labrys, études féministes/ estudos feministas
janvier/juin 2010 -janeiro/junho 2010

Le  vieillissement chez les lesbiennes : y a-t-il des enjeux spécifiques ?

Line Chamberland, avec la collaboration de Marie-Pier Petit

 

 

L’été, quand il fait beau soleil,

Je vois souvent passer deux vieilles

Qui marchent en se tenant le bras

Elles s’arrêtent à tous les dix pas

Quand j’entends leur éclat de rire

J’ai un peu moins peur de vieillir

  Clémence DesRochers

 

Résumé :

Après avoir fait le constat de l’invisibilité sociale du lesbianisme chez les femmes âgées tant dans les milieux institutionnels dans les représentations sociales et scientifiques, cet article propose une synthèse des connaissances actuelles sur le vieillissement chez les lesbiennes à partir d’études principalement nord-américaines. D’emblée, il souligne la diversité des réalités des lesbiennes âgées dont les conditions de vie varient selon leurs trajectoires de vie antérieures (maritale, parentale, de travail, etc.) et selon une série de facteurs tels la classe sociale, l’origine ethnoculturelle ou le milieu de vie urbain ou rural. L’isolement social, le manque de soutien, particulièrement sur les plans affectif et psychologique, l’insécurité financière constituent les principales préoccupations. Les études sur l’adaptation psychosociale des lesbiennes au vieillissement brossent des portraits contrastés: certaines mettent l’accent sur les effets cumulés ou irréversibles de l’oppression qu’elles ont subie tout au long de leur vie, tandis que d’autres soutiennent que celles qui sont parvenues à affirmer leurs préférences sexuelles, malgré les limitations sociales qui leur étaient imposées, ont acquis par là même des compétences qui les aident à faire face aux défis de cette nouvelle étape de la vie.

Mots clés : lesbianisme, vieillissement, sexisme, âgisme, lesbophobie, hétérosexisme

 

Les lesbiennes vieillissent-elles différemment des autres femmes? Si oui, est-il possible de cerner les spécificités de leurs expériences du vieillissement? Leurs parcours de vie, sur les plans identitaire, conjugal, familial et professionnel, se répercutent-ils sur leurs conditions d’existence une fois parvenues au troisième âge? Font-elles face à des défis distincts dans leur adaptation à l’avancement en âge ou sont-elles plutôt amenées à  répondre différemment aux mêmes défis que les autres femmes? Sont-elles exposées à des risques particuliers sur le plan de leur santé physique? Telles sont les questions abordées dans ce chapitre. Il s’agit moins d’y apporter des réponses, même provisoires – ce qui serait impossible, compte tenu de l’insuffisance des études empiriques, au Québec encore plus qu’ailleurs –, que de cibler certains aspects du vieillissement chez les lesbiennes par rapport auxquels de telles interrogations apparaissent incontournables.

En d’autres termes, notre objectif ici est de mettre en question une double présomption que l’on observe tant dans les milieux de l’intervention auprès des personnes âgées que de la recherche en gérontologie : celle prétendant que toutes les femmes âgées sont hétérosexuelles et celle, enracinée dans un humanisme de bon aloi, voulant que les lesbiennes soient comme les autres femmes, exception faite de leurs pratiques sexuelles, lesquelles n’auraient aucune incidence sur les autres dimensions de leur vie (Chamberland, 2003 ; Chamberland et Paquin, 2004). De telles présuppositions contribuent à occulter l’existence des lesbiennes âgées et à entretenir l’ignorance, voire l’insensibilité, quant à leurs besoins propres ou aux manières adéquates de répondre à des besoins qu’elles partagent avec les autres aînés, hommes et femmes. Sans prétendre en réaliser une synthèse exhaustive, ce chapitre s’appuie sur une recension des recherches récentes sur les lesbiennes âgées afin de documenter diverses facettes de leurs expériences du vieillissement et de formuler des interrogations qui devraient recevoir plus d’attention de la part des milieux de l’intervention et de la recherche[1].

Affirmons-le d’emblée: les réalités des lesbiennes âgées sont diverses. L’un des périls à tenter de décrire leur situation en vue de les sortir de l’ombre consiste à dresser un portrait uniformisant, qui néglige la variabilité interne de ce groupe. La prise en compte des intersections qui permettraient de localiser et de considérer la complexité de leur position sociale (sexe/genre, classe sociale, origine ethnoculturelle, trajectoire géographique, etc.) fait défaut dans la plupart des recherches existantes. Alors qu’une partie des lesbiennes aînées cumulent plusieurs facteurs de vulnérabilité (par ex. pauvreté, isolement), d’autres bénéficient de ressources financières, éducatives et autres qui les aident à surmonter les difficultés. Un autre écueil observé lors de la recension des études sur les lesbiennes âgées est l’excès de pessimisme, alors que des faits dramatiques sont mis en évidence dans le but d’alerter les acteurs sociaux potentiellement concernés, ou, à l’inverse, le surcroît d’optimisme, qui traduit une volonté de contrecarrer une vision négative des lesbiennes âgées dont le sort serait peu enviable, sinon misérable. S’il s’avère impossible d’échapper aux limites des connaissances actuelles sur l’impact de l’orientation sexuelle – prise au sens large de désir, de comportement et d’identité – sur le vieillissement, il importe d’en prévenir la lectrice, le lecteur et de l’encourager à cultiver un sain scepticisme, y compris en parcourant ce chapitre, vis-à-vis des représentations qui décrivent les lesbiennes âgées comme un groupe homogène.

L’invisibilité sociale des lesbiennes âgées

Tous les écrits consultés attirent l’attention sur l’invisibilité sociale des lesbiennes âgées[2]. Celle-ci résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs. La plupart des lesbiennes de cette cohorte conservent l’habitude, fortement ancrée, de dissimuler leur orientation sexuelle afin de se protéger de la stigmatisation sociale.

Avec un peu de recul, je constate que ma vie s’est organisée autour de l’invisibilité. J’ai cherché par tous les moyens à rester le plus invisible possible dans la relation que j’ai entretenue avec cette femme [qui vient de décéder]. Mais pourquoi avoir tellement tenu à l’invisibilité ? Je sais, je sais, c’est par crainte du rejet… Il faut remonter à il y a 25 ans [années 1960], j’ai 17 ans, j’aime une femme. on me jette en dehors du couvent. Je suis la perverse, la personne dont on doit s’éloigner absolument. Ce fut un tel traumatisme dans ma vie. Je pense que ç’a été le premier conditionnement à commencer là : cacher à tout prix, parce que dès que ce sera su, ce sera le rejet. Ce sera la condamnation. Ce sera devoir repartir à zéro, et seule. Et ce sera perdre la personne que j’aime. Ce sera perdre les amis que j’aime… L’invisibilité était préférable au rejet. Alice (GRIIGES, 1988 : 51-52)

Notre génération, ce que j’ai vécu, c’était comme… c’était caché […]. On prend l’habitude de vivre ça, hein! Moi, j’ai vécu ça […]. Jamais je ne me suis posé une question qu’il fallait que mon médecin sache ça! Jamais, jamais, jamais! dans cette génération… en tout cas, moi, là! […] Jamais vous ne dites ça, vous ne dites pas ça! Ah! non! Ça ne m’est jamais passé par la tête qu’il aurait fallu que je dise ça à mon médecin! Aînée[3], Centre-du-Québec (RQASF, 2003 : 167)

On ne m’a jamais persécutée au travail, mais je l’ai jamais dit. Je disais pas que j’avais reçu mon cavalier en fin de semaine pour tromper le monde, mais j’ai jamais affirmé ça. C’est qu’à cette époque-là on pensait pas être obligées de le dire. On se disait : on est mieux de ne pas leur dire, ils ne comprendront rien, on est mieux de pas s’embarquer là-dedans. Marguerite (Chamberland, 1996 : 58-59)

Les lesbiennes ayant connu la répression sévère de l’homosexualité au cours de leur jeunesse et d’une partie de leur vie adulte ont acquis l’habitude de ne jamais nommer leur lesbianisme, ou encore d’employer des euphémismes («être comme ça», «être comme moi»), des mots ambigus («mon amie»), des termes codés («végétarienne» pour dire «lesbienne»). Ou encore, leur orientation sexuelle s’est dévoilée progressivement ou indirectement, à travers leur mode de vie, sans que la question ne soit jamais abordée directement.

[À propos de son frère et sa sœur] Je n’ai jamais senti d’animosité de leur part. Mais on n’en a jamais parlé ouvertement non plus. Isabelle, 63 ans (Chamberland et Paquin, 2004 : 76)

Le maintien d’une attitude silencieuse ou discrète une fois atteint un âge avancé se justifie par l’anticipation de réactions négatives de la part des individus de leur propre génération, des personnes dont elles dépendent (voisins, fournisseurs de services, etc.), ou encore des proches qui pousseraient les hauts cris en présence d’une mère, d’une grand-mère, d’une sœur s’affirmant ouvertement lesbienne. Une étude québécoise sur l’adaptation des services résidentiels aux besoins des lesbiennes aînées confirme que celles-ci demeurent pratiquement invisibles dans les résidences pour personnes âgées, ou que leur visibilité se borne à une ou deux personnes.

Tout en se disant prêts à les accueillir, des intervenants anticipent des difficultés d’intégration, d’autant que dans ce type d’habitat, les espaces de vie privés et collectifs sont peu étanches.

Écoutez… une femme de 80 ans qui se dirait gaie, je pense qu’elle se ferait beaucoup pointer du doigt par les autres. Il y a beaucoup de mémérage chez les gens de cet âge-là. Ou encore, comme je vous le disais tantôt, dans cette génération-là, les gens cachaient leur orientation. […] Dans le temps, vous savez, une personne gaie, homosexuelle, c’était une maladie. Je pense que c’est resté collé. Fabrice, intervenant dans une résidence pour personnes âgées (Chamberland et Paquin, 2004 : 44)

Cette même étude montre que les lesbiennes âgées autonomes font des choix identitaires adaptés au contexte : transparence avec les amies intimes et dans la sphère privée, et mutisme prudent dans la sphère publique et institutionnelle. Ainsi, Fleur, 72 ans, raconte que l’habitude de la retenue en public est partagée par toutes ses amies, des lesbiennes exclusivement :

Elles sont bien discrètes de ce côté-là. Mes amies font bien attention… Des fois, on est plusieurs et on jase. Mais on ne parle pas de ça, on fait toujours ben attention. On va manger au restaurant et ça ne paraît pas du tout, du tout. C’est comme des amies de filles et c’est tout. Et toutes celles que je connais, elles sont toutes comme moi, elles font bien attention. (Chamberland, 2003 : 95)

Cet aménagement n’exprime pas un malaise identitaire, mais la recherche simultanée d’un confort psychologique (maximiser son bien-être en étant soi-même) dans l’espace privé et d’une protection (minimiser les risques encourus) dans l’espace public. Ces choix identitaires des lesbiennes âgées ne sont pas figés. Si elles se sentent en sécurité, si elles en attendent un avantage concret, elles pourront divulguer leur orientation sexuelle dans un contexte institutionnel, vis-à-vis des professionnels de la santé par exemple.

Je pense que vous le dites à quelques personnes, mais la plupart du temps, c’est à travers les relations que vous avez, ou bien vous faites référence à votre partenaire… Ce n’est pas quelque chose que je suis allée annoncer à la ronde, mais je le vois comme faisant partie de ma vie. Et c’est seulement si c’est pertinent. Comme faire affaire avec des médecins, là, c’est pertinent. Donc, je vais être claire à ce propos dans ce cas-là. Dans d’autres cas, c’est aux gens de forger leurs propres conclusions. Aînée, Montréal (Brotman et coll., 2006 : 2)

Cependant, selon des études sur l’accès aux services sociaux et de santé, plusieurs éléments se combinent pour occulter leur présence tout en laissant reposer sur leurs épaules, appelées à devenir plus frêles avec le vieillissement, la responsabilité de briser le mur du silence (Brotman et coll., 2006; Brotman et coll., 2003 ; Chamberland, 2003; Fullmer et coll., 1999; RQASF, 2003).

Bien sûr, je crois qu’il est important qu’ils sachent  mais n’importe qui avec qui tu parles, de qui tu veux obtenir de l’aide, alors ils doivent savoir que tu es gai ou lesbienne…Autrement, ils supposent que tu es [hétérosexuel]. Les travailleurs en soins de santé ont besoin d’être formés et… j’imagine qu’ils sont formés… et à considérer qu’il y a des gais et des lesbiennes, comme il y a toutes sortes de gens… Aînée, Vancouver (Brotman et coll., 2006 : 5)

Les pratiques d’accueil (formulaires, dossiers, etc.) hétérosexistes présument de l’hétérosexualité de la clientèle et ne contribuent guère à créer un environnement rassurant. La plupart des intervenants et des intervenantes méconnaissent les réalités des lesbiennes âgées ou n’osent pas aborder directement cette question. Celles et ceux parmi eux qui s’identifient eux-mêmes comme homosexuels sont davantage à l’affût de signes révélateurs d’une identité non hétérosexuelle, mais ils demeurent très timides dans leurs approches et se butent parfois à une réserve farouche.

C’est difficile… on ne pourrait pas aborder directement ce sujet-là avec des personnes de cet âge-là, parce que c’est peut-être une génération où ça a toujours été tabou, on ne parlait pas de ça. Claude, intervenant dans une résidence pour personnes âgées (Chamberland et Paquin, 2004 : 43)

Enfin, les perceptions des lesbiennes âgées se fondent sur des stéréotypes à propos des vieilles femmes, auxquelles on ne prête ni besoin ni désir sexuel, alors que les définitions sociales du lesbianisme, souvent calquées sur l’homosexualité masculine, se construisent principalement autour de la sexualité. En projetant l’image d’une femme âgée désexualisée, il est facile de passer inaperçue en tant que lesbienne et d’échapper à tout soupçon. Cependant, ces mêmes suppositions rendent difficilement concevable qu’une femme âgée puisse s’identifier comme lesbienne, même en présence d’indications évidentes.

Même si tu as une girlfriend dans la vie, tu es [perçue comme] une femme seule. If you are not with a man, you are a single woman, even if you have a girlfriend. Aînée, Montréal (RQASF, 2003 : 168[UQAM1] )

Dans une entrevue, une lesbienne âgée raconte qu’ayant apposé un autocollant arc-en-ciel sur le pare-chocs de sa voiture, elle s’était fait demander si elle savait ce qu’un tel symbole signifiait, comme s’il était impensable qu’elle s’identifie comme lesbienne en toute connaissance de cause.

Par ailleurs, les lesbiennes du troisième âge sont absentes des représentations sociales, que ce soit dans la société en général, dans les médias, au sein des communautés lesbiennes et gaies elles-mêmes, ou dans le monde scientifique, y compris dans la recherche féministe et gérontologique.

Des trajectoires de vie multiples

Certains clichés ayant la vie dure concourent également à l’occultation des réalités des lesbiennes aînées, notamment celui de la lesbienne-célibataire-et-sans-enfants, qui présuppose que le statut de mère ou de grand-mère est incompatible avec une identité lesbienne. Les approximations tirées de diverses études indiquent qu’entre le cinquième et la moitié des lesbiennes âgées ont été mariées (à un homme) à une certaine période de leur vie. Elles ont mis au monde et éduqué un ou plusieurs enfants dans des proportions légèrement inférieures[4]. Elles sont également nombreuses à avoir eu des partenaires sexuels masculins, sans jamais s’être mariées (Koh et Ross, 2006).

Bien que les études établissent souvent une distinction entre celles ayant ressenti très tôt des attirances envers d’autres femmes et celles pour qui de tels désirs sont apparus tardivement, les trajectoires sexuelles et identitaires sont multiples et ne se réduisent pas à ces deux profils. La pression pour devenir épouse et mère en a poussé plusieurs à renoncer à leurs préférences sexuelles conscientes. Celles qui passaient outre se voyaient coincées entre la nécessité de se dérober aux regards, vu la condamnation unanime du lesbianisme, et le risque d’être rejetées et repoussées dans la marginalité si leur orientation sexuelle devenait connue, volontairement ou accidentellement. Entre le secret et l’exclusion sociale, peu d’options s’offraient à elles.

Comme je ne pouvais pas vivre comme ça, cachée, et que  je ne pouvais pas vivre ouvertement non  plus, j’ai essayé de sortir avec des hommes à ce moment-là. C’est pas que ça m’a déplu, parce que j’ai rien contre les hommes, absolument rien, mais j’étais pas bien avec eux, ça a duré à peu près cinq ans ça aussi. […] Là au moins, je pouvais sortir, je pouvais parler librement. Personne me regardait, personne me garrochait toutes sortes d’affaires. Doris (Chamberland, 1996 : 155)

J’ai eu un épisode avec un gars que j’ai marié. Ça fait très dur parce que je l’ai rencontré en juillet, je me suis mariée en octobre et je me suis séparée en janvier de la même année. Il était fin, doux, il avait une profession aussi, j’allais faire plaisir à ma mère. J’aimais l’être humain qu’il était mais quand je me suis retrouvée dans un lit avec lui, ça a été horrible. Danielle (Chamberland, 1996 : 155)

Dans un tel contexte, surmonter les obstacles qui les empêchaient de vivre leur lesbianisme (survivre économiquement, se trouver une conjointe, des amies, vivre sans mots pour le dire, se cacher, etc.) pouvait s’avérer un processus long, ardu et sinueux (Chamberland, 1996; Claassen, 2005).

La diversité des parcours antérieurs se répercute sur la composition du réseau relationnel des lesbiennes âgées et les possibilités d’obtenir diverses formes de soutien. Pour échapper au contrôle familial, plusieurs, surtout parmi les plus vieilles, n’ont maintenu que des liens faibles et distants avec leurs parents, leur fratrie et leur parenté. Le dévoilement de l’orientation sexuelle a pu affecter négativement les relations familiales, sous forme de mutisme imposé, d’affronts lesbophobes, voire d’un rejet et d’une perte de contacts[5]. Un rapprochement a pu s’effectuer par la suite, en particulier lorsque le style de vie (partenaire stable, réussite professionnelle) s’accordait avec les modèles approuvés par la famille – sauf sur le plan de l’orientation sexuelle. Le plus souvent, les liens familiaux se sont renoués ou raffermis sur une base sélective, selon les attitudes manifestées envers le lesbianisme. Les dynamiques familiales peuvent également varier selon les contextes ethnoculturels (Cahill et coll., 2000 ; Hunter, 2005 ; Kimmel et coll., 2006). Lorsqu’il est présent, le soutien reçu de la part de membres de la famille d’origine contribue fortement au sentiment de bien-être personnel (Orel, 2006b).

Les relations entretenues avec les enfants montrent également beaucoup de variabilité dans leur qualité et leur intensité (Weinstock, 2004). Leur présence dans la vie de leurs mères est survenue à travers des chemins et à des âges différents, et la qualité de la relation fluctue, parfois à l’intérieur d’une même cellule familiale. À la suite de la divulgation de l’orientation sexuelle, le lien a pu se rompre momentanément, par exemple avec le retrait de la garde de l’enfant au lendemain d’une séparation, ou s’affaiblir consécutivement aux réponses des jeunes – à l’adolescence et à l’âge adulte – à la divulgation de l’homosexualité de leur mère (Hunter, 2005; Veilleux, 1998).

[…] l’idée d’avoir une mère qui est lesbienne, ça le [son fils aîné] dérange. Il a fait des efforts pour se situer, mais il dit : «Moi, je suis un homme et toi, tu dis non aux hommes, alors moi où je suis?» Quand ils avaient 10 ans, je leur ai dit que j’avais deux fils et qu’ils auraient toujours une place spéciale… mais il ne serait pas prêt à ce que cela se sache tant que ça. Il ressent un certain malaise. Diane (Veilleux, 1998 :  108)

Selon les circonstances et le degré d’intimité maintenu, les relations avec les enfants sont la source d’une aide fonctionnelle appréciable et, beaucoup plus rarement, d’un soutien émotionnel. Pour les lesbiennes ayant des petits-enfants, l’investissement dans un rôle grand-parental, la manière dont elles s’en acquittent de même que les bénéfices qu’elles en tirent (amour inconditionnel des enfants, sentiment de continuité de la famille, etc.) ne semblent guère influencés par leur orientation sexuelle, si ce n’est du poids accru de leurs enfants, devenus parents, dans les décisions concernant l’accès qu’elles – et leur partenaire éventuellement – auront à leurs descendants afin de partager des moments avec eux. La question du coming out soulève également des préoccupations quant aux réactions des petits-enfants, mais aussi de leurs parents. Pour sa part, le rôle de grand-mère non biologique semble plus malaisé à endosser et à faire reconnaître, ce qui peut causer des tensions au sein du couple lui-même (Cahill, 2000; Orel, 2006a; Whalen et coll., 2000).

Bien qu’il soit quasiment impossible d’en estimer précisément la fréquence, le couple occupe une position centrale dans la vie des lesbiennes âgées: une proportion substantielle d’entre elles (de 40 à 80% selon les études) seraient engagées dans une relation conjugale qui prend le plus souvent, mais pas toujours, la forme d’une cohabitation[6]. Les attentes et les bénéfices qui y sont associés sont nombreux: compagnonnage et partage des moments intenses, stabilité émotionnelle, capacité d’entraide, notamment face aux problèmes de santé, revenu supérieur (Clunis et coll., 2005). La conjointe apparaît comme la première et la plus importante source de soutien, quelle que soit la nature des besoins (Chamberland et Paquin, 2004; Comerford et coll., 2004; Clunis et coll., 2005; Hunter, 2005, Veilleux, 1998).

En général, les recherches constatent un sentiment de bien-être plus élevé chez les lesbiennes en couple que chez les célibataires, ce qui serait relié à une vie sexuelle plus active et plus satisfaisante, à moins de solitude et de stress, à l’absence de regrets par rapport à leur lesbianisme, à une meilleure santé physique et mentale ainsi qu’à la présence dans l’entourage d’un plus grand nombre de personnes étant au courant de l’orientation sexuelle et pouvant fournir de l’assistance en cas de besoin (Cahill et coll., 2000; Gabbay et Wahler, 2002; Garnets et Peplau, 2006; Koh et Ross, 2006).

Les études comparatives sur les couples de tous âges en soulignent les ressemblances, quelle que soit l’orientation sexuelle, en ce qui a trait à la qualité, la cohésion, l’intimité, la satisfaction et la durée de la relation conjugale (Hunter, 2005). Cependant, les couples de même sexe, y compris ceux du troisième âge, peuvent faire face à des défis particuliers, tels le peu de modèles, le manque de reconnaissance sociale et de soutien de la part de la famille et de l’entourage lorsqu’il y a ignorance ou réticence par rapport à l’orientation sexuelle. Sur le plan juridique, les législations québécoises et canadiennes accordent désormais une égalité formelle aux couples de même sexe (CSQ, 2007), mais ces avancées sont récentes et il n’est pas sûr que les cohortes des plus âgées sont et seront en mesure de profiter pleinement de leurs retombées. Avec le vieillissement, la vie de couple devient plus valorisée et son absence, par exemple à la suite d’un deuil, est crainte parce que synonyme d’un état d’abandon (Comerford et coll., 2004; Heaphy et coll., 2004). La mort ou la maladie d’une partenaire de vie peut s’avérer particulièrement douloureuse lorsque le couple vit replié sur lui-même et que le lien conjugal et, par conséquent, la sévérité de la perte ne sont pas reconnus par l’entourage, tandis qu’il n’existe pas d’alternatives sur le plan du soutien.

Dans notre couple, on est bien. Mais si je me retrouvais toute seule, à qui je pourrais parler de Catherine? Si j’avais besoin d’en parler : «Ma blonde vient de mourir et je m’ennuie. Catherine faisait ça, Catherine aimait ça.» C’est dans ce sens-là que je vois que quand tu deviens seule, même si tu es encore autonome, tu es pognée dans une maison de personnes âgées et là, il faut que tu en trouves une vieille lesbienne qui va te jaser. C’est qui? Ce n’est pas écrit dans le front! Surtout que plus tu vieillis, moins ça paraît. Il faut que tu essaies de faire des contacts et là, tu n’as peut-être plus l’énergie pour le faire. Moi, c’est ça qui me manquerait… parler à quelqu’un de mon affaire. Isabelle, 63 ans. (Chamberland et Paquin, 2004 : 92)

Avec l’avancement en âge, la difficulté de trouver une nouvelle conjointe s’accentue, d’autant plus que les contextes offrant des possibilités de rencontre sont rares (Heaphy et coll., 2004).

Tu vas dans les clubs et c’est rien que du Disco. Il n’y a même pas de place pour des femmes gaies âgées. Pauline, 65 ans (Chamberland, 2003 : 97)

Par contre, il semble que l’apparence physique et une image corporelle associée à la minceur et à la jeunesse joueraient un rôle moins important dans la formation et le maintien des liens sexuels et amoureux chez les lesbiennes d’âge mûr ou plus âgées (Gabbay et Wahler, 2002; Garnets et Peplau, 2006; Koh et Ross, 2006).

Les études convergent sur un autre point, soit l’importance du cercle d’amies composé principalement de pairs en termes de sexe, d’âge et d’orientation sexuelle, et incluant souvent une ou plusieurs ex-conjointes (Goldberg et coll., 2005; Grossman, 2006; Hunter, 2005; Richard et Brown, 2006; Weinstock, 2004).

Mon ex de l’époque, c’est aussi ma meilleure amie. […] Quand je vois du monde qui appelle leurs sœurs et leurs frères, moi, je n’ai plus de famille. J’ai rompu avec ma famille  Iris, 61 ans (Chamberland et Paquin, 2004 : 68)

Ces amitiés viennent compenser des liens familiaux manquants ou faibles, ou se juxtaposent aux relations maintenues sélectivement avec des membres de la famille d’origine. Les lesbiennes célibataires ont plus d’amies intimes que celles en couple et s’investiraient davantage dans les réseaux communautaires (Gabbay et Wahler, 2002; Garnets et Peplau, 2006; Richard et Brown, 2006). Le noyau de proches – comprenant, selon le cas, conjointe, relations amicales ou membres de la famille – est parfois assimilé à une famille choisie, une appellation que d’autres contestent puisqu’elle maintient l’hégémonie du modèle familial (Gabbay et Wahler, 2002; Weinstock, 2004)[7]. Quoi qu’il en soit, le réseau amical revêt une importance grandissante avec l’avancement en âge et constitue une source majeure de différents types de soutien: aide pratique, appui émotionnel, soins et accompagnement en cas de problèmes de santé, conseils de toutes sortes, assistance financière[8]. La transparence des relations amicales de même que la communauté d’expériences vécues facilitent le partage et la compréhension mutuelle de certains problèmes, par exemple le deuil d’une conjointe ou d’une amie de longue date, ou encore la crainte que l’orientation sexuelle ne soit révélée à des tiers.

Le support émotif, c’est la pierre angulaire, la force, de nos systèmes de support que j’ai découverte avec les lesbiennes. Maintenant, j’ai aussi quelques personnes hétéros qui peuvent me donner ça aussi, mais c’est encore plus complet, ce système de support émotif chez les amies lesbiennes. C’est peut-être parce qu’il n’y a rien de caché, qu’il n’y a pas de non-dit, c’est plus ouvert… La confiance, aussi, l’acceptation. Pauline (Veilleux, 1998 : 128-129)

Le support moral vient plus de mon réseau d’amies lesbiennes. C’est vraiment autour des ruptures, des difficultés dans les relations, les difficultés financières ou autres. […] Je pense que c’est le type d’appui que tu peux juste avoir d’une autre lesbienne, quand tu passes une période difficile. Barbara (Veilleux, 1998 : 129)

Outre le fait qu’elles facilitent l’adaptation au vieillissement, ces amitiés sont d’un apport indispensable pour faire face à la stigmatisation sociale, diminuer les risques d’isolement et partager les préoccupations les plus intimes. Elles comblent les besoins de légitimation de soi en tant que lesbienne et alimentent un sentiment d’appartenance collective dans un monde où le lesbianisme demeure occulté et ne s’incarne à peu près jamais sous les traits d’une vieille femme (Barker, 2004; Grossman, 2006; Richard et Brown, 2006; Weinstock, 2004). En somme, de telles amitiés «contribuent à créer un espace social positif qui rend visible et valorise l’existence en tant que lesbienne» (Veilleux, 1998 : 136).

L’insécurité financière est souvent mentionnée comme une préoccupation majeure chez les lesbiennes âgées (Barker, 2004; Cahill et coll., 2000; Clunis et coll., 2005; Gabbay et Wahler, 2002; Richard et Brown, 2006). De fait, leur condition économique réelle demeure largement méconnue. Leurs niveaux de revenus et leurs perspectives d’avenir varient sans doute en fonction des variables déjà connues influençant la stratification socioéconomique (éducation, métier ou profession, vie seule ou en couple, situation géographique, etc.) (Claassen, 2005). D’un côté, la discrimination en emploi subie antérieurement sur la double base du sexe et de l’orientation sexuelle, dans un contexte défavorisant à la fois les femmes et les personnes homosexuelles, se répercute sur leur situation financière actuelle. Comme bien d’autres femmes, plusieurs lesbiennes connaissent  la pauvreté dans leurs vieux jours, surtout parmi celles ayant été discriminées à plus d’une reprise sur le plan de l’emploi ou ayant opté pour des voies non traditionnelles (travail autonome, par exemple) afin de préserver leur autodétermination.

En outre, bien souvent, les lesbiennes aujourd’hui âgées n’ont pas pu tirer parti de leur situation conjugale dans le passé, celle-ci n’étant pas reconnue juridiquement, pour profiter d’avantages financiers et autres liés à ce statut (par ex., participation à un régime d’assurances conjoint, partage de fonds de retraite). D’un autre côté, on peut penser que certains facteurs de paupérisation des femmes âgées jouent moins dans leur cas. En tant que lesbiennes, elles se voyaient davantage forcées de développer des stratégies pour maintenir leur autonomie économique, notamment par une participation continue sur le marché du travail, l’amélioration de leurs qualifications scolaires et professionnelles, un investissement soutenu dans la carrière et, lorsque c’était possible, une cotisation régulière à un fond de retraite ou l’achat d’une maison. De même, ne comptant sur personne d’autre, un certain nombre, mais pas toutes, ont pu prévoir et planifier leur retraite du monde du travail. Il reste que la situation économique affecte l’ensemble des conditions de vie des lesbiennes âgées; sa détérioration peut aggraver d’autres problèmes et vient limiter l’éventail des solutions envisageables, y compris les choix résidentiels.

L’adaptation au vieillissement

Tout en reconnaissant que l’homosexualité ne constitue pas une pathologie en soi, plusieurs études font état des conséquences néfastes pour la santé physique et mentale pouvant découler du stress engendré par l’appartenance à une minorité sexuelle. La notion de stress lié aux statuts des minoritaires (minority stress)[UQAM2]  renvoie aux expériences vécues, directement ou indirectement (en tant que témoin ou soutien d’une personne victimisée), de dénigrement, de rejet, de discrimination ou même de violence. Elle réfère également aux pressions consécutives à l’intériorisation des jugements qui condamnent l’homosexualité, aux tensions liées à la crainte que l’orientation sexuelle ne soit découverte ainsi qu’à l’inhibition des émotions qu’entraîne le secret forcé sur ce pan de sa vie.

Je me suis fait câlisser dehors à ben des places à cause de ça. C’est se faire mettre dehors de partout : me faire mettre dehors de chez nous, du centre d’accueil, de la maison de chambres. Ça a été le rejet, rejet, ça a toujours été du rejet. Quand tu te fais rejeter de même, tu viens que tu te rejettes toi-même avant que les autres te rejettent, tellement que tu deviens écoeurée. […] C’était rough, parce que quand tu décides de partir de chez vous, t’as seize ans, t’as déjà accumulé des souffrances, pis tu t’en vas dehors dans le monde pis tu te fais écœurer encore, ostie! Tu refoules ça en dedans, tu bois, tu te drogues, tu connais toute cette maudite vie-là. Tout le mal en dedans, le ressentiment, la haine… on s’étouffait en maudit avec ça. Paulo (Chamberland, 1996 : 64)

L’effort continuel que ça demandait de ne pas dire «nous» [elle-même et sa conjointe], de dire «je». On disait pas : «Nous avons aimé telle chose, nous sommes allées au cinéma.» Tout était filtré. Tu filtres toute ta vie en disant «je», pas «nous». Fallait pas avoir aimé les mêmes choses, fallait pas donner l’impression qu’on était allées à la même place. On n’en parlait jamais. Ça annulait la vie quotidienne. […] C’était devenu une obsession […]. Ça sonnait à la porte, on regardait s’il y avait quelque chose qui traînait quelque part… des vrais pompiers pour faire le ménage… c’était vraiment devenu obsessionnel le fait de vouloir cacher, que ça se sache pas. Lucille (Chamberland, 1996 : 63)

Les difficultés d’ajustement qui peuvent en résulter se manifestent par des indices de précarité sur le plan de la santé mentale (faible estime de soi, niveau élevé de détresse psychologique, idées suicidaires) et des comportements à risque, telle la consommation d’alcool ou de drogue (Balsam et D’Augelli, 2006; Cahill et coll., 2000; Grossman, 2006; Koh et Ross, 2006).

Rappelons-le: les lesbiennes âgées ont vécu leur jeunesse, sinon une partie de leur vie adulte, dans un contexte où la sexualité entre personnes du même sexe était considérée comme illégale, immorale et pathologique. Malgré des avancées indéniables sur les plans social et législatif, l’hétérosexisme (croyance en la normalité ou la supériorité de l’hétérosexualité, présomption d’hétérosexualité appliquée à tous les individus), l’homophobie (crainte irrationnelle ou haine envers les personnes homosexuelles) et la lesbophobie (déni et occultation du lesbianisme, dépréciation des femmes lesbiennes en particulier) perdurent dans l’environnement social et institutionnel.

Les études sur l’adaptation psychosociale des lesbiennes âgées brossent des portraits contrastés: certaines mettent l’accent sur les effets cumulés ou irréversibles de l’oppression qu’elles ont subie tout au long de leur vie, tandis que d’autres soutiennent que celles qui sont parvenues à affirmer leurs préférences sexuelles malgré les limitations sociales qui leur étaient imposées ont acquis par là même des compétences qui les aident à faire face aux défis du vieillissement. La variation des observations empiriques est attribuable pour une part aux différents types d’échantillons de même qu’à leur petite taille dans bon nombre d’études[9]. Outre qu’elle empêche toute généralisation hâtive, elle met en évidence la nécessité de prendre en considération l’interaction entre divers facteurs qui peuvent accroître ou tempérer la vulnérabilité aux effets potentiels de la stigmatisation sociale du lesbianisme.

Certaines études confirment en effet l’impact des facteurs de risque liés au contexte social. Ainsi, les expériences de victimisation, l’adhésion à des croyances hétérosexistes ou l’inconfort ressenti eu égard à sa propre orientation sexuelle se répercutent défavorablement sur la santé psychologique des lesbiennes âgées (Balsam et D’Augelli, 2006; D’Augelli et Grossman, 2001; Grossman, 2006). À l’inverse, on observe un effet bénéfique sur la santé mentale et l’estime de soi d’une vision positive de sa sexualité et de l’affirmation de son lesbianisme dans les différentes sphères de vie, dans la mesure où le coming out traduit l’aisance avec sa propre orientation sexuelle (Gabbay et Wahler, 2002; Grossman, 2006; Koh et Ross, 2006).

Dans l’ensemble, les difficultés majeures auxquelles se heurtent les lesbiennes d’âge avancé sont: la solitude, la perte des personnes proches (famille, amies), l’intériorisation de préjugés relevant du sexisme et de l’âgisme, les préoccupations économiques, la détérioration de la santé physique et cognitive, les difficultés d’accès aux soins de santé, la diminution progressive de leur autonomie et la crainte de dépendre d’autrui[10]. À première vue, ces problèmes ne diffèrent pas de ceux vécus par les femmes hétérosexuelles vieillissantes. Toutefois, certains d’entre eux peuvent se présenter de manière particulière ou s’aggraver par suite des conséquences de l’ostracisme social (passé et actuel) envers les personnes homosexuelles. Ainsi, les lesbiennes aînées vivent plus souvent seules, sans conjointe ni enfants, comparativement aux femmes hétérosexuelles (Cahill et coll., 2000, Weinstock, 2004). La dissimulation du lesbianisme pour se protéger contre d’éventuelles discriminations, les possibilités restreintes de socialisation avec des pairs, notamment en milieu rural, accroissent le risque d’isolement, surtout sur le plan affectif (Chamberland, 2003; Comerford et coll., 2004; Gabbay et Wahler, 2002; Heaphy et coll., 2004; Hunter, 2005, 2007; Veilleux, 1998).

On ne peut pas dire que ce soit facile de vieillir dans le monde gai. […] Je ne sais pas, un jour, je vais rencontrer quelqu’un qui s’assume, qui est bien, qui est positive, qui ne boit pas. Qu’elle fume, ça ce n’est pas grave. Un verre, je n’ai rien contre ça. Mais qui soit bien dans sa peau, il n’y en a pas beaucoup […]. Je me dis : «Il y en a, je ne suis pas toute seule.» Des fois, je me sens toute seule, je me dis : «Je vais me mettre une pancarte sur le front “je suis disponible”» [rire]. Je veux une relation […]. Je vis beaucoup de solitude là-dedans […]. Je ne trouve pas ça évident […]. Je regrette, j’ai beaucoup de regrets […]. J’aurais dû m’assumer plus jeune, c’est mes préjugés qui ont fait que j’ai bloqué. Aînée, Montréal (RQASF, 2003 : 167)

Les craintes associées à la détérioration de la santé physique seront intensifiées par la peur que personne ne prenne soin d’elles, de mourir seules, sans personne pour pleurer leur départ (Barker, 2004; Grossman, 2006; Schope, 2005).

J’ai l’impression qu’on va faire dur […]. Je ne me vois pas dans un foyer, dans un centre d’accueil […] comme lesbienne, avec des préposés gars […] ou une bonne fille pas du tout à l’aise ou sensibilisée à ça […]. C’est préoccupant, je trouve. Aînée, Montréal (RQASF, 2003 : 168)

J'ai peur. J’ai vraiment peur de, tu sais... de la solitude. […] Et je pense que cette crainte est réaliste, car je travaille en gériatrie et je sais ce qui vous arrive quand vous n'avez pas le soutien de votre famille et des choses comme ça... Je sais ce qui arrive aux personnes qui deviennent un peu confuses et qui essaient de s'occuper de leurs affaires! Mon dieu! Et, à voir le genre de décisions que les gouvernements prennent, je sais que nous serons encore plus dépendants de la famille. Je ne crois pas qu'entre amies nous arriverons à nous soutenir comme une famille, autant que possible. Je suis vraiment terrifiée à l’idée de vieillir! Maryann (Veilleux, 1998 : 168, notre traduction)

Autrement dit, si la solitude est d’abord une conséquence du vieillissement (baisse d’énergie et de mobilité, deuils, exclusion sociale des personnes âgées), elle peut s’accentuer ou trouver plus difficilement remède à cause des effets de l’oppression liée à l’orientation sexuelle, tout dépendant également des particularités de l’environnement immédiat. Bref, il n’est pas toujours facile de démêler les effets enchevêtrés du sexisme, de l’âgisme et de la lesbophobie.

Certains éléments agissent comme facteurs de protection du bien-être des lesbiennes âgées: un niveau élevé d’éducation, l’accès à de meilleurs revenus, une bonne santé physique et cognitive, la présence d’une partenaire de vie, l’implication dans un rôle parental, les capacités individuelles de résilience, la possibilité de conserver son domicile et l’accès à un large réseau social capable d’offrir diverses formes de soutien (Beeler et coll., 1999; Grossman, 2006; Jacobs et coll., 1999). Dans la mesure où ils peuvent résulter de conduites et d’attitudes modifiables, les recherches les identifient comme des ingrédients essentiels pour un vieillissement réussi. Dans les études faisant appel à des participantes volontaires, la majorité de aînées lesbiennes se déclarent en bonne santé mentale. Plusieurs témoignent d’un sentiment de liberté et d’accomplissement, se disent satisfaites de leur vie et confiantes dans leur capacité de s’ajuster à cette nouvelle étape (Cahill et coll., 2000; Clunis et coll., 2005; Gabbay et Wahler, 2002; Goldberg et coll., 2005; Grossman, 2006; Hunter, 2005; Schope, 2005). Ces perceptions positives seraient principalement tributaires de leurs expériences de vie. L’indépendance acquise, la démonstration de leurs capacités d’autosuffisance nourrissent leur fierté et la confiance en l’avenir.

J’aime la femme que je suis devenue… le fait que je n’ai pas peur de vieillir… que je suis encore en bonne forme. J’aime le fait que j’ai beaucoup d’amies… J’aime l’expertise que j’ai acquise au fil des années, mon expérience, mon vécu. J’aime la vie, j’aime ma vie, j’aime vivre. Irène (Veilleux, 1998 : 169)

Pour certaines, la retraite de même que les attentes sociales qui minorent la sexualité chez les femmes âgées signifient également un soulagement par rapport à la pression de maintenir une façade hétérosexuelle, notamment dans l’environnement de travail.

L’acceptation et l’affirmation de son orientation sexuelle apparaissent comme des variables-clés d’une bonne adaptation au vieillissement. Cependant, cette proposition appelle quelques nuances. Pour les plus âgées ou celles ayant survécu dans un environnement hostile, la dissimulation de leur orientation sexuelle a pu s’avérer une protection efficace contre le rejet social et la discrimination, et permettre de sauvegarder une image positive de soi sur les plans personnel et professionnel. Ainsi, la réussite de la carrière, même au prix du secret, a pu favoriser l’adaptation au contexte sociohistorique, tout en assurant l’autonomie économique (Adelman, 1991).

Ma vie, c'était comme deux vies différentes. Il y avait mon travail d'un côté, et mon homosexualité de l'autre. [...] Parce que quand je travaillais, on pouvait perdre notre emploi, on aurait pu perdre notre emploi, juste comme ça. Louise (Veilleux, 1998: 121, notre traduction)

J’étais dans un domaine où je ne pouvais pas [me dire lesbienne]. Je travaillais comme vendeuse, j’aurais perdu mon emploi, donc je ne pouvais pas. C’est aussi que je n’aurais pas pu survivre si j’avais perdu mon emploi. C’est une des raisons pour lesquelles je suis retournée aux études… pour être capable de travailler où je voulais et où je savais que je serais acceptée, pour arrêter de me cacher. Irène, mère monoparentale de 5 enfants après son divorce (Veilleux, 1998 : 120)

La séquence de développement d’une identité lesbienne – et non l’âge comme tel – revêtirait également de l’importance: expérimenter le lesbianisme, avant d’endosser une telle définition de soi est relié à une satisfaction plus élevée vis-à-vis de soi-même et de son passé. Un tel déroulement aura permis à la personne de s’ajuster aux pressions adverses et de s’assurer qu’elle disposait des ressources nécessaires pour y parvenir. Au contraire, l’impression d’avoir échoué dans sa vie, sa carrière, ses relations à cause de son orientation sexuelle, soit faute de l’avoir assumée, soit à cause des ennuis qui en ont découlé, entraîne de l’insatisfaction dans le vieil âge (Adelman, 1991; Gabbay et Wahler, 2002; Hunter, 2005).

Certaines études vont jusqu’à avancer que les aînées lesbiennes, en particulier celles ayant assumé leurs préférences sexuelles au cours de leur vie, ont acquis à travers ce cheminement des compétences comportementales et affectives qui les aident à faire face aux difficultés associées au vieillissement. Ainsi, elles auraient développé une capacité de résilience, tant sur le plan psychologique que dans leur aptitude à rechercher de l’aide à travers l’utilisation de services de psychothérapie et la création de réseaux de soutien alternatifs (Cahill et coll., 2000; Clunis et coll., 2005; Hunter, 2005; Koh et Ross, 2006). Une étude canadienne confirme que les lesbiennes de tous âges sont plus susceptibles de consulter les services en santé mentale que les femmes hétérosexuelles (Tjepkema, 2008). À la suite d’expériences de rejet, les lesbiennes auraient appris à s’adapter à des changements brusques ou forcés tels que les deuils, maladies, perte du domicile (Friend, 1991). Leur sentiment d’indépendance se traduirait par une approche responsable et préventive, qu’il s’agisse de planifier leur retraite, maintenir leur santé physique et leurs capacités intellectuelles, et demeurer socialement actives (Gabbay et Wahler, 2002).

J’ai toujours compté sur moi-même. […] Je n’ai jamais demandé d’aide de personne. Pauline, 65 ans (Chamberland et Paquin, 2004 : 88)

Leur résistance aux stéréotypes et aux normes sociales les rendrait moins sensibles à certains effets du sexisme et de l’âgisme, comme la dépréciation de leur image corporelle (Gabbay et Wahler, 2002; Schope, 2005). De même, leur flexibilité par rapport aux rôles de genre faciliterait le réaménagement du quotidien à la suite de la perte d’une conjointe; les lesbiennes de milieux ruraux s’y seraient adaptées en faisant preuve de beaucoup d’autonomie, comme l’exige la ruralité, et en entretenant de nombreuses relations amicales, y compris avec les voisins (Comerford et coll., 2004). Cette approche optimiste fait toutefois l’objet de critiques: l’importance accordée aux mécanismes de résilience comme déterminant principal de l’ajustement au vieillissement sous-estime l’influence de facteurs économiques, matériels, physiques, sociaux et culturels sur la façon dont les lesbiennes négocient leur vie en prenant de l’âge, tout en restant aux prises avec les effets du sexisme, de l’hétérosexisme et de la lesbophobie qui s’ajoutent à ceux du vieillissement (Heaphy et coll., 2004, Koh et Ross, 2006; Schope, 2005).

Lesbienne et âgée: quels risques pour la santé?

En l’absence d’informations contraires, on peut penser que les maladies, chroniques et autres, liées à l’avancement en âge sont les mêmes pour toutes les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle. Cependant, certaines études se sont penchées sur de possibles disparités, en défaveur des lesbiennes, eu égard à certains types de cancer. L’inconsistance des données disponibles et l’absence de vastes études épidémiologiques qui incluraient l’orientation sexuelle parmi les variables examinées empêchent de tirer des conclusions définitives (Brown et Tracy, 2008 ; Cahill et coll., 2000), toutefois, les hypothèses sont suffisamment sérieuses pour être exposées. Leur discussion permet également d’illustrer les impacts de l’occultation du lesbianisme à toutes les étapes de la prise en charge des problèmes de santé: recherche, prévention, dépistage et traitement.

Selon des sources qui recensent les publications médicales, on retrouverait chez les lesbiennes, comparativement aux femmes hétérosexuelles, une plus forte prévalence de certains facteurs de risque associés au cancer du sein: la nulliparité, la consommation d’alcool, le tabagisme, le surplus de poids et le manque d’exercice physique[11]. Plusieurs de ces facteurs sont également mis en lien avec un type ou un autre de cancer (Brown et Tracy, 2008; Cahill et coll., 2000). Pour ce qui est du cancer du col de l’utérus, les lesbiennes bénéficieraient moins des facteurs de protection comme les grossesses multiples et l’usage de contraceptifs oraux (Brown et Tracy, 2008). Sauf pour la probabilité plus faible d’avoir enfanté, il s’agit là d’habitudes néfastes pour la santé, qui sont le plus souvent considérées comme des réponses malsaines au stress consécutif à l’appartenance à une minorité ostracisée socialement.

Le tabagisme et la consommation d’alcool peuvent aussi être reliés aux styles de vie induits par les seuls espaces de socialisation disponibles dans certains contextes (bars, partys privés) (Barker, 2004; Clunis et coll., 2005; Fish, 2006). En contrepartie, la santé émotionnelle, le soutien d’une conjointe et d’un réseau social, le fait d’avoir subi moins de discrimination au cours de la vie, l’activité physique et un bon niveau de revenu influencent positivement l’état de santé physique en général (Comerford et coll., 2004; Goldberg et coll., 2005; Grossman, 2006). Soulignons qu’il s’agit de facteurs de risque relatifs, que la plupart sont de nature comportementale, donc dépendants d’une série de variables socioéconomiques et culturelles, et modifiables au cours d’une vie. Par ailleurs, les informations sur l’état de santé général et les habitudes de vie des lesbiennes âgées québécoises sont pratiquement inexistantes[12]. Une certaine prudence s’impose donc avant d’importer ici les conclusions d’études principalement états-uniennes.

Il en va de même pour les carences identifiées sur le plan du dépistage du cancer du sein, que certaines études assimilent à un facteur de risque étant donné l’importance d’un diagnostic précoce pour un traitement réussi. Nous ne discuterons pas ici de l’efficacité des méthodes de dépistage (auto-examen des seins, mammographie, examen clinique). Les recherches aboutissent à des résultats contradictoires quant à la régularité de ces pratiques (Brown et Tracy, 2008; Fish, 2006; Grindel et coll., 2006; Tjepkema, 2008). Outre les barrières et les incitatifs présents chez toutes les femmes, certaines études constatent un recours moins fréquent aux mammographies préventives parmi les lesbiennes, attribué à la piètre relation de confiance qu’elles auraient envers les médecins et le système de santé. D’autres observent un taux égal ou supérieur, qui s’expliquerait par la conscientisation de certaines lesbiennes par rapport aux risques encourus, ce qui les inviterait à plus de vigilance, en particulier [UQAM3] lorsque apparaissent d’autres signaux d’alerte, comme un diagnostic positif chez une parente.

Au Canada, une étude récente a observé que la prévalence de radiographies du sein au cours des deux années précédentes était la même chez les femmes de 50 à 59 ans hétérosexuelles et lesbiennes, mais un peu plus faible pour les bisexuelles (Tjepkema, 2008). À cet égard, le programme québécois de mammographie préventive offert à toutes les femmes de 50 ans et plus constitue une initiative heureuse. On ignore toutefois son efficacité à joindre spécifiquement les femmes non exclusivement hétérosexuelles. Si, de toute évidence, le système de santé détermine pour une large part l’accès aux diagnostics préventifs, il est néanmoins intéressant de relever que les rares programmes ciblés de sensibilisation produisent des résultats positifs en matière de dépistage chez les lesbiennes (Brown et Tracy, 2008).

Pour ce qui est du cancer du col de l’utérus, toutes les études attestent que les lesbiennes de différents groupes d’âge passent moins fréquemment le test Pap (Brown et Tracy, 2008; Cahill et coll., 2000; Grindel et coll., 2006; Washington et Murray, 2005). Les obstacles à la prévention relèveraient de la piètre communication entre la patiente et le médecin, aux malaises de part et d’autre autour de la divulgation de l’orientation sexuelle, de même qu’au manque de formation et de sensibilité des milieux de la santé, où ne circule guère d’information sur la santé des lesbiennes de tous âges et où on croit à tort qu’elles seraient relativement à l’abri de ce type de cancer. Là encore, d’autres variables telles que l’éducation, le revenu, les assurances, influencent l’accès aux soins de santé en général, incluant les examens de dépistage. Mais l’universalité et la gratuité des soins n’aplanissent pas toutes les difficultés. L’étude de Statistique Canada sur l’utilisation des services de santé en fonction de l’orientation sexuelle constate des différences marquées en ce qui concerne les lesbiennes: celles-ci sont moins susceptibles d’avoir un médecin de famille, elles utilisent moins ses services, elles sont plus nombreuses à déclarer des besoins de santé non satisfaits au cours de l’année écoulée et la probabilité d’avoir subi un test Pap au cours des trois dernières années est plus faible que chez les femmes hétérosexuelles (Tjepkema, 2008). Malheureusement, l’étude n’incluait pas les femmes de plus de 59 ans.

Selon quelques études qualitatives, la majorité des lesbiennes âgées ne divulguent pas en général leur orientation sexuelle à leur médecin, à la fois par manque de confiance et parce qu’elles n’en voient pas la nécessité, tout en se disant prêtes à en parler si un motif le justifie ou à répondre franchement à des questions relatives à leur sexualité.

J’aime beaucoup mes médecins, mais je ne vois pas la nécessité de leur dire que je suis lesbienne. Je n’ai pas de maladie… il n’y a pas de maladies de lesbienne. Pauline, 65 ans (Chamberland et Paquin, 2004 : 65)

J’ai consulté le même médecin pendant plus de 20 ans et c’était un homme médecin. Ma partenaire consultait aussi ce médecin, mais il n’en avait pas la moindre idée. Il n’a jamais posé de questions et je n’en ai jamais parlé. Et c’est une des raisons pour lesquelles, il y a environ 18 mois de ça, ma partenaire et moi avons changé pour une femme médecin. Alors, nous avions la possibilité de parler ouvertement de qui nous étions, de ce que nous étions et c’est une relation beaucoup plus confortable. Aînée, Vancouver (Brotman et coll., 2006 : 5)

Pour leur part, les médecins ne les questionnent à peu près jamais sur leur vie sexuelle ou amoureuse, surtout lorsqu’elles atteignent un âge avancé et se présentent comme célibataires.

Les expériences des lesbiennes ayant reçu un diagnostic de cancer sont également très peu documentées, notamment quant à l’ajustement à la maladie, aux réponses aux traitements reçus et à la qualité de vie en général. Des études signalent qu’elles rapportent plus de stress et un niveau moindre de satisfaction quant aux soins et au soutien émotionnel obtenus de la part du milieu de la santé, ce qui peut influer sur leur convalescence (Brown et Tracy, 2008; Clunis et coll., 2005). Selon une étude ontarienne qualitative auprès de lesbiennes ayant reçu des traitements pour un cancer du sein, seule une minorité déclare des comportements discriminatoires (par exemple, refus de soins, déni de leur identité lesbienne) ou exprime un sentiment d’isolement.

À partir de ce moment-là [où l’infirmière a su que j’étais lesbienne], [UQAM4] je ne pouvais plus avoir l’aide de personne pour m’aider à sortir du lit. Il a fallu que j’apprenne à retourner au lit moi-même, mais c’était dur. À cause de la douleur, vous savez. Aînée, Vancouver (Brotman et coll., 2006 : 3)

La majorité des participantes déplore toutefois le manque de soutien psychosocial – sauf de la part de leurs pairs (Barnoff et coll., 2005). Les implications sociales et symboliques et esthétiques du diagnostic et des traitements envisagés (comme l’ ablation du sein, la chirurgie de remplacement) demeurent également peu explorées, alors qu’elles peuvent différer pour certaines lesbiennes, ainsi que l’attestent des témoignages qui contestent l’injonction à la reconstruction chirurgicale (Julien, 1997).

Je n'ai pas accepté la reconstruction [du sein atteint de cancer], en dépit de la pression qui a été  (… naturellement ?) exercée sur moi par mes chefs de guerre. Pression institutionnelle en réalité, tout comme l'hétérosocialité qui vous traverse et vous constitue, chères équipes soignantes.

Je n'ai pas accepté la reconstruction parce que j'ai eu la possibilité de réfléchir depuis longtemps, bien avant d’avoir un cancer, sur ce qui contraint toute femme (Femme) à paraître ce qu’elle doit être aussi.

Je n'ai pas accepté la reconstruction parce que je ne me sentais pas «détruite», ni «mutilée». Blessée, menacée, oui, mais dans ma vie d'être humaine, non pas dans la seule «féminité» où l'on aurait voulu me résoudre, via une paire de seins. (Julien, 1997)

Les lesbiennes seraient moins affectées par les modifications de leur apparence et maintiendraient davantage une sexualité active en cours de convalescence. Il est possible que les normes et les valeurs au sein des communautés lesbiennes atténuent les impacts des changements physiques et autres consécutifs aux traitements, ce qui militerait en faveur de la création de réseaux de soutien adaptés pour elles, où elles n’auraient pas à négocier leur identité lesbienne (Barnoff et coll., 2005; Brown et Tracy, 2008).

En somme, plusieurs aspects devraient recevoir plus d’attention si l’on veut connaître et éventuellement réduire les disparités de risques associés à ces cancers: prise en compte de l’orientation sexuelle dans les recherches; formation des professionnels de la santé; une ouverture envers la clientèle lesbienne; programmes ciblés de prévention et de soutien psychosocial; ressources (comme des dépliants d’information) reflétant et intégrant les réalités lesbiennes.

Par ailleurs, un certain nombre d’études ont documenté les barrières à l’équité dans l’accès aux services de santé, sociaux et résidentiels pour les lesbiennes, aînées ou de tout âge[13]. Les cures de toutes sortes antérieurement imposées pour guérir l’homosexualité de même que les rejets subis nourrissent chez elles une méfiance que l’on peut qualifier d’historique vis-à-vis du système de santé. Plusieurs éléments interagissent pour faire obstacle à l’identification et à la satisfaction de leurs besoins. Le déficit de confiance envers les institutions est entretenu par des pratiques hétérosexistes et le peu d’efforts qui y sont déployés pour créer un climat sécurisant et proactif dans l’adaptation à la diversité sexuelle. L’autocensure des lesbiennes elles-mêmes dans la sphère publique, nourrie par l’appréhension d’éventuelles discriminations, freine l’expression de leurs désirs et de leurs frustrations. Les intervenants et intervenantes sont mal informés des réalités lesbiennes. Certains, même bien intentionnés, prétendent traiter tout le monde également en les considérant de la même façon, sans égard pour leurs expériences de vie particulières. Enfin, une minorité adopte des comportements franchement homophobes ou lesbophobes.

Conclusion

L’hypothèse selon laquelle les lesbiennes seraient plus exposées à certains types de cancer a suscité des critiques (Fish, 2006). Le risque accru, bien que réel, aurait été surestimé selon l’épidémiologiste réputée Susan Cochran. En outre, l’exploitation de telles informations, en particulier dans les médias de masse, pourrait avoir comme contrecoup de pathologiser de nouveau le lesbianisme en y associant des comportements tels que l’obésité ou la consommation d’alcool. Ou encore de réitérer les injonctions faites aux femmes de rester minces, d’avoir des enfants, bref, de renforcer des codes de la féminité qui construisent culturellement l’hétéronormativité. Enfin, est-ce que l’on ne prête pas flanc à la reconduction de stéréotypes en confondant certains comportements (comme ne pas avoir d’enfants) et une identité (lesbienne)? Certes, ces dangers ne sont pas négligeables. Cependant, ne pas envisager les lesbiennes en tant que groupe les maintient dans l’invisibilité et perpétue l’ignorance concernant leurs besoins. En niant la nécessité d’explorer les facteurs qui influencent leur santé physique et mentale, on occulte les conditions sociales qui peuvent mettre celle-ci en péril de même que les barrières à un accès équitable aux institutions et aux services publics et privés.

L’hétérosexisme nous tend un double piège, qui est constamment présent lorsque l’on tente de dépeindre la situation des lesbiennes, y compris les plus âgées: d’un côté, l’invisibilité, de l’autre, l’enfermement dans des catégories discursives réductrices qui cantonnent à la différence (Fish, 2006). Ainsi, pour attirer l’attention des milieux scientifiques, médicaux et gouvernementaux, l’on insistera sur les risques liés à la santé physique et mentale, en particulier dans une société où le prisme de la santé et de la maladie constitue un paradigme omniprésent. La constitution des lesbiennes en «groupe à risque» tend cependant à présenter leurs caractéristiques et leurs situations comme étant homogènes alors qu’elles sont diverses. La dramatisation de certaines facettes occulte d’autres dimensions qui peuvent s’avérer positives pour plusieurs d’entre elles, par exemple, l’autonomie acquise en tant que femme ou la réussite professionnelle. Il en va de même lorsqu’on souhaite améliorer l’accueil réservé aux lesbiennes âgées dans les services: comment mettre fin au silence qui dénie leur existence et les insécurise sans pour autant les confiner à une étiquette qui les oblige à se différencier malgré elles? Une voie s’impose: écouter, susciter leurs paroles multiples.

Quelques ressources

Gay and Lesbian Medical Association, http://www.glma.org. Cette association publie le guide Healthy People 2010 Companion Document for Lesbian, Gay, Bisexual, and Transgender Health, disponible en version PDF sur leur site, de même qu’une revue scientifique sur la santé des minorités sexuelles, Journal of Gay and Lesbian Medical Association.

National Lesbian Health Organization, http://www.mautnerproject.org/home/

Portrait de lesbiennes aînées, vidéo, coproduction du Réseau des lesbiennes du Québec et du Réseau Vidé-elle, avec le soutien de l’Alliance de recherche IREF/Relais-Femmes. Pour plus d’information, consulter le site : http://www.algi.qc.ca/asso/rlq-qln.

Projet Interaction, Université McGill, http://www.mcgill.ca/interaction/aging/french/

Diversity,Our Strength. LGBT Tookit for Creating Lesbian, Gay, Bisexual and Transgendered Culturally Competent Care at Toronto Long-Term Care Homes and Services. Un guide publié en 2008 par le Toronto Long-Term Care Homes and Services et visant à développer les compétences des milieux de la santé afin de fournir des services et des soins de longue durée adaptés aux personnes aînées LGBT.[UQAM5] 

>Bibliographie

Adelman, Marcy (1991). «Stigma, Gay Lifestyles, and Adjustment to Aging: A Study of Later-Life Gay Men and Lesbians», Journal of Homosexuality, vol. 20, p. 7-32.

Balsam, Kimberly F. et Anthony R. D’Augelli (2[UQAM6] 006). «The Victimization of Older LGBT Adults: Patterns, Impact, and Implications for Intervention», dans Douglas Kimmel, Tara Rose et Steven David (dir.), Lesbian, Gay, Bisexual, and Transgender Aging: Research and Clinical Perspectives, New York, Columbia University Press, p. 110-130.

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>Auteures :

Line Chamberland, avec la collaboration de Marie-Pier Petit

Line Chamberland

Professeure au département de sexologie et chercheure à l’Institut de recherches et d’études féministes à l’UQAM, Line Chamberland mène des recherches sur l’hétérosexisme et les différentes formes d’exclusion des personnes LGBT. Elle s’intéresse particulièrement au milieu de travail et au milieu scolaire ainsi qu’à l’adaptation des services sociaux et de santé aux besoins des personnes LGBT vieillissantes. Détentrice d’un doctorat en sociologie, elle enseigne le cours Homosexualité et société à l’UQAM depuis plusieurs années. On lui doit plusieurs publications sur l’histoire du lesbianisme au Québec et en études gaies et lesbiennes. Militante féministe et lesbienne de longue date, elle mène ses recherches en partenariat avec divers organismes associatifs et syndicaux. Elle a été membre du Groupe de travail mixte sur l’homophobie dont les travaux ont alimenté un rapport sur l’homophobie au Québec publié en 2007 et conduit à l’adoption d’une politique de lutte contre l’homophobie en décembre 2010.

Marie-Pier Petit, baccalauréat en psychologie, UQAM

 
 


[1] Je remercie l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM, le Cégep Maisonneuve de même que le Centre de recherche sur le développement humain (Université Concordia) pour leur soutien. Marie-Pier Petit a effectué une mise à jour bibliographique et une synthèse des recherches récentes. Une partie des écrits consultés englobe les hommes gais ainsi que les personnes bisexuelles. Nous ne rapportons ici que les résultats concernant les lesbiennes âgées. Je remercie sincèrement Karol O’Brien, du Centre de solidarité lesbienne, et Renée Ouimet pour leurs commentaires sur une portion de ce texte, dont j’assume l’entière responsabilité.

[2] Voir notamment Cahill et coll., 2000; Comerford et coll., 2004; Clunis et coll., 2005; D’Augelli et Grossman, 2001; Gabbay et Wahler, 2002; Heaphy et coll., 2004; Herdt et de Vries, 2004; Kimmel et coll., 2006; Richard et Brown, 2006.

[3] Selon les études, les personnes dont les propos sont cités ne sont pas identifiées ou le sont par des pseudonymes.

[4] Voir Barker, 2004; Cahill et coll. 2000; Chamberland, 2001; Clunis et coll., 2005; Claassen, 2005; Gabbay et Wahler, 2002; Garnets et Peplau, 2006; Goldberg et coll., 2005; Heaphy et coll., 2004; Hunter, 2005, 2007; Veilleux, 1998.

[5] Voir Barker, 2004; Clunis et coll., 2005; Goldberg et coll., 2005; Hunter, 2007; Kimmel et coll., 2006; Richard et Brown, 2006.

[6] Barker, 2004; Cahill et coll., 2000; Claassen, 2005; Goldberg et coll., 2005; Grossman, 2006; Heaphy et coll., 2004; Hunter, 2005; Weinstock, 2004.

[7] Le contexte géographique et ethnoculturel influence la composition du réseau de soutien. Des études relèvent le rôle accru des voisins et des amis hétérosexuels dans les régions rurales et les petites villes (Comerford, 2004; Hunter, 2005), et notent que les Afro-Américaines maintiennent des liens serrés avec leur famille d’origine (Cahill, 2000).

[8]Voir  Barker, 2004; Barnoff et coll. , 2005; Chamberland et Paquin, 2004; Clunis et coll., 2005; Comerford et coll., 2004; Gabbay et Wahler, 2002; Goldberg et coll., 2005; Grossman, 2006; Heaphy et coll., 2004; Hunter, 2005; Orel, 2006b; Richard et Brown, 2006; Veilleux, 1998`; Weinstock, 2004.

[9] Les études basées sur un échantillon probabiliste constatent généralement une prévalence plus élevée des comportements à risque et des indicateurs négatifs de santé mentale chez les personnes homo et bisexuelles, comparativement aux personnes hétérosexuelles, alors que celles faisant appel à un échantillon de volontaires, souvent recrutés par le biais d’organismes communautaires, aboutissent à des résultats plus positifs qui montrent leurs capacités de résilience par rapport au stress subi et aux embûches ayant jalonné leur parcours de vie (Julien et Chartrand, 2003 et 2005). Ajoutons à cela que les lesbiennes de plus de 60 ans forment un groupe particulièrement difficile à rejoindre, qu’elles sont souvent exclues ou peu présentes dans les études portant sur la santé physique et mentale des adultes de minorités sexuelles, et sous-représentées dans celles prétendant examiner la situation des aînés homosexuels hommes et femmes.

[10] Voir Beeler et coll., 1999; Clunis et coll., 2005; Comerford et coll., 2004; Gabbay et Wahler, 2002; Hunter, 2005; Jacobs et coll., 1999; Kimmel et coll., 2006.

[11] Voir Barker, 2004; Brown et Tracy, 2008; Cahill et coll., 2000; Clunis et coll., 2005; Fish, 2006; Gabbay et Wahler, 2002; Grossman, 2006; Kavanaugh-Lynch et coll., 2002; Tjepkema, 2008; Washington et Murray 2005. Toutes les études n’endossent pas le constat d’une consommation abusive d’alcool plus fréquente parmi les lesbiennes (voir notamment Goldberg, 2005; Kimmel, 2006). Les différences observées entre les études peuvent être attribuables à des biais d’échantillonnage, aux mesures de la consommation d’alcool et des seuils définissant la consommation excessive. Selon Fish (2006), le tabagisme ne constituerait pas un facteur de risque spécifique pour le cancer du sein.

[12] La plupart des études sur la santé des personnes gaies, lesbiennes et bisexuelles n’incluent pas les cohortes vieillissantes de cette population. En outre, les études ne distinguent pas toujours entre les femmes lesbiennes et bisexuelles, alors que de manière générale, les indicateurs de la santé physique et mentale dessinent un portrait plus négatif pour ces dernières, comparativement aux lesbiennes et aux hétérosexuelles (Julien et Chartrand, 2005).

[13] Voir Brotman et coll., 2006; Brotman et coll., 2003; Chamberland, 2003; Chamberland et Paquin, 2004; Clunis et coll. 2005 ; Daley, 2003; RQASF, 2003; Ryan et coll., 2000.

 [UQAM1]La citation d'origine était "bilingue". Je l’ai mise en bas de page. Vous jugerez bon de laisser ou non l’original en bas de page. Aussi de la manière d’indiquer qu’il s’agit d’une traduction.

 [UQAM2]Concept difficile à traduire: je propose cette expression repérée dans un autre article, qui précise la source du stress, ou encore stress lié à la situation de minoritaire, en remplacement de stress de minoritaire.

 [UQAM3]Élision selon Antidote??

 [UQAM4]Selon la citation originale, c,est vraiment à partir du moment où l'infirmière l'a su en reconnaissant sa photo dans un journal local. Il me semble qu'il faut dire qu'il s'agit d'un changement d'attitude de sa part.

 [UQAM5]J’ai ajouté une référence dont j’ai découvert l’existence tout récemment. En anglais encore, malheureusement…

 [UQAM6]L'auteur l'écrit ainsi

 

labrys, études féministes/ estudos feministas
janvier/juin 2010 -janeiro/junho 2010