, 2002), avec, pour toile de fond, des rôles sociaux, des stéréotypes et des représentations sociales partagées par les membres d’une société. Le genre[3] contribue de manière importante à la construction de l’identité et influence les comportements. Malgré les avancées féministes, en particulier dans le monde occidental, les représentations des hommes et des femmes demeurent encore aujourd’hui très stéréotypées (Lips, 2003). Les hommes sont décrits par des mots associés à l’action et les femmes par des mots associés au partage (Eagly et Karau, 2002). Ces représentations créent des attentes de rôle et génèrent des pressions à la conformité autant pour les femmes que pour les hommes.

Les représentations du pouvoir génèrent elles aussi des attentes envers les gens qui occupent un poste de pouvoir, mais elles sont peu compatibles avec les attentes envers les femmes (Eagly et Karau, 2002). Ce sont effectivement des caractéristiques d’action qui sont généralement associées au pouvoir, les mêmes qui sont associées aux hommes (Lips, 2003). De plus, on dira des leaders hommes qu’ils sont plus autoritaires, compétents et en contrôle, mais des leaders femmes, qu’elles ont des habiletés interpersonnelles et qu’elles favorisent la coopération (Eagly et al., 1995; Gemmill et Schaible, 1991). L’inadéquation entre le rôle de leader et le rôle de femme contribue sans doute à ce que plusieurs femmes aient encore la perception qu’elles sont incapables d’assumer certaines fonctions (Lemay, 2001).

Les femmes[4] disent d’ailleurs que leur manière d’exercer et de penser le pouvoir se distingue de celle des hommes – et par conséquent du modèle dominant du pouvoir. Les femmes utiliseraient davantage le pouvoir collectif, la discussion, la négociation et la médiation, alors que le modèle dominant favoriserait la lutte, le contrôle et la domination. Pour reprendre la distinction proposée par French (1986), les femmes préféreraient le « pouvoir de » au « pouvoir sur » (Cantin, 2000 ; Landry, 1990 ; Milkman, 1994 ; Quéniart et Jacques, 2001). Cette différence pourrait expliquer qu’elles souhaitent peu s’investir dans des lieux de pouvoir où le modèle dominant va à l’encontre de leur désir (Lemay, 2001).

Il existe de fortes ressemblances dans le discours des femmes (et des hommes) quant à la manière dont les femmes conçoivent le pouvoir. Toutefois, quand on compare les comportements des femmes et des hommes en situation de pouvoir des disparités apparaissent. En effet, les recherches portant sur les différences entre les comportements des hommes et des femmes gestionnaires ou leaders dans différents contextes donnent des résultats mitigés : tantôt hommes et femmes se ressemblent, tantôt ils et elles se distinguent sur différents aspects dans différents milieux (Engen et Willemsen, 2000 ; Powell, 1990).

2.3 Les jeunes femmes et l’implication : le passé est-il garant de l’avenir ?

Plusieurs éléments semblent favoriser l’implication sociale, politique ou syndicale des jeunes femmes : une ouverture aux questions sociales et politiques dans l’enfance, l’encouragement des parents pour des comportements de confrontation, de négociation ou de solidarité, et également une expérience antérieure d’implication, de bénévolat ou de militantisme. À l’âge adulte, ces expériences et ces attitudes influenceraient positivement les jeunes femmes, autant dans le cheminement de leur carrière vers des postes de pouvoir qu’au niveau de leur implication (Baudaux, 2005; Quéniart et Jacques, 2002).

Par ailleurs, l’idée reçue qui veut que les jeunes au Québec ne s’impliquent pas est largement démentie par la recherche. Les modes d’implication des jeunes, femmes et hommes, bien que ressemblant à certains égards à ceux de leurs aînés, ont aussi leurs caractéristiques propres. L’engagement des jeunes est plus sectoriel, marqué par un processus d’individualisation, non par repli sur soi, mais bien par des valeurs telles la liberté, la dignité, l’épanouissement des individus, l’anti-autoritarisme (Quéniart et Jacques, 2001). Les jeunes mettent de l’avant des valeurs comme l’altruisme, l’esprit de solidarité et la quête de justice. Les jeunes femmes disent aussi vouloir militer pour changer les choses et pour passer à l’action.

Selon Quéniart et Jacques (2001), on peut qualifier l’engagement des jeunes femmes comme distancié, car il implique des mobilisations ponctuelles sur des objectifs limités pour une durée déterminée. Le concept d’engagement pour les jeunes femmes ne signifie pas appartenir à une organisation spécifique pour adhérer à un idéal collectif, mais faire partie d’une organisation qui leur permette d’atteindre leur idéaux. Elles refusent d’adhérer complètement et d’être coincées dans un carcan partisan ou dans un « cloître moderne » (Quéniart et Jacques, 2002; Saint-Charles et al. sous presse).

Au sujet de l’implication syndicale, les jeunes affirment que la langue de bois, la dénonciation permanente et le statu quo sont des éléments qui freinent leur engagement syndical. Cependant, elles et ils affirment aussi que c’est leur devoir d’y participer. La grande majorité de ces jeunes voient aussi le syndicalisme comme un moyen d’éducation à la citoyenneté. Les jeunes syndiqués du Québec souhaiteraient aussi obtenir une « éducation syndicale » afin d’être mieux informés (De Sève, 1999). Leur participation à la vie syndicale est motivée par un désir d’avoir accès à plus d’informations et d’en retirer quelque chose au plan personnel.

Elle est stimulée par certains dossiers qui leur tiennent à cœur et qui sont porteurs de résultats concrets, par leur conviction de la justesse de la cause et par l’espoir de sensibiliser les gens (Gauthier, 1997; Quiénart et Jacques, 2001). Les jeunes croient à l’importance du syndicalisme comme mouvement social et veulent travailler à l’avancement des conditions de vie et de travail des personnes salariées. Le choix de gravir les échelons dans la structure syndicale est lié au fait que les jeunes aient le sentiment de pouvoir apporter un changement et influencer les orientations et les décisions à un autre niveau (Lemay, 2001).

Finalement, pour les jeunes femmes, la culture organisationnelle des syndicats est un frein à la participation aux structures syndicales. En effet, elles se doivent de progresser dans un monde masculin qui peut être résistant aux problèmes que vivent les femmes et à leur intégration. De plus, la performance exigée par certains postes suscite des craintes (Lemay, 2001).

2.4 Le soutien social, pas toujours dans les réseaux personnels

Les individus sont encastrés dans des réseaux personnels qui les soutiennent ou les contraignent et qui agissent comme structures médiatrices entre eux et les structures sociales plus larges. Tant dans la vie privée qu’au travail, les réseaux personnels jouent un rôle fondamental dans la définition de soi et dans l’élection de nos valeurs et attitudes (Bidart et Lavenu, 1999; Erickson, 1988; Granovetter, 1982; Saint-Charles et Mongeau, 2005; Wellman, 1988).

Le soutien obtenu des personnes de l’entourage a un impact important sur le bien-être général de l’individu et les recherches ont montré que le soutien social prend plusieurs formes qui toutes jouent un rôle déterminant dans nos vies : le soutien instrumental (les services rendus tels le gardiennage, les courses, le transport, etc.); le soutien informationnel (des conseils, de l’information à propos d’emplois, de ressources, etc.); le soutien émotif (des confidences, le partage d’émotions agréables et désagréables, etc.) et le compagnonnage (le partage de loisirs) (Kogovsek et al., 2002; Vaux, 1988; Wellman et Gulia, 1999).

Un réseau composé de personnes avec qui l’on entretient des liens étroits est généralement favorable en termes de soutien social, mais les recherches ont démontré qu’un tel réseau peut aussi contribuer à maintenir une personne en situation de détresse. La densité et la taille du réseau personnel ne sont donc pas équivalentes au soutien reçu (Mongeau et Saint-Charles, 2005; Saint-Charles, Mongeau et Biron, sous presse; Wellman et Wortley, 1990; Wortman et Lehman, 1985). Dans les études sur le lien entre soutien social et santé, on a aussi pu constater que la qualité du soutien que reçoit une personne ne peut être mesurée objectivement par un observateur externe; c’est en effet le soutien perçu par la personne qui est corrélé à des facteurs de santé physique et mentale ou de guérison (Barrera, 1986; Carpentier et White, 2001; Lin et al., 1986). Également, pour la majorité des personnes, le soutien social est « spécialisé », c’est-à-dire que différentes personnes du réseau offrent différents types de soutien (Wellman et Gulia, 1999).

Au travail, le soutien social joue un rôle important dans la prévention de l’épuisement professionnel (Brun, 2002; Vézina et al., 1992). Le manque de soutien de la part des collègues ou des supérieures et supérieurs contribue à augmenter les risques d’épuisement professionnel (Brun, 2002; Poirier, 2000). À l’inverse, la présence d’un tel soutien contribue à la satisfaction au travail et diminue les risques de problèmes de santé (Brun, 2002, Vézina et al., 1992). Ainsi, le soutien social, qu’il provienne de collègues, de liens d’amitié ou de membres de la famille, peut atténuer l’impact du stress vécu au travail sur la santé mentale, particulièrement lorsque les exigences sont élevées.

Dans les organisations, il existe des différences perceptibles entre les réseaux des hommes et des femmes (Ibarra, 1993a), en particulier lorsque l’on sépare les réseaux liés à la tâche de ceux liés aux aspects émotifs. En effet, en contexte organisationnel, pour les femmes, la composition de leurs réseaux liés à la tâche est distincte de celle de leurs réseaux émotifs, alors que chez les hommes, les ressemblances entre les deux « types » de réseaux sont plus grandes (Brass, 1985; Ibarra, 1993b; Saint-Charles, 2001). En d’autres termes, alors que les hommes sont amis et reçoivent du soutien des personnes avec qui ils interagissent au sujet de la tâche, les femmes ont tendance à avoir deux réseaux parallèles assez distincts l’un de l’autre.

Cette différence s’explique par la tendance à l’homophilie[5] dans les relations, une tendance plus forte dans les réseaux émotifs. Ainsi, les personnes qui nous ressemblent le plus sont celles vers qui on se tourne pour l’amitié et le soutien, mais dans les réseaux liés à la tâche, l’homophilie n’est pas la seule variable; le statut des personnes à qui on demande conseil ou à qui on parle pour tenter d’influencer une décision est tout aussi important. Par conséquent, les réseaux de soutien des femmes peuvent certes procurer un soutien émotif, mais n’offrent guère d’opportunités organisationnelles parce que les femmes qui occupent des postes élevés sont rares. En effet, le lien entre réseaux instrumentaux et pouvoir en contexte organisationnel ayant été largement démontré (Krackhardt et Brass, 1994 ; Lazega, 1994 ; Monge et Contractor, 1997; Saint-Charles, 2001), les femmes qui sont exclues des réseaux instrumentaux se retrouvent également exclues de ces « réseaux de pouvoir » (Cantin, 2000; Gouvernement du Canada, 1995 ; Ibarra, 1992). De plus, le biais homophile fait aussi en sorte que les hommes bénéficient plus souvent du soutien d’un mentor (ILO, 2004 ; Maume, 2004), car les mentors potentiels choisissent leur « protégé » parmi ceux qui leur ressemblent le plus.

3. Question de recherche

Les obstacles à l’accession des femmes à des postes électifs en milieu syndical, bien qu’ils soient dans l’ensemble assez connus, demeurent encore très présents. Les moyens mis en place par les groupes syndicaux pour contrer ces obstacles s’appuient sur cette connaissance, mais leur succès est mitigé.

La majorité des recherches que nous avons recensées portaient sur l’un ou l’autre des facteurs susceptibles de contribuer au maintien du « plafond de verre ». Ainsi, si le rôle de chacun des facteurs est bien documenté, leurs interactions en contexte spécifique sont parfois difficiles à saisir. Une « mise en complexité » de ces facteurs pourrait contribuer à notre compréhension des causes de la sous-représentation actuelle des femmes et, en particulier, des jeunes femmes dans les instances syndicales. Plus spécifiquement, il s’agit d’identifier les configurations constituées par les facteurs personnels, relationnels et organisationnels qui aident ou nuisent à l’accession des femmes à des fonctions syndicales électives.

De façon plus détaillée, les facteurs suivants ont été retenus pour cette recherche :

Au niveau personnel : la situation de vie (âge, présence d’enfants, de conjoint), l’historique de l’implication sociale ou syndicale, la conciliation entre le travail, la famille et les loisirs, la motivation, l’engagement, la perception du pouvoir.

Au niveau relationnel : le soutien reçu dans le réseau personnel, la perception des autres sur la personne et sur les syndicats.

Au niveau organisationnel : la culture syndicale, les activités syndicales, les contraintes spatio-temporelles.

4. Méthodologie

Le caractère complexe et clairement multifactoriel de la problématique appelait une recherche qualitative afin de dégager un portrait articulé de la situation. Pour véritablement comprendre la faible présence des jeunes femmes dans les fonctions syndicales électives, il importait de recueillir les perceptions des principales concernées, c’est-à-dire d’interroger à la fois les jeunes femmes qui occupent actuellement ces fonctions et celles qui n’y sont pas. Afin de faire ressortir les particularités de leurs réalités, il était aussi important de connaître les perceptions de militantes plus aguerries et celles de jeunes hommes occupant des fonctions électives syndicales. La cueillette des données a donc consisté en des entrevues – d’une durée de deux à trois heures – auprès d’un échantillon typique recruté par des membres du groupe syndical à l’origine de l’étude. Six types composaient cet échantillon (deux personnes par type) :

des jeunes femmes occupant une fonction élective et comptant poursuivre dans cette voie[6];

des jeunes femmes ayant abandonné une fonction élective[7];

des jeunes hommes occupant une fonction élective[8];

des femmes occupant des fonctions syndicales électives depuis plusieurs années[9];

des jeunes femmes militantes, mais jamais candidates pour des fonctions électives[10];

des jeunes femmes non militantes[11].

La revue de la documentation a servi à construire le guide d’entrevue. Les entrevues semi-dirigées ont porté principalement sur les thèmes suivants :

    motivation à l’implication syndicale (ou à la non implication);

    perception de la culture syndicale;

    soutien perçu de la part du réseau personnel (famille, amitiés, collègues, mentors, etc.);

    perception du pouvoir;

  • perception des fonctions électives syndicales (tâches et rôles);
  • perception du rapport travail / famille / loisirs.

L’analyse de contenu[12] des entrevues a été orientée vers l’identification des combinaisons de facteurs favorables ou défavorables à l’implication syndicale et vers la contextualisation qu’en font les individus selon la position qu’elles et ils occupent. L’analyse de réseaux visait à illustrer le soutien social des différentes personnes interviewées. Ces analyses contribuent à dégager ce qui contre et ce qui favorise l’implication syndicale des jeunes femmes au niveau personnel, relationnel, ainsi qu’organisationnel, afin d’identifier des pistes d’action qui favorisent l’accession de ces dernières à des fonctions syndicales électives.

5. Résultats

Dans cette section, nous présentons les principaux résultats de notre recherche regroupés en quatre sections : 1) la conciliation entre le travail, la famille, les loisirs et le syndicat, 2) la perception du pouvoir, 3) les freins et les incitations à l’engagement syndical, et 4) les réseaux personnels et le soutien social.

5. 1 Concilier le travail, la famille, les loisirs et le syndicat

Sans surprise, la conciliation du travail, de la famille, des loisirs et de l’implication syndicale est difficile à faire pour nos répondantes et répondants; les nombreuses heures consacrées au syndicat sont autant d’heures soustraites aux autres sphères de la vie.

5.1.1 Travail et famille

Au sujet de la relation travail et famille, deux éléments ressortent davantage des propos de nos répondantes et répondants : la présence d’enfants en bas âge pour les femmes et la culpabilité suscitée par les choix à faire entre sa famille et les membres du syndicat pour lesquels elles et ils se sont engagés.

 

Des fois, je suis dans une réunion puis je me dis : « Mon dieu! Je n'aurai pas vu le petit de la journée! », parce que je l'ai vu quinze minutes le matin puis quand je vais revenir, il va être couché. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

Ça, c'est très difficile parce que la culpabilité que tu as, c'est épouvantable. Parce que souvent, tu te sens coupable par rapport à ta famille et d'un autre côté, tu te sens coupable parce que tu as impression que tu n'en fais pas assez au bureau. (Jeune femme occupant une fonction élective)

 

 

5.1.2 Les loisirs

 

La place des loisirs, mince pour les personnes occupant une fonction élective, est toutefois vue comme un équilibre et comme une disponibilité envers les membres de son réseau.

 

Quand tu choisis d'avoir des loisirs pour toi, aller voir des amis, faire des choses qui te plaisent à toi, tu te sens traître parce que c'est comme si tu enlevais du temps que tu pourrais donner aux enfants. Ça fait que tu es tout le temps prise entre deux culpabilités. (Jeune femme occupant une fonction élective)

Ça fait quinze ans que j’ai une activité; j'ai une soirée par semaine. Souvent, ça venait en conflit avec le syndicat, mais je ne l'ai jamais laissé tomber. Je laissais tomber le syndicat. C'est une activité par semaine et c'est encore le petit qui paye parce qu'il se fait garder pendant qu'on est là-bas… J'ai quand même le droit d'avoir des activités sociales à moi! (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

Tu sais, le sport c'est important pour moi alors s'il y a une rencontre ce soir là, bien puis que ce soir là je ne peux pas y aller, c'est sur que ça me dérangerait même si je sais que c'est pour le travail. Puis que c'est important mais les loisirs sont importants aussi. (Jeune femme impliquée)

5.1.3 La conciliation

Ce sont les jeunes hommes et les femmes d’expérience qui semblent le mieux parvenir à créer un espace pour les sphères importantes de leur vie.

Pour moi, mon premier rôle, ça va être parent, mon deuxième syndical, mon troisième travailleur. Si j'ai un choix à faire entre ma vie familiale et l'implication, je suis là pour défendre les gens, je suis là pour qu'il y ait de l'énergie, je n'y laisserai pas la mienne. (Jeune homme)

Oui, pour moi c'est important la vie professionnelle. C'est important car je me réalise là-dedans, mais je suis une mère et ça aussi, c'est important. Il doit y avoir un équilibre entre les deux. Puis ma vie personnelle aussi de femme, ça aussi, c'est un autre volet et il faut que j'ai du temps pour les trois. (Femme)

5.1.4 La maternité ou l’implication

L’image des femmes comme « mères d’abord » semble encore très présente. Toutefois, les changements à la réalité des femmes se font sentir dans les propos de nos répondantes et de nos répondants : il ne fait aucun doute qu’il est légitime d’avoir une carrière et de s’impliquer syndicalement, parce qu’on y croit et parce qu’on aime ça, mais… dès que les enfants ne sont plus d’âge scolaire! Quant aux jeunes femmes qui n’ont pas d’enfants, elles sont généralement considérées comme « n’ayant pas de contraintes à l’implication » et de ce fait, on ne s’attend pas à ce qu’elles soient épuisées par leur implication.

5.2 Le pouvoir, toujours la prérogative des hommes ?

Les personnes occupant une fonction élective voit le pouvoir comme une réalité nécessaire qui favorise l’action, mais qui peut être dangereuse lorsque le pouvoir devient le fait d’une seule personne et que les décisions ne sont plus prises en équipe.

Quand le syndicat devient plus fort que ses membres, un moment donné, il y a certaines personnes, comme dans n'importe quel milieu, qui sont imbues de pouvoir un petit peu. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

On est toujours à risque de mal utiliser ce pouvoir là. Mais en même temps, le pouvoir qu'on a, il repose aussi sur la confiance que nous ont donnée les gens pour les représenter et ça, pour moi, c'est précieux. (Femme)

Pour les jeunes femmes impliquées et pour les jeunes femmes non impliquées, le pouvoir c’est chercher à « tirer la couverture de son bord », ce qui peut être un facteur de non-engagement.

Tout le monde veut le meilleur, tout le monde tire sur son bout de couverture et essaie d'avoir le plus gros bout de la couverture. (Jeune femme impliquée)

Oui, c'est un jeu de pouvoir en quelque part. On se tiraille tout le temps, on tire notre bord de couverture. C'est ce qui ne m'attire pas aussi, je pense. (Jeune femme non impliquée)

5.2. 1 Les différences hommes / femmes

Ce sont les jeunes personnes occupant ou ayant occupé un poste électif qui parlent le plus des différences entre les hommes et les femmes dans la manière d’exercer le pouvoir. Toutefois, elles et ils émettent des réserves quant à leurs propres perceptions par rapport aux expériences vécues.

Au niveau du pouvoir, je ne le sais pas, est-ce qu'il y a une différence ? Possiblement qu'il doit y avoir une différence. C'est plus autoritaire des fois avec les hommes. Nous on va faire de la formation. Pis, je ne sais pas, on dirait que c'est plus en nous, on va plus chercher le consensus, tu sais, essayer d'amener les gens à penser comme nous. (Jeune femme occupant une fonction élective)

Je ne peux pas dire que les hommes ou les femmes ont plus de trips de pouvoir parce que autant j'ai vu des hommes dont la tête virait folle parce qu'ils avaient du pouvoir, autant j'ai vu des femmes faire ça. Il y a des différences dans la façon d'agir : une femme, ça restera toujours une femme, c'est plus sensible et maternelle, tandis qu'un homme, c'est plus rigide et viril. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

Les femmes d’expérience déclarent voir moins de différence entre les hommes et les femmes.

En tout cas, pour avoir travaillé avec des collègues masculins, je n'ai pas senti qu'il y avait des différences dans l'exercice du pouvoir, en tout cas avec les personnes avec qui j'ai travaillé. (Femme)

Peut-être que c'est en raison des personnes avec qui j'ai travaillé, beaucoup plus avec des femmes qu'avec des hommes, ou dans le milieu dans lequel je travaille, honnêtement je n'ai pas vu de différence. (Femme)

5.2.2 La persistance des vieux modèles

Les extraits en témoignent : les femmes sont encore perçues comme étant plus douces, plus maternelles, tandis que les hommes sont perçus comme étant plus autoritaires, plus directs. Et cela, malgré qu’on dise avoir connu plusieurs exemples allant à l’encontre de ce modèle, voire même avoir vécu essentiellement des situations qui contredisent ce modèle.

Cette persistance des stéréotypes ne favorise pas l’ascension des femmes dans la hiérarchie syndicale. Malgré les modèles moins centrés sur la lutte souhaités par certaines de nos répondantes et malgré l’accent mis par toutes et tous sur le pouvoir du collectif et sur les aspects « positifs » du pouvoir (action, justice, défense des droits), il semble que, pour la majorité, certaines fonctions syndicales – en particulier la négociation au niveau national – requièrent des habiletés qui seraient, selon le modèle dominant, essentiellement la prérogative des hommes.

5.3 Les freins et les incitations à l’engagement syndical

Au fil des entretiens, nos répondantes et nos répondants ont mentionné plusieurs éléments agissant comme moteur ou comme frein à l’implication syndicale. Les éléments saillants dans leur propos à cet égard concernent leur aisance à prendre la parole publiquement, ainsi que la lourdeur de la tâche syndicale.

5.3.1 La prise de parole publique

La démocratie syndicale appelle la discussion publique de ses idées, ce qui nécessite de s’exprimer parfois devant des grands groupes et de voir ses idées refusées. La prise de parole publique divise nos répondantes et répondants en trois groupes : celles et ceux pour qui la prise de parole publique n’est pas un problème et peut même être un plaisir, celles et ceux pour qui c’est un apprentissage et enfin, les personnes pour qui c’est à éviter à tout prix.

Quand j’arrive devant une assemblée, il n’y a pas grand chose qui me stresse, prendre la parole devant mes membres…

Le monde me dit que j’ai l’air à l’aise devant trois cent personnes dans la salle (Jeune femme occupant unefonction élective)

C'est sûr que c'est toujours un peu gênant, mais moi, je pense que pour le faire, il faudrait que je sois dans le milieu depuis un certain temps. (Jeune femme impliquée)

Dans un petit groupe, ça va bien, mais vraiment aller au micro et parler, ça demande vraiment pour moi un effort. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

La figure 2 illustre la place qu’occupe chacun des types de notre échantillon sur le continuum de la prise de parole publique.

Figure 2 – La prise de parole publique

En ce qui concerne le fait de voir ses idées rejetées, ici encore, les réponses peuvent être regroupées en deux grandes catégories. Pour les personnes occupant actuellement une fonction élective, le refus de leur proposition leur apparaît peu agréable, mais surtout, c’est ce qui motive la ou les personnes à refuser leur proposition qui semble importer.

C'est difficile parce que toi tu y mets ton cœur, tu es convaincue, mais je l'accepte. Il faut être capable de l'accepter mais par contre, il faut que le monde soit capable de me dire pourquoi. (Jeune femme occupant une fonction élective)

Je vais être amer si c'est par vengeance parce que quelqu'un pensait comme moi, mais en raison d’un conflit personnel, vient m'atteindre via ma proposition. (Jeune homme)

Même si ce sont celles qui voient le plus la prise de parole en public comme une épreuve, les jeunes femmes ayant abandonné une fonction élective et celles non impliquées syndicalement semblent accepter la critique plus facilement.

Je pense que tout le monde, tout le monde fait des erreurs, mais si tout le monde garde ses idées, de peur qu'elles soient rejetées, bien on n'avance pas. Non, ça, ça ne me dérangerait pas. (Jeune femme non impliquée)

Je n'ai pas de problèmes avec ça. Ça m'est déjà arrivé, puis des critiques ça peut être très constructif. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

5.3.2 La lourdeur de la tâche

Les représentantes et les représentants mentionnent la lourdeur de leur tâche comme le premier désavantage de leur fonction. Concrètement, cette lourdeur se traduit par l’accomplissement de nombreuses activités, par le manque de temps pour toutes les mener à bien et par le sentiment d’être pris dans l’engrenage de l’engagement.

C'est des longues heures, beaucoup de travail le soir ou même la fin de semaine. (Jeune femme occupant une fonction élective)

Il n’y a plus de temps, il n’y a plus de temps. C’est de la folie! Je pense que les inconvénients, c’est ça. (Jeune femme occupant une fonction élective)

La lourdeur ne se mesure pas uniquement en termes du temps investi ou du nombre de tâches à effectuer; elle émane aussi du stress et des responsabilités liées à la fonction. Chez celles et ceux qui occupent des fonctions électives, l’épuisement se manifeste éventuellement. Un épuisement que certaines et certains parviennent à endiguer en devenant moins perfectionniste, en lâchant prise.

J'ai été obligée d'arrêter, je n'étais plus capable, mais plus capable dans aucune sphère. Pis, en grosse partie le syndicat m'a vraiment grugée beaucoup, beaucoup, beaucoup… (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

La responsabilité que tu as en tant que représentant syndical, les gens ne se rendent pas compte, c'est épouvantablement stressant parce que justement tu as tout le temps peur de passer à côté d'un échéance, tu as peur de ne pas avoir vu quelque chose, de ne pas avoir défendu adéquatement quelqu'un, tu as du stress parce que tu as des échéances impossibles à tenir, tu es souvent à l'extérieur et quand tu es à l'extérieur, ben, le travail ne se fait pas ici. Tu reviens, tu es deux fois plus dans le jus. (Jeune femme occupant une fonction élective)

Enfin, la surtâche semble parfois prise pour acquise, comme un phénomène normal et attendu de l’implication syndicale.

Quand tu décides de le faire, c'est beaucoup d'implication. Quand tu décides de t'impliquer, c'est parce que tu es prêt à mettre du temps. C'est sûr que c'est des rencontres le soir, mais quand tu décides de prendre ce rôle-là, tu décides de le prendre, alors pour moi ce n'est pas vraiment des inconvénients. (Jeune femme impliquée)

Je n'ai pas trop de difficultés. Quand je me suis embarquée, je savais que ça impliquait ça. (Femme)

5.3.3 La pression sociale

Le manque de reconnaissance et le regard des autres pas toujours favorable à l’investissement syndical accentuent la lourdeur de la tâche. Ce regard provient tant de personnes externes au syndicat que des membres ou des élus.

C’est difficile parce que tu as le regard de tes membres, tu as toujours des insatisfaits, puis des gens qui s’imaginent que tu es au syndicat pour te graisser la patte ou parce que toi, c’est cool, tu es libérée de ton travail. (Jeune femme occupant une fonction élective)

Quand tu dis que tu es présidente de syndicat, le monde a comme un petit mouvement de recul. Ça peut être mal perçu dépendamment sur qui tu tombes, mais de façon générale, quand tu dis que tu es présidente de syndicat ou que tu es officier syndical, ça ne passe pas toujours bien. (Jeune femme occupant une fonction élective)

5.3.4 Les valeurs

La question des valeurs associées à l’implication syndicale traverse le discours de nos répondantes et répondants. Les valeurs sont nommées pour décrire l’action syndicale ou pour exprimer les écarts de perception entre les personnes impliquées syndicalement et celles qui ne le sont pas. Par exemple, nombre de nos répondantes et répondants mettent en opposition individualisme et collectivisme. Si l’individualisme est souvent présenté comme l’une des tares de nos sociétés modernes, paradoxalement, la nécessité de penser à soi, d’avoir du plaisir et d’atteindre des objectifs personnels grâce à l’implication syndicale est aussi fréquemment mise de l’avant. Les valeurs sont évoquées aussi comme source de motivation et parfois de démotivation pour nos répondantes et répondants qui justifiaient l’implication syndicale par des intérêts personnels. De l’avis de plusieurs, le plaisir est un élément qui est motif d’engagement et de poursuite.

Je suis en période de réflexion, mais une chose est sûre, c'est que présentement ça me sert et ça peut me servir plus tard. (Jeune homme)

C'était un besoin d'être impliquée puis d'être capable de faire quelque chose, que ça fasse du bien et ça voudrait dire que je suis bonne. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

Je pense que ça prend… comment je pourrais dire ça… du plaisir à faire ce que tu fais. Parce que si je n'avais pas de plaisir à faire ce que je fais, ce serait trop lourd à porter. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

C'est toujours un plaisir pour moi de venir, malgré que je fais soixante-dix heures par semaine des fois. Parce que ça m'a apporté beaucoup. (Femme)

Les premiers objectifs collectifs de l’implication syndicale sont de prévenir les abus, prendre soin des membres et se doter d’une force collective. Cette implication est ensuite recadrée dans une perspective sociale plus large.

J'ai vite compris que c'est ensemble qu'on faisait la force des choses et que mes besoins à moi peuvent être différents de ceux de la personne à côté, mais il faut que je m'en occupe aussi si après je veux quelle s'occupe des miens. J'ai eu une conscience disons collective. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

Au travers des relations de travail, c’est des questions d’équité et de justice qui se posent. Ç’a été mon leitmotiv (Femme)

Nos répondantes et répondants critiquent l’individualisme « moderne » en faisant la comparaison entre le syndicalisme d’avant, des militantes et militants des « premières heures », et celui d’aujourd’hui. Les jeunes femmes occupant ou ayant abandonné une fonction élective étant les plus critiques à cet égard.

Les plus vieux, ils étaient plus rassembleurs. On va leur rentrer dedans, ça va leur faire mal et ils vont comprendre tandis que les plus jeunes, c'est plus individualistes : « J'ai ma petite famille, ma petite maison, ma petite auto, mon petit ci, mon petit ça. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

5.3.5 La culture de l’engagement

 

Les valeurs sont aussi au cœur d’un discours sur les pratiques syndicales et sur la « culture de l’engagement », des principes qui fondent l’engagement syndical. Une certaine ambiguïté ressort toutefois des propos : nos répondantes et répondants voudraient à la fois que l’implication syndicale puisse se faire à petites doses, pour certains dossiers qui les intéressent plus particulièrement, mais en même temps, les attentes à l’égard des représentantes et des représentants sont extrêmement élevées. Une fois dans l’engrenage, il semble difficile de maintenir une implication « dosée ».

Quand je regarde la façon dont l’instance intervient et des fois traite ses élus exécutifs, ils n’ont pas place à l’erreur, ils n’ont pas le droit à l’erreur. Les exigences sont très, très, très élevées, alors c’est tout à fait incohérent avec l’idée de faire place à la relève parce que tu ne peux pas demander à un jeune, à quelqu’un qui a moins d’expérience d’aller prendre un poste comme ça et en même temps lui dire : « Tu n’as pas le droit à l’erreur… » (Femme)

Les freins et les incitations de l’implication syndicale s’articulent autour d’une « culture de l’engagement » étroitement imbriquée aux dynamiques relationnelles dans lesquelles se retrouvent nos répondantes et nos répondants. Les valeurs se construisent sous le regard des autres – qu’il s’agisse de l’entourage proche, des collègues, des membres de la base, voire « le monde » en général.

5.4 Les réseaux personnels, garants du soutien social ?

Nos répondantes et répondants sont encastrés dans des réseaux composés de personnes qui partagent ou non leurs vues sur le syndicalisme et sur l’implication sociale ou politique. Certains membres de ces réseaux personnels leur apportent du soutien, mais pas toujours.

5.4.1 L’espace de discussion dans le milieu d’origine

Chez les personnes impliquées syndicalement, les discussions sur la vie sociale, politique ou syndicale ont été très présentes dans le milieu familial durant l’enfance et la jeunesse. Bien que pas toujours favorables aux syndicats, les milieux étaient généralement favorables à l’implication sociale ou politique.

Chez nous, beaucoup, beaucoup de politique. Même jeune, moi, j'avais hâte d'aller voter, j'avais hâte d'avoir dix-huit ans pour pouvoir enfin aller voter. Mes parents ont toujours été impliqués. (Jeune femme occupant une fonction élective)

Mes oncles ont fait la guerre de l'Alcan. Ça c'est un élément très important, c'est des gens qui m'ont éveillé vite. (Jeune homme)

Mon père est représentant d’un parti, puis à chaque année, il me sollicite. (Femme)

Un bémol à cette vision est apporté par les jeunes femmes ayant occupé des fonctions électives et les ayant abandonné. Si les discussions avaient lieu ou si l’implication était valorisée, ce n’était toutefois pas pour elles.

C'est arrivé souvent que, et même en étant plus vieille, dix-sept, dix-huit, dix-neuf ans, que mes parents disent : « C'est une discussion d'adultes, va jouer ailleurs! » (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

Mon père a été représentant syndical longtemps dans son milieu. Il se dit : « Oui, je trouve ça correct, mais tu aurais peut-être pu attendre et faire ta famille et continuer ta vie et quand les enfants vont être plus vieux, ben là, trouver une autre activité, puis ce sera le syndicat. » (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

Enfin, chez les jeunes femmes non impliquées syndicalement, le milieu familial ne semble pas avoir fait une grande place aux dimensions sociale, politique ou syndicale.

Comme je l’ai dit déjà, dans l’école, ce n’est pas très, très fort ce sentiment là, puis dans ma famille, c’est la même chose. Ce n’est pas très fort non plus le besoin finalement de syndicalisme puis de défendre. (Jeune femme non impliquée)

5.4.2 L’opinion de l’entourage au sujet des syndicats

Deux grandes configurations se dégagent de nos résultats quant à la façon dont l’entourage de nos répondantes et répondants perçoivent le syndicat et l’implication sociale et politique. Dans le premier cas, chez les personnes occupant une fonction élective, on trouve dans l’entourage des personnes plutôt positives à l’égard des syndicats et de l’implication sociale et politique en général.

Je suis capable de parler de ça avec mon père et il va comprendre. Il est pour ça. (Jeune homme)

Mon père, il est passé du côté des patrons. Un transfuge! Il a toujours eu un grand respect pour les syndicats. Chez nous, ce n’était pas vrai que les syndicats, c’étaient des maudits pas fins. Non, ça n’a jamais été comme ça. On a toujours été plus pro-travailleurs chez nous. (Jeune femme occupant des fonctions électives)

Je pense qu’en général autour de moi, c'est au niveau de la famille, des amis, au niveau social, c'est essentiel je pense, car personne ne remet en cause le milieu syndical. (Femme)

 

Dans le second cas, pour les jeunes femmes ayant abandonné leur fonction syndicale, les jeunes femmes impliquées et celles non impliquées syndicalement, l’attitude de l’entourage à l’égard des syndicats ou de l’implication sociale ou politique est mitigée.

Mes amis, ils sont comme moi, c'est des militants, évidemment. Ma famille, ce n'est pas des militants, ils ne sont pas syndiqués. Il y a des choses qu'ils ne comprennent pas et il y a des choses où ils sont jaloux, complètement jaloux. (Jeune femme ayant abandonné des fonctions électives)

5.4.3 La perception de l’implication des répondants par l’entourage

Pour les femmes et les hommes occupant une fonction élective et pour les femmes impliquées, quelle que soit l’opinion de l’entourage sur le syndicat, on approuve ou « reconnaît » la pertinence de l’implication :

Ils sont tous convaincus que je suis à ma place. (Jeune femme occupant des fonctions électives)

Mes amis proches, ils sont conscients que c'est riche d'expériences et de connaissances. (Femme)

Mais les gens savent que j'aime ça et ils m'encouragent parce que j'aime ça. (Jeune homme)

À l’opposé, pour les jeunes femmes ayant abandonné des fonctions électives, même un regard favorable sur l’implication syndicale ne constitue pas une acceptation de leur implication :

Il [mon père] était représentant syndical dans son milieu, alors il comprend que ça peut être lourd; il ne comprend pas que j'aie fait ce choix-là en étant aussi jeune. (Jeune femme ayant abandonné des fonctions électives).

C'est sûr que mon conjoint quand j'arrive à dix heures le soir et qu'il me voit fatiguée, c'est sûr qu'il me dit : « J'espère que ça valait la peine. » (Jeune femme ayant abandonné des fonctions électives)

5.4.4 Le soutien perçu

Toutes les répondantes ont affirmé recevoir du soutien de leur entourage, qu’il s’agisse de soutien émotif, de services rendus, de prêts d’argent, de compagnonnage, d’apport d’information ou de soutien dans le milieu du travail.

 

J'ai un mari exemplaire qui en fait à peu près quatre fois plus que moi, qui a un horaire plus constant et plus stable que le mien, ça fait qu’il prend la relève régulièrement. (Jeune femme occupant une fonction élective)

La gardienne des enfants au quotidien, c'est ma belle-sœur, c'est leur tante. C'est ma mère qui assume les fins d'après-midi et souvent qui prépare le souper avant que j'arrive. Oui, je suis bien entourée et c'est un facteur qui me facilite les choses. (Femme)

C’est au niveau de l’importance du soutien et de la manière dont il est organisé que se révèlent des différences dans notre échantillon. Par exemple, les jeunes femmes ayant abandonné des fonctions électives déclarent moins de personnes de leur entourage comme étant susceptibles de leur apporter du soutien émotif et elles ont en commun avec les hommes de ne pas recevoir de soutien émotif de personnes de leur milieu de travail (voir la figure 3). Les hommes de notre échantillon parlent peu du soutien qu’ils reçoivent, bien qu’ils aient identifié des personnes de leur entourage susceptibles de leur apporter du soutien.

Soutien émotif - Jeune femme ayant abandonné une fonction élective

Soutien émotif – Jeune homme

Soutien émotif – Femme

Soutien émotif – Jeune femme occupant une fonction élective

Figure 3 – Réseaux de soutien émotif[13]

Pour la majorité des répondantes et des répondants, le milieu de travail offre beaucoup de soutien, celui-ci venant surtout des collègues. De plus, le travail d’équipe est une constante pour les personnes impliquées ou occupant une fonction élective.

Mes collègues, on travaille beaucoup ensemble, on a beaucoup d'échanges. Je sais que je peux compter sur eux et ça, c'est important. Il n'y a personne qui va me laisser seule dans les ennuis. (Jeune femme occupant une fonction élective)

Mon entourage, mon organisation locale m'aide énormément (Jeune homme)

Au niveau du travail, c'est toute une équipe. Au niveau de l'entourage et de l'équipe, on est très bien outillé. (Femme)

Le soutien des supérieures et supérieurs semble cependant plus rare du point de vue des jeunes femmes non impliquées et de celles qui ont abandonné une fonction élective. Ce n’est pas le cas de nos autres répondantes et répondants qui semblent avoir développé des relations de confiance avec leurs supérieures et supérieurs, dont elles et ils obtiennent du soutien.

Moi, j'ai appris à ne plus me fier à la direction pour me soutenir plus qu'il le faut. (Jeune femme non impliquée)

Mais je te dirais que mon directeur, il a confiance en moi (Jeune homme)

 

Les jeunes femmes ayant abandonné une fonction élective soulignent aussi de façon marquée le manque de reconnaissance de « la base » à leur égard.

Mais, un moment donné, c'est trop. Il y a plein de monde qui chiale et qui ne sont pas là. Plus tu as de dossiers, plus tu aurais besoin d'un coup de main.

Et là, tu réalises à quel point les gens ne sont pas là. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

5.4.5 Les différentes sphères du réseau

Nous avons demandé aux répondantes et répondants si elles et ils considéraient avoir des réseaux très distincts pour chacune des sphères de leur vie (travail, famille, loisir) ou si les mêmes personnes se retrouvaient dans ces différentes sphères.

Les personnes occupant actuellement une fonction élective ou étant impliquée tendent à avoir des réseaux de relations qui s’imbriquent les uns aux autres.

Ma meilleure amie, elle est professeure. Alors oui, il y a une certaine relation entre les trois sphères : syndicat, vie sociale, enseignement. (Jeune homme)

Il n'y a pas de frontières étanches entre ma vie professionnelle, mes amis, mes loisirs puis ma vie

familiale. Il y a des liens entre tout ça. (Femme)

Ce ne semble pas être le cas des jeunes femmes ayant abandonné une fonction élective et des jeunes femmes non impliquées, pour qui les différents réseaux sont plus nettement séparés.

Ma famille, c'est ma famille. Bon, c'est sûr qu'on a des activités, mais au niveau travail, c'est au niveau travail et tout ça, ça ne se mélange pas. J'ai des contacts comme ça… Mais je n'ai pas nécessairement des collègues de travail avec qui je vais aller prendre une bière. (Jeune femme ayant abandonné une fonction élective)

Les personnes occupant une fonction élective nous ont dit que leur réseau d’amitié s’était modifié au fil du temps pour ne plus inclure, pour l’essentiel, que des personnes qui partageaient leurs vues.

Il y en a qui sont devenus des amis parce que je les ai rencontrés en m’impliquant. Les amis que j’ai à l’extérieur de ça, ça va être mes vieux chums, mais les nouveaux amis, en vieillissant, c’est soit du monde impliqué, soit du monde enseignant ou les deux. (Jeune femme occupant une fonction élective)

Si je veux être ami avec quelqu'un, mais que c'est quelqu'un qui n'a pas les mêmes valeurs que moi, je ne me tiens pas avec. Les valeurs se regroupent aussi et le syndicalisme, c'est une valeur, alors il y a une fusion de tout ça. (Homme)

5.4.6 Le soutien et le regard des autres

Le soutien des proches – amitiés, familles, collègues – est ressenti et apprécié par nos répondantes et répondants. Dans notre échantillon, l’absence de soutien émotif dans le milieu de travail est ce qui distingue surtout les jeunes femmes ayant abandonné des autres jeunes femmes impliquées syndicalement.

Les études sur les réseaux des hommes et des femmes dans les organisations ont montré que les réseaux affectifs des femmes étaient souvent distincts de leurs réseaux instrumentaux. Ce phénomène, qui peut constituer l’une des barrières à l’avancement de leur carrière, a cependant comme avantage de leur offrir généralement un bon soutien affectif en milieu de travail. Les jeunes femmes ayant abandonné un poste électif ne semble donc pas bénéficier de cet atout. De plus, elles reçoivent peu de soutien de leur supérieures et supérieurs, contrairement à ce qui semble se produire pour les autres personnes impliquées syndicalement. Dans l’ensemble, pour les jeunes femmes qui ont abandonné des fonctions électives, le milieu de travail leur apparaît moins soutenant.

Toutefois, et ça paraît plus important, le regard que les autres posent sur l’implication de la personne et, en ce sens, la reconnaissance et l’approbation des autres, peuvent être comprises comme des formes de soutien. Dans le contexte qui nous occupe ici, ce sont d’abord les proches qui considèrent la personne « à sa place », qui reconnaissent ses choix comme pertinents pour elle, sinon dans l’absolu. Se sentant reconnu, il devient sans doute plus facile de demander de l’aide, d’exprimer ses insatisfactions, de verbaliser sa fatigue, en d’autres termes de sentir la « légitimé » de vivre ce que l’on vit. On l’a vu, les personnes ayant abandonné un poste électif ne bénéficient pas beaucoup de ce type de soutien.

Le regard des membres, c’est-à-dire des personnes pour lesquelles on se dévoue lorsqu’on s’implique syndicalement, est aussi important pour nos répondantes et répondants, mais ce sont surtout les jeunes femmes ayant abandonné une fonction syndicale qui nous ont dit souffrir du manque de reconnaissance de la base.

6. Discussion

Nos répondantes et répondants ont été généreux de leurs propos et confidences et déjà la présentation organisée des principaux résultats éclairent certaines différences, en particulier entre les jeunes femmes ayant abandonné une fonction syndicale et les personnes actuellement en poste.

En nous aidant de la revue de la littérature, nous avons dégagé des propos de nos répondantes et répondants trois grandes configurations qui, tout en s’appuyant sur les connaissances acquises antérieurement, jettent un éclairage nouveau sur la faible représentation des jeunes femmes aux postes syndicaux électifs. La première configuration – d’abord une mère – rejoint surtout les jeunes femmes. La seconde configuration – le pouvoir : discours et pratiques – touche l’ensemble des femmes, et la troisième – la dissonance relationnelle – concerne particulièrement les jeunes femmes ayant abandonné un poste électif.

6.1. D’abord une mère

Il se dégage de nos entrevues une croyance très forte au fait que les enfants d’âge préscolaire ont besoin de leur mère et que ce sont les enfants qui « payent » pour l’engagement de celle-ci. Cette croyance partagée par plusieurs de nos répondantes et répondants semble l’être aussi par des membres de leur entourage. Ceci nourrit un sentiment de culpabilité contre lequel les conditions mises en place par le syndicat (comme de payer la gardienne, les déplacements et les repas, etc.) ne peuvent pas grand chose. Le problème, ici, c’est le temps : tout le temps donné à l’implication syndicale est « volé » aux enfants.

De l’avis de nos répondantes, les mesures mises en place par leur organisation syndicale pour faciliter la conciliation entre le travail et la famille sont aidantes. Aucune mesure ne peut cependant lutter à armes égales contre la représentation sociale du rôle de la mère d’enfants d’âge préscolaire. Ce constat appelle une question qu’il vaudrait la peine d’explorer : doit-on travailler à modifier cette représentation sociale ?

Il y a aussi pour les mères – et il y a sans doute pour les pères – un plaisir à investir plus intensément la sphère familiale lorsque les enfants sont très jeunes. Si le syndicat a un rôle à jouer à cet égard, c’est sans doute beaucoup dans la défense de conditions de travail qui ne pénalisent pas les parents qui font ce choix et dans la réflexion sur une vision des priorités à mettre de l’avant lorsqu’une personne choisit de s’impliquer syndicalement.

6.2 Le pouvoir : discours et pratiques

Ce que nous ont dit nos répondantes et nos répondants sur le pouvoir et, surtout sur la différence entre les femmes et les hommes, rejoint les conclusions que l’on peut tirer de la revue de la littérature : il y a un écart entre ce que l’on croit et ce que l’on voit ou fait. Ce qui étonne peut-être le plus, c’est que ce sont les personnes les plus jeunes qui sont surtout porteuses de ce modèle. Les femmes plus âgées de notre échantillon sont beaucoup plus nuancées à cet égard, même si elles ont tendance à expliquer l’absence de différence entre les hommes et les femmes par la culture collective particulière du milieu syndical.

Nos entrevues – dont l’objectif n’était pas d’explorer les dynamiques de pouvoir – ne nous offrent guère de pistes pour comprendre les facteurs qui contribuent au maintien du modèle dominant. Il est plus que probable qu’un tel phénomène déborde largement le contexte du milieu syndical. De tels modèles du pouvoir, surtout en lien avec les représentations des hommes et des femmes, se construisent au fil des expériences de la vie, une construction qui s’amorce dès la petite enfance, se poursuit dans le milieu scolaire, puis dans le monde du travail. Elle est renforcée par les médias et reproduit au cœur des réseaux personnels.

La piste de solution ici serait donc plus de l’ordre de la recherche – le milieu syndical, qui questionne déjà les rapports de pouvoir dans la société est un terreau fertile pour explorer cette question.

6.3 La dissonance relationnelle[14]

La configuration de la dissonance relationnelle émerge de l’interaction des facteurs relatifs à l’entourage et aux valeurs. L’entourage joue un rôle fondamental lorsqu’il est question de s’impliquer syndicalement et, surtout, de briguer des fonctions électives. La lourde tâche des représentantes et représentants syndicaux, les responsabilités qu’elle comporte, les tensions qu’elle génère et l’investissement personnel qu’elle exige est plus facile à supporter lorsque l’entourage offre du soutien. Ce soutien cependant est plus aisément offert par des personnes qui partagent les mêmes valeurs et, surtout, qui perçoivent favorablement l’implication de la personne.

Plusieurs nous ont affirmé avoir modifié leur réseau, abandonnant des amitiés qui ne partageaient par leurs vues en faveur de personnes plus proches d’elles idéologiquement.

Le réseau personnel des personnes qui maintiennent leur engagement dans la vie syndicale est dense – les membres de l’entourage se connaissent entre eux et les différentes sphères de la vie s’interpénètrent. On constate aussi que le développement d’amitiés dans le cadre de son implication syndicale semble favoriser le désir de maintenir cette implication malgré son coût souvent élevé en travail et en stress. Par contraste, chez les jeunes femmes ayant abandonné une fonction élective, le réseau est plus étendu[15] et plus spécialisé selon les différentes sphères.

Étonnamment, cette configuration du réseau personnel rejoint une configuration assez souvent rencontrée (Blanchet, 1992; Carpentier et White, 2001; Lévesque et White, 2001; Wellman et Gulia, 1990; Wellman et Wortley 1990) ; des recherches indiquent même qu’un réseau étendu serait plus favorable pour la santé des personnes, faciliterait leur adaptation et les aiderait à mieux saisir la complexité de réalités qui leur sont étrangères, car ces réseaux sont composés de personnes qui sont susceptibles d’avoir des valeurs et des manières de voir le monde différentes (Blanchet, 1992; Cohen, Brisette, Skoner et Doyle, 2000; Coser, 1975; Granovetter 1982; Lévesque et White, 2001; Saint-Charles, Mongeau et Biron (sous presse); Wellman et Wortley 1990).

Faudrait-il donc, en termes de recommandations, favoriser les activités sociales à l’intérieur du syndicat afin de créer des espaces propices à la création de liens d’amitié ? Cette stratégie serait sans nul doute efficace, mais elle risquerait d’avoir un effet pervers : la reproduction et le maintien d’une « culture de l’engagement » où le dévouement à la cause justifie les longues heures de travail, le stress et les stratégies pour endiguer l’épuisement.

Une meilleure piste de solution pour briser le cercle vicieux (ou vertueux) de cette configuration nous est donnée par les jeunes femmes ayant abandonné leur fonction élective. Des jeunes femmes que nous avons peut-être nommées de manière inappropriée; en effet, ce que nous avons appelé abandon, ressemble plus, dans leurs discours, à un arrêt, à une pause. Pour elles, l’implication syndicale n’est pas terminée, mais elle a changé de forme; elle occupe moins de place dans leur vie. Cela va aussi dans le sens de ce que nous ont dit celles et ceux qui ont reconnu avoir eu des moments d’épuisement importants : nuancer, limiter son implication, faire plus de place à autre chose.

Enfin, Quéniart et Jacques (2001) parlent d’un mode d’implication des jeunes plus « sectoriel », ce qui n’est pas sans rappeler les ambiguïtés entre « implication pour soi et individualisme » et « dévouement pour le collectif » qui se dégagent des propos de nos répondantes et répondants. Le discours syndical pourrait peut-être faire une place plus grande, voire légitimer, une forme d’implication qui soit justement plus sectorielle et éventuellement plus près des intérêts des individus qui favoriseraient l’implication d’un plus grand nombre.

7. Conclusion

D’autres recherches que la nôtre avaient déjà mis en évidence certains facteurs qui sont ressortis de nos résultats. La contribution principale de cette recherche repose surtout sur la combinaison de ces facteurs et sur l’attention portée au rôle de l’entourage dans le contexte de l’implication syndicale des jeunes femmes. L’originalité de notre recherche s’incarne dans notre approche par les réseaux et par l’observation des dynamiques relationnelles.

Cette recherche sur l’implication syndicale des jeunes femmes nous a permis de mieux comprendre les dynamiques à l’intersection entre travail et militance. En regardant au-delà du simple soutien social apporté aux jeunes femmes par leur entourage, notamment en détaillant et qualifiant ce soutien par rapport au syndicat et par rapport à l’engagement de nos répondantes et répondants, nous avons pu réfléchir autrement aux questions de santé relationnelle. Dans les réseaux étudiés, ce n’était pas le nombre de liens qui constituait une richesse pour égo, mais bien les regards favorables posés par les autres sur l’implication d’égo, et surtout, l’intersection de tous ces regards.

Cette recherche a bien sûr ses limites – la première étant en même temps sa force : l’approche qualitative avec un échantillon typique ne permet pas de généraliser les résultats, mais elle a permis d’approfondir notre compréhension et de proposer des modèles sur lesquels d’autres recherches pourront s’appuyer. L’avantage de l’échantillon typique est qu’il permet de mieux cibler la recherche et qu’il assure que les personnes rencontrées sont celles qui vivent la situation qui nous concerne. Sa limite est dans le choix de l’échantillon; la sélection de personnes typiques n’est pas simple. Dans cette recherche, ce sont les personnes du milieu qui ont sélectionné les participantes et participants.

Une autre limite apparaît inhérente aux choix que nous avons faits : en privilégiant une approche complexe de la situation, les pistes de solution que nous proposons ne sont pas nécessairement faciles à appliquer et exigent réflexion.

En somme, cette recherche ouvre la porte à la réflexion sur des manières différentes de militer non seulement pour les jeunes femmes, mais pour tout le monde en général. La piste de la militance sectorielle mérite d’être explorée. Ce phénomène ne doit pas être vu comme le fait des jeunes, femmes ou hommes, mais plus comme le fait d’une époque. Notre recherche est un jalon vers une meilleure compréhension des réalités humaines et sociales actuelles et vers des interventions qui contribueront à améliorer ces réalités.

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Notice biographique

Johanne Saint-Charles :

Professeure au Département de communication sociale et publique et directrice du Centre de recherche interdisciplinaire sur la biologie, la santé, la société et l’environnement (CINBIOSE) à l’Université du Québec à Montréal, elle est aussi membre de l’Institut de recherche et d’étude féministes. Elle a développé une expertise dans l’étude des dynamiques relationnelles, en particulier dans les groupes et les réseaux humains. Ses recherches sont menées dans une perspective écosystémique de la santé et du bien-être humain qui favorise les recherches interdisciplinaires en collaboration avec les actrices et acteurs du milieu et qui prend en compte les inégalités sociales et de genre.

Marie-Ève Maillé :Étudiante au doctorat conjoint en communication à l’Université du Québec à Montréal et membre étudiante du Centre de recherche interdisciplinaire sur la biologie, la santé, la société et l’environnement (CINBIOSE). Ses intérêts de recherche portent sur l’information et le pouvoir dans les conflits environnementaux, l’analyse de réseaux et la communication scientifique.

Danielle Bélanger :Professionnelle de recherche elle a œuvré au sein de plusieurs groupes de recherche, particulièrement en communication et dans le domaine de la santé.


 

 

[1] Voir http://www.csq.qc.net/

[2] De l’anglais « Glass ceiling » – expression utilisée d’abord par Morrison, White et Van Velsor (1987).

[3] C’est-à-dire le « sexe social » (Delphy, 1991; Unger, 1992).

[4] Ces propos sont aussi tenus par des hommes au sujet des femmes.

[5] Le fait de s’associer à des personnes qui nous ressemblent.

[6] Identifiées dans les résultats comme « Jeune femme occupant une fonction élective »

[7] Identifiées dans les résultats comme « Jeune femme ayant abandonné une fonction élective »

[8] Identifiés dans les résultats comme « Jeune homme »

[9] Identifiées dans les résultats comme « Femme »

[10] Identifiées dans les résultats comme « Jeune femme impliquée »

[11] Identifiées dans les résultas comme « Jeune femme non impliquée »

[12] L’analyse de contenu a été en partie réalisée à l’aide du logiciel Sémato : Pierre Plante, Lucie Dumas et André Plante, Sémato, http://fable.ato.uqam.ca/guidexpert-ato/gea.asp, UQAM.

[13] Dans la figure 3, les ronds représentent des femmes et les carrés, des hommes. Le rouge représente les membres de la famille; le bleu, les amitiés; le gris, les collègues de travail; le noir, les gens qui sont à la fois collègues et amis, et le rose, un soutien professionnel.

[14] L’expression « dissonance relationnelle » est inspirée de la théorie de l’équilibre de Heider (1946).

[15] L’étendue combine la taille, la densité et l’hétérogénéité du réseau. Une hétérogénéité relativement élevée, une assez grande taille, de même qu’une densité plutôt faible sont indicateurs d’un réseau étendu.

labrys, études féministes/ estudos feministas
janvier/juin 2008-janeiro/junho 2008