labrys, études féministes
numéro 1-2, juillet / décembre 2002
Éditorial
Féministe,
oui. Féministe, aux saveurs exquises de la subversion, explosion en couleurs d´un
contre-imaginaire qui appelle à la transformation, au changement, urgent, sans
délai, extrapolant frontières, langues, traditions, racines.
Ce
sont des voix, je les entends, des cris, des murmures, des chuchotements, un
bruit en sourdine, profond, guttural, qui traverse les continents, porté par
les vents enneigés du grand Nord et le souffle chaud des forêts et savanes du
Sud. Ce
grondement indéfini, indistinct, est un défi à l´ordre établi des modèles,
des présupposés universels, de la hiérarchie fondée sur le biologique ou le
divin.
Au-delà
du binaire, c´est l´annonce du multiple; l´univocité des sens se perd dans les
sons qui brouillent les mots et re-façonnent les choses à leur guise. Ce bruissement
ce n´est pas seulement celui du langage, c´est aussi l´ébranlement des structures,
des systèmes de pensée; ce sont les représentations sociales qui grincent, les
images de l´humain qui changent de format, s´étirent, se renversent, se bousculent;
pas de superficie d´inscription pour les normes, les règles, c´est le domaine
du possible, de l´insolite, du mobile.
C´est
le féminisme et les féministes, c´est nous.
"Labrys
- études féministes" se veut un lieu de parole féministe, un lieu d´inquiétude
sur le féminisme, creuset d´expériences et d´expérimentations où les modèles
théoriques "vrais" donnent lieu à une poétique de la pensée, décentrée,
sans peur du paradoxe et de l´aporie, cerbères des chemins pavés de "vérités".
Encore faut-il inventer un monde, créer des liens et solidarités qui
traversent les continents, brouiller les pistes qui mènent aux larges sentiers
du sens commun, des discours étriqués qui enferment l´humain dans les moules
corporels et identitaires. Encore faut-il créer des pratiques sociales qui
cherchent les similitudes bien au delà des différences.
Là
où les champs disciplinaires se touchent et se mélangent, là où les
approches divergent mais ne s´excluent pas, là où le but est une
transformation à tous les niveaux, c´est là que se trouve "Labrys, études
féministes", un projet académique et surtout politique, au sens large du
terme. La parole est action et le geste qui défait les contours n´est qu´ un
mouvement de création continue.
Les
enluminures[1],
qui contiennent les dossiers nous montrent des femmes actives dans l´exercice
des arts, de l´écriture, le maniement des armes, ce sont des images qui
bouleversent les idées reçues. C´est l´écriture de cette histoire qui nous
intéresse, celle qui dévoile les "politiques de l´oubli", grilles d´interprétation
de l´infini des relations humaines dans les moules du connu.
Parmi
les dossiers de ce numéro, entre "pensées et mouvements" le monde se
fait et se refait et dans "espaces, temporalités, langages" tout ce
qui est construit peut être déconstruit. "Violence symbolique et matérielle",
la double hache de Labrys tranche et dénonce les attentats perpétrés contre
les droits et les corps des femmes, les mutilations physiques et psychiques, les
lapidations pratiquées encore de nos jours. "Femme et femme" le
lesbianisme serait-il un lieu de bouleversement de l´hétérosexualité comme
noyau d´identité ? "Féminisme... suite sans fin", les jeunes étudiantes/ts
assurent la relève ; "Lectures", présentent des compte-rendus sur
les nouvelles parutions et "en toute liberté" s´ouvre l´espace pour
des textes interpellateurs qui n´ont pas trouvé leur niche dans les dossier établis.
Bienvenue
à "Labrys - études féministes".
[1]
Fox, Sally (ed) 1991.The Medieval Woman, a Illuminated Book
of Postcards. Boston, Toronto, London : Little, Brown and Company