labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet/ décembre 2008 -julho/dezembro 2008

L' excision en France

Linda Weil-Curiel

Résumé

Les mutilations sexuelles n'épargnent pas les fillettes des communautés africaines en France. Trop longtemps tolérées, au nom du respect des différences culturelles, elles sont désormais jugées comme crimes. Témoignage d'une avocate, engagée depuis 25 ans dans la lutte contre l'excision. Longtemps, La France a tout ignoré de La pratique de l'excision. Ce n'est que vers la fin des années 1970, lorsque le regroupement familial a été facilité et a pris de l' ampleur, que, par l'arrivée en France de nombreuses femmes afri­caines rejoignant des époux souvent polygames, La question s'est posée. Hormis quelques spécialistes ou personnes ayant vécu en Afrique, l' excision était une pratique totalement inconnue. Pour le commun des Français, une coutume aussi cruelle, consistant en l'ablation du clitoris et des petites lèvres du sexe féminin au moyen d'une lame de rasoir ou d'un couteau (sans mentionner les variantes plus sévères), était tout simplement inconcevable. C'est en tant qu'avocate féministe que j' ai été saisie de ce problème à la suite de la mort d'un bébé de trois mois, et que j' ai été amenée à plaider plus de trente affaires devant la cour d' assises.

Mots-clé: excision, mutilation sexuelle, communautés africaines, France

En France, les procès dits d' excision ont suscité des polémiques violentes et engendré des débats posant la question du relativisme culture1, revenu d'ailleurs sur le devant de la scène publique ces derniers temps avec la question du voile islamique. Aux yeux des nombreux détracteurs des procès, français comme africains, ces actions en justice stigmatisaient une population respectueuse de ses coutumes et ignorante de l'interdit légal. Nous enten­dions fréquemment dire qu'il était scandaleux de juger des mères, elles-mêmes victimes de l'excision et d'une pres­sion communautaire qui leur ôtait toute liberté d'action.

11 était aussi souligné l' absence de volonté de nuire à leur enfant. Rares sont ceux qui ont mis en avant la défense des petites filles, futures citoyennes françaises et européennes. que la pratique de l'excision allait exclure d'une manière intime, secrète, empreinte de honte, de la société des femmes libres de leurs corps. Malgré leurs réticences, qui se sont exprimées des les premiers procès au début des années 1980, les militantes africaines de Paris admettent aujourd'hui que ces procès ont été sinon déterminants, du moins essentiels, pour la quasi-disparition de l'excision à Paris et en Seine-Saint-Denis.

L' expérience montre que:

-I' excision est dépourvue du caractère rituel et initia­tique qui lui est prêté puisqu' elle est pratiquée sur des nourrissons ou des enfants en très bas âge, qui en grandis­sant ignorent le plus souvent qu'elles ont été mutilées car les parents ne leur expliquent rien ;

-I'excision procède d'une volonté de marquage des enfants afin de les ancrer dans la société des parents, et cela malgré Ia connaissance répandue de I'interdit légal. Or les enfants nées et éduquées en Europe ont des aspirations dif­férentes : la tradition des parents n'est pas la leur.

 

Faire prendre conscience de I'atrocité de I'excision

Les familles africaines concernées par les affaires judi­ciaires en France appartiennent aux groupes ethnique~ soninkés, bambaras, malinkés et peuls et viennent surtout du Mali, du Sénégal, de La Mauritanie, de La Gambie et de La Guinée. La nationalité n'est cependant pas toujours significative, les populations migrant souvent d'un pays à l'autre. Elles sont en majorité musulmanes et invoquent pêle-mêle, la coutume, la tradition ou la religion pour jus­tifier l'excision. Plus prosaïquement, j'ai relevé que les hommes interrogés ne font pas mystère de ce que « l'exci­sion calme les femmes et assure l'homme de leur fidélité ». Les femmes soutiennent généralement, quant à elles, que l' excision permettra à leur fille de se marier. C' est cela qu'elles signifient lorsqu'elles disent qu'elles ont excisé l'enfant pour son bien, or l'union à venir est décidée le plus souvent sans le consentement de la promise, dans le cadre de La famille élargie[1]

Les procédures ont été engagées contre les familles et également contre les exciseuses. Qui sont-elles? Pour l'essentiel, des femmes d'un certain âge qui ont été initiées. Dans certaines régions d' Afrique, elles appartiennent à la caste des forgerons, habilités à travailler le métal. Elles remplissent une fonction sociale pour laquelle elles per­çoivent une rémunération, bien plus élevée en France qu'en Afrique, et des cadeaux. Leur nom circule par le bouche à oreille. Toutefois, nous avons vu des cas de femmes . s'improvisant exciseuses pour des raisons purement financières. Mais au début des affaires d'excision, la loi du silence était telle qu'il était impossible d'obtenir des familles le nom de la femme qui avait « opéré ».

Faut-il rappeler que La souffrance de l'excision est insup­portable et que le choc subi peut être mortel ? Que même lorsque l' excision est cicatrisée, les victimes ont à subir des effets très handicapants? Les conséquences les plus fré­quentes sont les infections urinaires à répétition, les douleurs persistantes dues à la section d'une zone richement innervée et à la formation de cicatrices fibreuses (au point parfois de ne pas supporter le frottement des sous-vêtements ou de ne pas pouvoir croiser les jambes), les difficultés à l'accou­chement avec un taux de mortalité important en l'absence d'environnement médical favorable. Sans parler, bien sur, des difficultés, voire de l'impossibilité d'avoir des relations sexuelles satisfaisantes.

Le tableau est sombre et la souffrance de l'excision s'inscrit dans le psychisme de La victime avec un refoulé puissant sans lequel il lui serait impossible de survivre. C'est pourquoi les militantes africaines disent souvent qu'ellessont des survivantes. Cela explique aussi La diffi­culté que les jeunes filles ont à parler de leur excision avec leur propre mere, ce qui obligerait celle-ci à une profonde remise en cause de sa soumission à La tradition. C' est un cheminement difficile mais nécessaire à mes yeux pour parvenir à une véritable prise de conscience de I' atrocité de I' excision.

L'expérience nous a montré qu'il faut sans cesse répéter ce qu'est la mutilation sexuelle dans la réalité pour convaincre de la nécessité absolue de parvenir à l'élimination d'une pratique abjecte réduisant les femmes à leur seule fonction reproductive, en bafouant leur dignité d'êtres humains.

Débat autour de La mort d'une petite fille âgée de trois mois

La question des mutilations sexuelles a commencé à sus­citer le débat avec La mort très médiatisée de la petite Bobo Traore, en juillet 1982. Âgée de trois mois, la fillette était décédée suite à une hémorragie déclenchée par son exci­sion. Ses parents, un couple de Maliens, avaient préféré la garder chez eux plutôt que de l'emmener à I'hôpital, sans parvenir à mettre fin aux saignements. Interrogé par la police, le père avoua plus tard avoir eu peur que le médecin découvre qu'ils avaient excisé leur fille, car il savait cette pratique interdite en France. L'autopsie révéla que I'enfant était morte totalement exsangue.

Cette affaire déclencha La réaction immédlate d'Yvette Roudy, alors ministre du Droit des femmes, qui décida de mettre en place une politique de prévention efficace auprès des familles concernées. Simone Iff, chargée de mission auprès de Mnle Roudy, se rendit dans de nombreux foyers africains pour essayer de les sensibiliser aux problèmes liés à l' excision. De même, elle prit contact avec des associations de femmes et de travailleurs africains afin de les convaincre d'intervenir auprès de leurs compatriotes.

Des interprètes africaines furent mises à la disposition des Centres de protection maternelle et infantile (PMI) ainsi que des femmes-relais, don la tâche consistait à faciliter le dialogue avec les familles. L'objection était que celles-ci acceptent de laisser les médecins examiner les organes génitaux de leurs enfants dans le cadre normal de la consul­tation et de faire comprendre aux mères la nécessité de les conserver intacts.

Un grand merci doit ici être adressé au Dr Airlau et à Mmo Charllac respectivement médecin et directrice de la PMI de la rue Boirod à Paris 18° qui des les premières heures ont inlassablement informé les familles des dangers de I' excision tant sur le plan de la santé que du risque judiciaire encouru.

Le mutisme des parents

Le pr Levêque, chef du service de pédiatrie à I'hôpital Bretonneau dans le 18° arrondissement de Paris, rédigea un rapport portant sur l'observation d'une centaine d'enfants excisées. Il insista sur le mutisme des parents quand il leur était demandé d'expliquer leur geste. Sollicitée par le pr Levêque, la Chancellerie lui fit savoir que l'artic1e 312 du code pénal, en vigueur à cette époque et qui sanctionnait les violences volontaires exercés sur les mineurs de [moins de] quinze ans, pouvait s'appliquer à de tels cas. Parallèlement,lLa direction de la PMI de Paris attira l' atten­tion des personnels médico-soclaux sur le nombre inquié­tant des excisions constatées et précisa qu'il s'agissait de sévices à enfants devant faire l'objet d'un signalement aux autorités.

La mort de Bobo Traore donna Ie coup d'envoi des pour­suites judiciaires. La publicité qui entoura cette affaire conduisit le parquet des rnineurs  du tribunal de grande ins­tance de Paris à déterrer un cas sirnilaire qui lui avait été signalé à la fin de l'année 1980. Bintou Doucara, elle aussi âgée de trois mois et victime d'hémorragie après avoir été excisée, avait été transportée d'urgence à l'hôpital par son père. Sa vie avait pu· être sauvée grâce aux soins intensifs prodigués par l'équipe du Professeur Arthuis, à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, dans Ie 14° arrondissement de Paris.

Conscient du caractère inhabituel de cette intervention et après un entretien avec le père de l' enfant, le pr Arthuis avait convoqué son équipe pour décider de la conduite à tenir en pareille situation. Certains avanceront alors qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir : l'excision relevait du cercle privé et familial et concernait des peuples jadis colonisés par la France qui avait toujours toléré leurs coutumes. Les autres insistèrent sur l'atteinte grave portée à l'intégrité physique et à la santé de l'enfant. Selon ces derniers, cet acte ne pouvait rester sans suites. Les mêmes arguments allaient réapparaître plus tard dans les débats qui agite­raient la cour d'assises[2]

Tradition africaine contre justice française

 

Le pr Arthuis estima quant à lui qu'il était de son devoir de signaler les faits au juge des tutelles, qui saisit à son le parquet des mineurs. Le dossier en resta là, oublié ~ une pile d' autres dossiers. Il ne refit surface que deus ans plus tard, après le scandale de la mort de Bobo Traore en octobre 1982, et en audience correctionnelle.

Cette audience donna lieu à un article intitulé « Tradition africaine contre justice française ».

Cet article rapportait que, selon le procureur, les exci­sions étaient couramment pratiquées dans la région pari­sienne mais que les médecins interrogés - même quand ils souhaitaient la disparition de cette pratique - se retranchaient derrière le secret professionnel pour ne pas révéler l'identité des parents. Fousseyni Doucara, père de .a petite Bintou sauvée de justesse par l' équipe du pr Arthuis, avait déc1aré avoir seulement « fait sauter le bouton » de sa fille. Pour le procureur, il n'y avait donc pas « mutilation »' mais une « blessure », à présent guérie puisque le sexe de l' enfant n'avait pas été infibulé.

Le tribunal prit néanmoins la décision d'ordonner une expertise médicale, le dossier ne contenant aucune des­cription des blessures de l' enfant. Les experts rendirent un rapport chef-d’œuvre d'hypocrisie. Tout en expliquant que l'enfant avait subi une c1itoridectomie élargie, ils se refusèrent à écrire qu' elle avait été mutilée et se limitèrent à constater qu'il y avait «disparition d'une zone érogène susceptible d'affecter la sexualité de la future femme, selon notre conception occidentale».

Ne pas minimiser I'atteinte portée à I'enfant et à la future femme

Le relativisme culturel était bien au centre du problème posé. Minimiser ainsi l' atteinte portée à I' enfant et à la future femme, revenait à laisser juger l'affaire Doucara par le tri­bunal correctionnel. En revanche, et cela n'était pas le sou­hait de la Chancellerie, si le terme mutilation avait figuré dans le rapport des experts, l'excision de l'enfant aurait été ipso facto qualifiée de crime, relevant alors de la cour d' assises, avec des peines encourues beaucoup plus sévères. En effet, selon l' artic1e 312 du code pénal en vigueur à cette époque, et sur lequel étaient fondées les poursuites contre Fousseyni Doucara, les violences exercées sur mineur de moins de quinze ans relevaient du tribunal cor­rectionnel quand elles avaient entraîné une incapacité excé­dant huit-jours, mais de la cour d'assises s'il en était résulté « une mutilation, une amputation, etc., ou autres infirmités permanentes ou la mort, sans que I' auteur des violences ait eu l'intention de la donner ».

Or, nous étions bien dans ce dernier cas de figure puisque le c1itoris est un organe et que son ablation constitue une mutilation. La bataille juridique que j'ai engagée à l'époque à Créteil consistait précisément à faire la démonstration de l' incompé­tence du tribunal correctionnel dans l'affaire de Bobo Traore et à obtenir une jurisprudence permettant ensuite aux procès pour excision d' être jugés par La cour d' assises.

L'excision n'est pas une blessure résultant d'une imprudence ou d'un acte involontaire mais d'une déci­sion prise par les parents qui veulent que leur fille soit coupée en ayant une pleine conscience de la souffrance de l' enfant. Le père de Bobo Traore avait reconnu lors de son inter­rogatoire de police qu'il avait fait venir une exciseuse au domicile familial et que son épouse avait maintenu l'enfant pendant son excision.

De son côté le père de Bintou Doucara avait endossé la responsabilité de l'acte même au moyen d'un couteau, contrairement à la coutume qui veut que dans son ethnie I' excision soit pratiquée par une femme. Dans les deux cas, ils avaient accompli un acte volon­taire. Il relevait de la complicité pour M. Traore, et du rôle d' auteur principal pour M. Doucara. Devant la cour d'assises, les parents auraient encouru une peine maximum de trente ans de réc1usion criminelle, modulable par le jeu des circonstances atténuantes.

À cette époque, malgré la réprobation générale entourant la pratique de l'excision, il n'était pas dans l'air du temps d'envoyer les parents devant la cour d'assises, ce qui pour beaucoup revenait à accabler de pauvres immigrés, pré­sumés ignorants, et à en faire des criminels pour avoir res­pecté leur tradition en coupant le c1itoris de leur fille. Cette réticence conduisait à privilégier la défense d'adultes capables de comprendre un interdit, au détriment de I'intérêt des enfants sans capacité de résistance.

Les associations au premier rang du combat

II fallut l'intervention d'associations au procès pénal pour que I' excision soit enfin reconnue juridiquement comme un acte criminel. Depuis une loi promulguée le 2 février 1981, les associations étaient en effet autorisées à se porter partie civile quand l'action publique engagée par le procureur concernait des violences exercées sur mineurs. À La condition cependant que les activités de ces assocla­tions comprennent l'assistance à l'enfance martyrisée et qu' elles aient été créées au moins cinq ans avant la date des faits incriminés. Restait encore à trouver une assoclation remplissant ces conditions qui accepterait d'intervenir au procès pénal... Les réticences étaient si largement parta­gées à I' époque que ce ne fut pas simple.

Les premières à s'investir furent des assoclations fémi­nistes: SOS Femmes Alternative, Ligue du droit des femmes et Ligue du droit international des femmes, fondées par Annie Sugier, Anne Zeliilski et Simone de Beauvoir. La Commission pour l' abolition des mutilations sexuelles, fondée par Awa Thlam, auteure sénégalaise de La Parole aux Négresses, I'ouvrage dénonçant I'ensemble des violences faites aux femmes au nom de la tradition, reprit plus tard le flambeau.

De même que le viol a longtemps été jugé en correctionnelle - jusqu'à l'intervention d'avocates fémi­nistes -, alors qu'il constituait un crime selon le code pénal, l' excision devait être reconnue comme un acte criminel puisqu'il s'agit d'un acte volontaire, entraînant une mutilation, quel que soit le mobile l'ayant inspiré, en l' occurrence la tradition ou la coutume. II fallait aussi rappeler que la loi s'applique, indistinctement, à toute per­sonne sur le territoire français, et que même dans son aspect répressif elle pouvait jouer un rôle de protection pour les petites filles risquant d'être excisées.

J' ai encore en mémoire un article de presse vilipendant ces féministes qui veulent envoyer d' autres femmes en prison, sans voir que notre objectif premier était de protéger leurs enfants en faisant disparaître cette pratique.

C'est ce qu'avait bien compris La regrettée Madina Dlallo, qui m'a tant appris, lorsqu'elle répondait à une journaliste qui lui demandait si elle ne trouvait pas ces procès scan­daleux: «Ie scandale c'est que des petites filles soient mutilées. »

Une petite fillee ne souffre pas moins parce que c'est la coutume . UN élément nouveau vint conforter la position des asso­clations en partie civile. Un arrêt de la Cour de cassation du 20 août 1983 énonça clairement que l' ablation du clitoris et des petites lèvres du sexe féminin constituait un crime relevant de la cour d'assises. Dans I'affaire jugée, les actes avaient été commis par une mère originaire de Bretagne, sans aucun lien avec l' Afrique. Même si la colère, le res­sentiment ou I'abus de chouchen avaient été à l' origine des violences, l' enfant avait été mutilée de la même façon qu'une enfant africaine et portait les mêmes séquelles.

Cet exemple permit de montrer aux familles, aux per­sonnels médico-soclaux et même à la Justice qu'il fallait refuser toute discrimination, parfois inconsciente, envers les enfants d'origines différentes : les petites filles nées de parents africains n'ont pas moins besoin de leur clitoris que les petites filles blanches et elles ne souffrent pas moins de l' opération parce que l' exciseuse accomplit un geste coutumier. La bataille juridique gagnée sur le fond, et I' excision cri­minalisée, encore fallait-il obtenir des médecins qu'ils se fassent nos alliés ..

Le secret médical, invoqué par ceux qui refusaient de signaler les cas d'excision et de révéler l'identité des parents, n'était pas applicable à ces situations. Le code pénal indique en effet que les sévices infligés aux mineurs de moins de quinze ans constatés par les médecins doivent être signalés aux autorités. La loi du 2 janvier 2004 a depuis précisé qu'en cas de signalement,le médecin ne peut être I' objet de sanctions disciplinaires.

Les autres arguments avancés par les médecins n'étaient pas plus recevables. Une fois le sexe coupé, expliquèrent certains, le mal est irréparable. À quoi bon alors attirer les foudres de la justice sur la famillee ? Le rôle des médecins, affirmèrent d'autres, n'est pas de dénoncer les familles, de s'immiscer dans leur intimité, particulièrement quand il s'agit de pratiques relevant de rites et traditions venus de l'étranger: l'époque de la colonisation ou les différences culturelles étaient stigmatisées n'était-elle pas révolue ?

Mais la réaction de ces médecins aurait-elle été la même si les enfants étaient arrivés aux consultations avec les oreilles coupées au nom d'une coutume? Le caractère secret et invisible a priori de la mutilation sexuelle a certai­nement contribué au silence de nombreux membres du corps médical.

Convaincre les médecins de lutter contre I'excision

Pour vaincre leurs réticences, il fallut rappeler que le premier devoir du médecin est de protéger l'intégrité phy­sique de l'enfant et non de s'ériger en défenseur d'adultes capables de comprendre un interdit légal et le pourquoi de cet interdit. En outre, garder le silence devant une excision constatée constituait une autorisation tacite mettant en danger les petites sœurs ou d'autres filles du voisinage, les familles s'échangeant volontiers les informations.

J' ai interpellé ces médecins en leur demandant quelles explications ils pourraient donner à une jeune fille qui viendrait se plaindre d'avoir été excisée quand elle était enfant, malgré de nombreuses visites à la PMI. Il fallait aussi les convaincre que leur attitude sapait toute politique de prévention ainsi que les efforts de leurs collègues  et des assomptions qui luttaient contre cette coutume.

Enfin, le message délivré aux familles se devait d'être c1air et sans ambiguïté : l' excision retire à la future femme une partie du corps essentielle à son épanouissement. La mutilation subie équivaut à La seetion du gland ehez le garçon et ne s'apparente en rien à la cireoncision. Doréna­vant, toute mutilation constatée serait donc signalée aux autorités et donnerait lieu à des poursuites judiciaires. La crainte du gendarme n'a pas compté pour peu, au final, pour influencer positivement le comportement des familles.

Réprimée comme torture et actes de barbarie

Depuis les premières affaires du début des années 1980, le code pénal a été modifié. Le 1er février 1994, de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur. Les excisions prati­quées après cette date sont réprimées par les artic1es 222-1 et 222-3 (torture et actes de barbarie) 222-9 et 222-10 (mutila­tion) et punissables de vingt à trente ans de réc1usion crimi­nelle. Le jeu des circonstances atténuantes permet à La cour d'assises de moduler les peines et de les assortir d'un sursis.

De même que l' article 312 de l' ancien code pénal ne visait pas l' excision en tant que telle, les articles 222-9 et 222-10 qui l'ont remplacé ne la mentionnent pas explici­tement. Notons toutefois que certains pays européens, comme la Suisse, la Suède ou la Grande-Bretagne se sont dotés de législations spécifiques, dont il s'avère qu'elles ne sont pas appliquées. En France, nous avons jugé que ce n'était pas nécessaire, des lors que le code pénal fait explicitement référence à la mutilation.

Depuis l' arrêt du 20 août 1983 déjà évoqué, il est en effet acquis que l'excision du clitoris et des petites lèvres constitue une mutilation. Les conditions d'exécution peuvent s'apparenter à de la torture et à de la barbarie puisque l'enfant est solidement maintenue au sol, les jambes écartées, par une ou plusieurs femmes, pendant que l'exciseuse tranche dans sa chair.

La plupart des affaires d'excision jugées à Paris, Bobigny, Créteil ou Pontoise ont été déclenchées par des signale­ments émanant de la PMI, ou de l'hôpital soignant l'enfant mutilée. Le signalement provoque automatiquement une enquête pénale. Les parents et leurs enfants sont convoqués au poste de police. Les filles sont dirigées vers le service des urgences médico-judiciaires pour y subir un examen gynécologique, pendant que les parents sont soumis à un interrogatoire.

Ces enquêtes ont permis de dresser un profil des familles pratiquant l' excision. En général, le mari réside en France depuis longtemps et a parfois acquis la nationalité fran­çaise. Il a souvent séjourné en foyer avant de faire venir son (ou ses) épouse(s). Dans plusieurs cas, ces hommes étaient employés par la Ville de Paris, ou par les communes voisines, comme éboueurs ou agents d'entretien. Ils étaient parfois marabouts.

Les mères revendiquent la responsabilité, les pères feignent d'ignorer

Tel qu'il a été enregistré, le récit des mères est toujours sensiblement identique. Alors que le mari est à I' extérieur pour son travail, la mère rencontre, par hasard, dans un jardin, un bus ou en faisant ses courses, une Africaine qui lui demande si ses filles sont rentrées, c'est-à-dire coupées. Préoccupée de n'avoir pas encore accompli son devoir, la mare accepte avec gratitude l´offre de l'inconnue de s'en charger. Rendez-vous est pris immédiatement. L'exciseuse emmène l' enfant dans le cabinet de toilette. La mère admet qu'elle entend des pleurs. L'inconnue empoche le prix convenu et disparaît. Et l' enfant se rétablit aussitôt. Au cours des interrogatoires successifs, les mères persistent dans leur récit ou délivrent d'autres versions tout aussi fantaisistes. Elles revendiquent systématiquement la res­ponsabilité de I' excision : ce sont elles qui décident pour leurs filles, leurs maris s'occupent des garçons.

Quant à la ou les co-épouse(s), bien que vivant sous le même toit, elles ne savent rien. Elles expliquent qu' elles ne se mêlent pas des affaires de l'autre, voire qu'elles ne parlent pas le même dialecte.

Lorsque les policiers interrogent les pères sur l'excision de leur(s) fille(s), ceux-ci feignent le plus souvent l'étonne­ment et l'ignorance. Leurs épouses ne leur ont rien dit, ils étaient au boulot. Ce sont des affaires de femmes et il serait inconvenant de s'intéresser au sexe de leurs filles. Certains sont plus violents, réclament leur droit à leurs traditions, qui ne regardent personne et surtout pas la police.

En réalité, l'excision ne se fait pas sans l'assentiment du père, mais il appartient à la mère d'en prendre l'initiative et d'en fixer les modalités. Si la femme ne travaille pas, elle ne dispose pas d'autres ressources que celles de son mari pour payer l'exciseuse (à moins qu'elle ne puise dans les allocations familiales, si elle les perçoit). C' est souvent ce financement qui a permis d'impliquer des pères dans les affaires d' excision, même quand ceux-ci pouvaient prouver être au travail au moment des faits.

Au fil du temps, les enquêtes établirent que certains parents étaient hostiles à l' excision. Leurs filles étaient alors intactes. Un père déclara qu'il était témoin des souf­frances de sa femme et que pour rien au monde, il ne vou­drait faire subir le même sort à ses filles. Des parents, avertis par la PMI, avaient renoncé à exciser leurs enfants. Dans d'autres familles, les ainées avaient été coupées, mais les plus jeunes avaient été épargnées grâce aux informations diffusées et à la médiatisation des proses.

Cela montre bien que les mentalités peuvent évoluer et que les parents peuvent s'affranchir du poids de La tradi­tion.

L'extraordinaire procès de 1999 : une exciseuse, 25 parents, 48 enfants

Lorsque les filles excisées sont en âge d'être interrogées, elles disent ne garder aucun souvenir de l' opération parce qu' elles étaient trop jeunes ou bien elles évoquent une douleur intense qui a persisté pendant toute la durée de la cicatrisation. Elles cherchent à protéger leurs parents, mais témoignent parfois de la présence de leur mère au moment de l'excision, en contradiction avec les déclarations de celle-ci. Certaines connaissaient l' exciseuse, car elle fré­quentait la famille, et ont pu révéler son nom.  

C'est une révélation de ce type qui fut à l'origine de l'extraordinaire procès de février 1999. À l'origine de cette affaire, une lettre adressée au parquet, envoyée par une jeune fille tout juste majeure. Elle y expliquait s'être enfuie du domicile familial après avoir refusé le mari que ses parents lui imposaient. Elle craignait à présent que ses parents ne s' en prennent à ses plus jeunes sœurs et demandait pour elles des mesures de protection. Au détour d'une phrase, elle signalait que toutes avaient été excisées.

L'exciseuse, dont l'identité était donnée, était connue des services de police. Poursuivie en justice dans le cadre d'une autre affaire, elle avait été laissée en liberté en attendant de comparaître devant la cour d'assises. Apres réception de a lettre, le juge d'instruction ordonna une surveillance policière autour de son domicile et la mise sur écoute de sa ligne téléphonique.

Les écoutes révélèrent que les familles la sollicitaient et qu'elle consentait à exciser leurs filles. Elle fut interpellée, ses instruments saisis, ainsi que son carnet d'adresses qui permit l' audition d' une centaine de personnes résidant en Ile-de-France. Au total, l'exciseuse et vingt-cinq parents, dont trois pères, comparurent devant ola cour d' assises de Paris, du 2 au 16 février 1999, pour répondre de I'excision de quarante­ huit enfants. Plusieurs victimes étaient devenues majeures et purent témoigner. Les unes vinrent à la barre pour atté­nuer la responsabilité de leurs parents, les autres pour se plaindre avec virulence de ce qu'ils leur avaient fait subir, en connaissance de l'interdit frappant 1'excision en France. Une jeune fille raconta qu'elle avait supplié, en vain, sa mère d' épargner sa plus jeune sœur et se disait « dégoûtée » par son comportement.

Ce procès, d'une grande tenue grâce à la présidente Mme Varin qui a remarquablement mené les débats, a marqué les esprits des parties en présence, mais aussi celui des jeunes filles qui 1'ont suivi grâce aux médias. Il faut remercier ici l'ensemble des témoins et des experts, dont les dépositions permirent une discussion- approfondie de la pratique de l'excision et de ses conséquences drama­tiques, que vinrent aussi souligner des films projetés durant I' audience.

Le procès se solda par la condamnation de I' exciseuse à huit ans d'emprisonnement et d'une mère à deux ans d'emprisonnement. Les autres parents reçurent des peines de cinq ou trois ans, assorties du sursis. Pour la première fois, une Cour d' Assises octroyait des dommages et inté­rêts aux quarante-huit victimes représentées. Dans les pre­miers cas que j' ai évoqués du début des années 1980, les peines avaient été de quelques mois avec sursis.

Un mois plus tard, je me trouvais à la cour d'assises de Bobigny pour une autre affaire d'excision. J'eus la surprise de constater qu'une des mères condamnées avec sursis y assistait aussi. Nous venions de passer quinze jours face à face et la conversation s'engagea comme si nous étions de vieilles connaissances. J'étais curieuse de savoir ce qu'elle avait retiré de son propre procès. Voici ce qu' elle me répondit : « Au début, nous, les mères, nous étions fâchées d'être traitées comme des criminelles. Et puis nous avons écouté ce que disaient les experts, nos filles et les Afri­caines qui étaient contre l'excision. Tout cela nous a fait réfléchir et nous avons beaucoup discuté. Nous avons compris tout le mal qu' on a fait à nos enfants. Moi, quand je retournerai au Sénégal, je dirai aux femmes de mon vil­lage d' arrêter l' excision. »

Les parents désireux de protéger leurs enfants y parviennent

D'autres cas, jugés en 2004 et donnant lieu à des condamnations, ont cependant montré qu'il y avait aussi des parents irréductibles, cherchant à contourner la loi en envoyant leurs filles se faire exciser en Afrique. Quand les actes ont été commis à l'étranger, l'artic1e 113-7 du code pénal permet d' engager des poursuites si l victime est française, ce qui est souvent le cas.

Dans ces affaires, les parents se défendent en expliquant qu'ils ont emmené leur fille en vacances, au pays. Lors d'une visite à La famille, dans un autre village, ils l'ont confiée à la grand-mère. À leur retour, l'enfant avait été excisée, alors qu'eux-mêmes étaient opposés à cette pratique. Ce type de récit et ses variantes (l'enfant a été envoyée en vacances ... ) ne sont pas crédibles. Plusieurs exemples montrent que les parents désireux de protéger leur enfant disposent des moyens pour y parvenir. Si le risque est trop grand, l'enfant n'est pas laissée à la merci de la famille sans la protection nécessaire. Certaines PMI, notamment en Seine-Saint-Denis sous la hou­lette d'Emmanuelle Piet, médecin départemental de PMI, rédigent des certificats établissant que l' enfant est intacte et qu'elle doit le demeurer. Ce certificat, muni de cachets offi­ciels, est destiné à la famille au pays, est accompagné d'une lettre du père ou d'une cassette enregistrée interdisant que I'on touche à sa fille. Ainsi mise en garde, la famille lointaine qui vit surtout de l' argent envoyé de France ne prend pas Ie risque de se fâcher avec le généreux pourvoyeur.

Les jeunes n'admettent plus une tradition qui n'est pas la Ieur

En France, les familles qui veulent s' affranchir de la tradition et de la pression communautaire le peuvent. Elles préservent alors l' avenir de leurs enfants, en se rapprochant des normes du pays ou elles sont établies. C' est une ques­tion de choix, mais il faut continuer à aider les familles à faire le bon, et ne pas relâcher les efforts dans leur direc­tion. Les mentalités évoluent plus vite que certains parents ne le croient, y compris dans leurs pays d'origine. Quant aux jeunes, elles n'admettent plus d'être soumises à une tradition qui n'est pas la leur et aspirent à vivre comme les autres jeunes filles françaises de leur âge. Elles ne veulent pas entendre leur copain leur dire « Il  te manque quelque chose. Tu n'es pas normale ... ». Pour preuve, nombreuses sont celles qui demandent à être réparées, selon la tech­nique mise au point par le D' Pierre Foldes, pour redevenir une personne entière. II ne faudrait toutefois pas que la possibilité donnée grâce à la médecine de réparer les femmes produise des effets paradoxaux.

On pourrait craindre que les familles ne se donnent bonne conscience en faisant mutiler leurs enfants au nom des arguments tradition­nels, tout en expliquant que les filles devenues adultes pour­ront ensuite choisir de retrouver leur clitoris ...

Les outils didactiques, élaborés par la Commission pour l'abolition des mutilations sexuelles que j'anime, comme Le Pari de Bintau, film de dix-sept minutes racontant le parcours d'une jeune mère qui renonce à 1'excision de sa fille, ou le disque Africa-Paris et la chanson Exciser c'est pas ban, interprétée par le jeune Malien Bafing Kul, ont contribué à populariser et à montrer sous un jour positif 1'abandon de l'excision.

L'exciseuse H. G. s'est elle-même spontanément rappro­chée de la Commission pour l' abolition des mutilations sexuelles, demandant à être associée à son combat. Elle est une alliée précieuse par l'autorité dont elle jouit parmi ses compatriotes et par La connaissance intime qu' elle a de leurs ressorts psychologiques.

Au terme d'une vingtaine d'années de prévention, mais aussi de répression judiciaire, on peut considérer que les efforts ont porté leurs fruits, du moins à Paris et en Seine­ Saint-Denis. Même si 1'on peut regretter que les informa­tions émanant des autres départements restent rares, les progrès sont considérables. Au point que la méthode fran­çaise est citée en exemple dans d'autres pays européens confrontés eux aussi au phénomène de l' excision.

Tolérance zéro pour les mutilations sexuelles

La coopération avec les assoclations de terrain en Afrique reste fondamentale. 11 est bien loin le temps ou Ies Africaines rétorquaient aux militantes françaises « Retirez vos mains de nos petites culottes ! ». En février 2005, lors de la conférence de Djibouti sur les mutilations sexuelles dans le monde, les femmes unanimes ont refusé l' excision. Le collège des religieux qui proposait d'abandonner la pra­tique de l'infibulation, courante en Afrique de I'Est, pour ne conserver que celle de l' excision, a été fermement combattu. Le scandale provoqué par cette proposition, considérée par les religieux comme un compromis, a été tel qu'ils ont dû battre en retraite. La conférence a voté I' abandon pur et simple de toute atteinte aux organes sexuels de La femme.

Lancé par le Comité inter-africain contre Ies mutilations sexuelles présent dans vingt-huit pays d' Afrique, il y a quelques années, le mot d'ordre « tolérance zéro pour les mutilations sexuelles» reste d'actualité, en Afrique bien entendu, mais en France également.

Depuis peu, dans la foulée de la revendication en faveur du port du voile, des assoclations telles que Ie Planning familial ont vu apparaître un nouveau phénomène inquiétant. Sous couvert d'affirmation identitaire, des femmes africaines brandissent fièrement et publiquement leur condition de femme excisée, franchissant un pas de plus dans la direction d'une confu­sion extrêmement singulière et préoccupante des valeurs de liberté. Pourrait-on voir apparaître la revendication du droit des femmes à être excisées, par des femmes elles-mêmes ? Le recul que cela représenterait serait consternant. Il confir­merait, en tout état de cause, le caractère essentiel de la bataille juridique qui a été menée depuis vingt ans : la loi est là, pour protéger les petites filles à naître d'un retour en arrière.

Après 20 ans de combat contre l’excision en France, tant par des mesures de prévention (film « Le Pari de Bintou », la première fiction réalisée sur le sujet, le disque « Exciser c’est pas bon » du jeune musicien malien Bafing Kul, etc..) qu’en participant à la répression en étant partie civile dans les procès, quel constat ? Il est indéniable que la pratique a reculé sur le territoire national, encore que tout récemment des parents guinéens ont été poursuivis pour avoir fait exciser en province leur fille de 7 ans qui a failli en mourir.Maintenant la duplicité des parents s’exerce aussi sur les jeunes de 12-15 ans qui n’ont pas été excisées en France par crainte de la répression. Le plus souvent dès leur arrivée au pays, elles sont privées de leur passeport, envoyées au village, coupées, et mariées, c’est-à-dire excisées et violées. 

Rien de tout cela ne s’est fait à l’insu et contre la volonté des parents !

 Il ne faut pas non plus oublier qu’une jeune française (les enfants nés en France ont vocation à acquérir la nationalité française) a un prix puisque le « mari » pourra bénéficier d’un titre de séjour puis de la nationalité française.

 Cynique moi ? Non, les parents !

 Ces situations se multiplient mais les cas dénoncés sont relativement peu nombreux car les jeunes filles, après leur révolte, sont récupérées par la famille, ensuite la loi du silence va s’imposer, pour ne pas causer d’ennuis aux parents.Cependant certaines grandes sœurs, informées des projets des parents s’efforcent de les déjouer en attirant l’attention des autorités pour la protection des plus jeunes.Ces cas témoignent d’une prise de conscience du rôle que peut jouer la Justice dans la conquête de leur autonomie.

Récemment l’une de ces jeunes femmes en consultation avec la Docteure Emmanuelle Piet qui a été l’artisane du combat contre les mutilations sexuelles en Seine Saint-Denis, lui confiait qu’elle avait refusé un mariage que ses parents voulaient lui imposer.Comme ils allaient employer des moyens de persuasion violents, elle les a menacés de porter plainte. Cela les a aussitôt calmés. En effet ils avaient été dans le passé condamnés pour des faits d’excision et n’avaient aucune envie de comparaître à nouveau en Justice ! La jeune femme a pu s’installer seule, en paix, dans un appartement comme elle le souhaitait. 

La leçon de cette histoire est qu’il faut maintenant que les jeunes se prennent en main avec la volonté d’imposer à leur entourage familial le respect de leurs droits individuels, même si pour cela il faut rompre avec la soumission à la tradition de leurs parents.

 Nous les y aiderons.

 Note biographique

Avocate au barreau de Paris, Linda Weil-Curiel a déve­loppé des actions à vocation internationale dans le domaine du droit des femmes et des enfants, notamment contre les mutilations sexuelles.

Notes

[1] Si on parle généralement de mariages forcés, il s'agit plus clairement d'unions coutumières contraintes dissimulant viols sur mineures et tran­sactions financières entre familles. Ces unions sont régularisées devant I'officier de l'état civil ou au consulat du pays d'origine, à la majorité de la jeune fille, ce qui permet ensuite au mari de bénéficier du regroupement familial et d'obtenir un titre de séjour puis la nationalité française

[2] . . Au pénal, notre système judiciaire attribue compétence au tribunal de police pour juger les contraventions, au tribunal correctionnel pour juger les délits et à la cour d' assises pour juger les crimes.

 

 

labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet/ décembre 2008 -julho/dezembro 2008