labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet/décembre 2011 -janvier /juin 2012  - julho /dezembro 2011 -janeiro /junho 2012

 

les femmes dans les Téléromans québécois:  entre modernité et postmodernité

Renée legris

RÉSUMÉ : 

Cet article Les femmes dans les téléromans québécois - de la modernité à la postmodernité met en perspective un choix de figures de femmes créées dans les téléromans québécois et explore l’évolution des rôles au cours de trois grandes périodes. Les premières décennies mettent en relief les fonctions de la mère et son action dans le milieu familial ainsi que les aventures amoureuses des jeunes et le destin des célibataires. Ultérieurement la femme s’affranchit des tâches ménagères et s’implique de plus en plus dans les milieux de travail et dans diverses carrières professionnelles. À chaque décennie, et selon les milieux urbains ou régionaux, les célibataires et les jeunes filles assument diverses fonctions qui servent de ressort dramatique aux intrigues. Après les années 1980, les scènes de violence se jumellent à un érotisme exhibitionniste plus marqué. En tenant compte de ces paradigmes, on peut considérer trois grandes périodes pour saisir la transformation des rôles féminins dans la production téléromanesque soit 1954-1970, 1970-1990 et 1990-2010.

Mots-clé: téléromans, femmes, violence, érotisme

 

            Les téléromans ont créé un très grand nombre de personnages féminins dont les représentations multiples, sur une période de cinquante ans, permettent de saisir les transformations apportées à leurs fonctions et à leurs rôles dans la société québécoise. Comment ces divers types de femmes rendent-ils compte d’un passage déterminant au Québec de la modernité à la postmodernité et comment les configurations des femmes évoluent-elles au gré des situations avec la fin du 20e siècle, tels sont les quelques aspects que cet article cherche à préciser. Sans doute faut-il noter que le traitement visuel de ces situations dans lesquelles les femmes apparaissent s’est modifié, particulièrement à compter des années 1980. Dans les scènes érotiques et de séduction, la nudité est davantage exhibée que suggérée et les scènes d’amour accroissent dans leur exploration les gestes sensuels et voluptueux, cherchant à séduire un nouveau public friand d’exhibitionnisme. De même, le traitement de scènes conflictuelles accroit les gestes et le ton agressif des personnages mettant l’accent sur la violence dont ils sont porteurs. En proposant une mise en perspective panoramique de la place des femmes dans la production des téléromans, entre 1954 et 2004, le regard se fait large mais il ne permet pas une étude approfondie de ces configurations de la femme qui ont modifié les rôles traditionnels et marquent les ruptures avec les normes sociales des origines. Nous tentons aussi de rendre compte du style et de la vision particulière des auteurs qui ont créé des téléromans à fort contenus historiques et qui mettent en scène le rôle majeur des femmes dans les milieux tant de la bourgeoisie urbaine et régionale que du milieu rural.

            Si les premières décennies 1950 et 1960 privilégient certaines fonctions féminines et donnent un relief important à la mère et à son action dans le milieu familial, on constate qu’ultérieurement la femme qui s’affranchit des tâches ménagères s’implique de plus en plus dans les milieux de travail et dans diverses carrières professionnelles. Toutefois, à touts les époques, les rôles des jeunes femmes en quête de mariage et d’aventures amoureuses opèrent selon un modèle sans cesse repris et qui peut varier selon le contexte urbain ou régional. Au cours de ces deux décennies, les célibataires jouent plusieurs rôles et prennent une dimension qu’elles n’auront plus après les années 1970.  En tenant compte de ces paradigmes, notre approche des rôles féminins dans la production téléromanesque précise les grandes tendances d’un désir de libération de la femme qui se développe sur trois périodes : 1954-1970, 1970-1990 et 1990-2010. Sans doute faut-il aussi tenir compte du fait que certains rôles sociaux de la femme se sont maintenus dans le milieu familial ou le milieu social et se chevauchent au cours des décennies, inscrits dans la trame des événements socioculturels ou sociopolitiques qui ont donné à ces figures féminines leurs valeur de signification.

Les femmes dans les téléromans de mœurs

            Le genre téléromanesque a été créé à l’automne 1954, à l’occasion de la diffusion de deux téléromans, 14 rue de Gallais (1954-1957) d’André Giroux et La Famille Plouffe (1954-1957) de Roger Lemelin. À l’instar de la radio des années 1940 qui avait mis à son antenne les radioromans, dont la continuité des intrigues favorisait l’attachement des auditeurs à la station, dès la première décennie de la production télévisée, plusieurs téléromans ont été mis au programme pour permettre à la programmation de CBFT de se créer un public fidèle. Pour assurer la continuité des productions au cours de la première décennie, après avoir diffusé les deux téléromans des origines, CBFT adapte pour la télévision quelques œuvres radiophoniques, dont Le Survenant (1954-1960), Les Belles histoires des pays d’en haut (1956-1970), La Pension Velder (1957-1960), Je vous ai tant aimé (1958-1959). Ce qui lui permet de consolider sa programmation et de mettre en scène d’importants personnages féminins qui seront toujours des références littéraires. Cette diversité de programmes, dès la première décennie, est rendue possible parce que les scénarios de ces œuvres, jouées d’abord à la radio comme radioromans (Legris, 2011 :86), ont permis à  CBFT d’assurer une continuité d’émissions de plusieurs œuvres au cours de la décennie 1950-1960. Et en permettant à des auteurs expérimentés dans l’écriture dramatique de transmodaliser leurs œuvres radiophoniques, l’expérience télévisuelle est devenue rapidement un mode de création apprécié et efficace bien qu’encore tout nouveau.

            Toutefois dans la suite de ce qui avait été inauguré avec 14 rue de Gallais (1954-1957) et après les deux premières années d’expérimentation du genre téléromanesque, CBFT introduit aussi quelques œuvres originales qui permettent d’ouvrir la programmation à des univers dramatiques novateurs. Parmi ces productions, dès 1955, le téléroman Cap-aux-sorciers (1955-1958) de Guy Dufresne s’impose par sa nouveauté et son audace de tournage. En effet, il met en scène la vie d’un marin d’eau douce, le Capitaine Aubert, œuvrant tout au long du fleuve Saint-Laurent sur son bateau, un défi de réalisation, et plusieurs jeunes filles et leur mère Mathilde créent une fascination auprès des téléspectateurs. Car ces jeunes femmes, Sylvette, Anne, Clémence, Fabienne Vigneau, dont l’implication dans les milieux de travail en région est nouvelle, ont toutes des aventures amoureuses, bien contrôlées par le Capitaine afin d’éviter les aventures douloureuses et sans lendemain, mais qui créent des relais dans l’évolution des situations dramatiques (Legris. 1984 :154-157.)

            Au cours de la décennie 1960, deux autres créations téléromanesques, La Côte de sable (1960-1962) de Marcel Dubé, dont l’action évolue dans le cadre de la ville d’Ottawa et Sous le signe du lion (1961) de Françoise Loranger, mettant en scène une riche famille de Montréal, ouvrent l’ère des œuvres originales inscrites dans la programmation au même titre que Les Belles histoires des pays d’en haut (1956-1970) de Claude-H. Grignon et Je vous ai tant aimé (1958-1959) de Jovette Bernier, d’abord connues par la radio. Chez Dubé, l’épouse occupe des fonctions traditionnelles et les jeunes sœurs tout comme la mère, madame Paradis, s’inquiète du fait que son fils Étienne, aviateur de combat, se retrouve en Angleterre pendant la seconde guerre mondiale. Dans Sous le signe du lion trois personnages féminins sont inscrits dans l’intrigue. La mère de famille Mme Martin, tout juste décédée, laisse un important héritage à ses enfants dont le père tente de les dépouiller. La fonction de Céline Martin est surtout d’ironiser sur la situation qui confronte les héritiers à leur père et de manifester ainsi son recul critique face à ces circonstances.  Annette, servante de la famille et amante depuis toujours de Jérémie Martin, dont elle a eu une fille, gère la domesticité de cette maison cossue et subit les revendications de sa fille Martine qui se révolte devant l’autoritarisme du riche potentat qu’est Jérémie dont elle devine qu’elle est la fille illégitime.

            Au cours des années 1950, dans la plupart des téléromans, les auteurs donnent encore une place prépondérante aux personnages du père et des fils, même si les personnages féminins sont des personnalités bien typées et en bon nombre. Les fils sont au cœur des inquiétudes de Maman Plouffe et de ses préoccupations maternelles pour Guillaume et Ovide, en âge de se marier, alors qu’elle s’inquiète peu de Cécile. Joséphine Velder, veuve et gestionnaire de la Pension Velder, voit son fils Alexis s’orienter vers un mariage heureux, après des frasques qui l’on souvent inquiétée. Alors qu’elle sera affrontée à la riche bourgeoise, Mina Latour, snob et impuissante à faire modifier les fréquentations de son fils Marcel Latour avec Élise Velder qu’il épousera, Madame Velder sera elle-même courtisée par Philidor Papineau avant d’être inscrite dans une tout autre aventure amoureuse qui l’élèvera définitivement au rang de la noblesse québécoise, par un mariage qui se réalise dans le cadre d’un autre téléroman de Robert Choquette, Quinze ans plus tard (1976-1977), une suite de La Pension Velder. Les personnages de jeunes femmes dans ces téléromans sont tout aussi importants, et on les retrouve dans des situations de travail ou de quête amoureuse au cœur d’intrigues conflictuelles ou heureuses.

            Parmi les personnages féminins de cette période, il faut aussi noter les rôles de domestiques qui sont importants, particulièrement explorés dans les milieux de la bourgeoisie. Ils prennent diverses dénominations selon les auteurs, tantôt on parlera de la bonne ou de la servante, tantôt de la domestique ou de l’aide ménagère, et les prénoms sont des rappels importants de leur présence au service de…. Car le plus souvent c’est le prénom qui désigne le personnage dans sa spécificité. Au 17e siècle, on parlait de camériste, chambrière, soubrette, suivante, parfois de confidente. Et, aujourd’hui, quand ces femmes en service se retrouvent dans le restaurant ou l’hôtel, on parlera de barmaid ou de serveuse, de femme de chambre, alors que dans le commerce, il sera question de vendeuse. Si les personnages ont des activités de gestion, on parlera de marchande, négociante, détaillante, grossiste, boutiquière ou acheteuse, selon la fonction. Et dans Les Belles histoires des pays d’en haut, il apparaît que plusieurs personnages féminins sont présents sous ces vocables. On notera aussi que les servantes ont souvent des rôles comiques, donnant aux situations souvent difficiles de leurs activités un côté loufoque qui devient le pendant de celui des concierges dans certains téléromans dont Symphorien a été la parfaite illustration. La domestique, Lumina, dans La Pension Velder, jouée par Juliette Béliveau, en est le prototype, tout comme Marie-Ange dans Symphorien.

            Dans La Famille Plouffe, Le Survenant, Les Belles histoires des pays d’en haut, La Pension Velder et Je vous ai tant aimé, les épouses sont mises en relief dans leur rapport au mari, mais leurs activités et leurs valeurs familiales sont marquées tout autant par leur fonction de mère. C’est souvent le physique du personnage et son habillement qui viendra préciser certains traits de ces femmes dont la voix et la gestuelle apportent des compléments pour en créer le caractère. Cette dimension physique des comédiennes, dans les premières décennies, est intéressante à signaler et s’avère très significative pour définir les personnages féminins dans leur rôle. La corpulence des mères et des femmes qui ont atteint un certain âge est mise en évidence.

           Dans La Famille Plouffe, La Pension Velder et Les Belles histoires des pays d’en haut tout particulièrement, elle rend rendre compte d’un trait notoire des femmes non seulement dans les milieux régionaux mais aussi en milieu urbain, ce qui est très marquée entre les années 1950 et 1970. De plus, il est intéressant de comparer non seulement les rôles sociaux mais aussi les costumes d’époque, les coiffures, le maquillage, et certains gestes spécifiques à certaines femmes. Angélique, amoureuse du Notaire Lepotiron, et sa sœur Prudence, ont deux types physiques en contraste qui marquent les différences psychologiques de chacune. Mais cette corpulence est aussi présente comme signe d’une maturité acquise avec l’âge. De même, les contrastes entre le type physique de Maman Plouffe et la minceur de sa fille Cécile ou de Rita Toulouse, entre Madame Velder, Mina Latour, Dorothée Laviolette  et les jeunes amoureuses, Florence Gauthier, Élise Velder ou Stéphanie Crevier, sont des indices significatifs d’un âge ou d’une expérience de vie. Les jeunes filles cultivent l’attrait de la minceur qui se retrouvera aussi dans la plupart des téléromans au cours des décennies comme une caractéristique des jeunes amoureuses. Ainsi en sera-t-il particulièrement dans Virginie au cours des cinq dernières années de sa production.

            Si les mères sont très présentes dans les téléromans, il est aussi important de considérer  que les jeunes femmes engagées dans des tâches professionnelles occupent une place de plus en plus importante avec les décennies. Ainsi, dans les premiers téléromans, les rôles de secrétaire, de vendeuse, de serveuse, mais aussi d’infirmière, émergent d’un regard rapide sur la société fictive des téléromans où elles s’inscrivent aussi le plus souvent dans les rôles d’amoureuses.

              Toutefois avec les années 1960-1970, les fonctions des femmes dans le monde du travail extérieur montrent qu’elles ont accès à la fonction de gestionnaire et non seulement de commerçante. Si Madame Velder a d’abord été une épouse et une mère attentionnée et si elle se présente comme gestionnaire d’une pension au détour de la cinquantaine, son statut de veuve en est la cause. Elle devient une référence concernant la situation des femmes qui, après les années 1960, ont des responsabilités qui prennent de l’ampleur dans le monde du travail. Ainsi en est-il dans le monde publicitaire où opèrent Évelyne dans Marisol et Émilie Rousseau dans Scoop, mais aussi avec les personnages créés par Louis Morisset, Lise Payette Richard Pérusse et plusieurs autres auteurs. Au cours des années 2000, Judith Beauchamp dans Providence, s’impose comme une femme exceptionnelle qui cumule toutes les responsabilités. En plus d’être propriétaire et administratrice d’un immense domaine et d’une fromagerie, elle s’impose comme mère de famille et aussi comme grand-mère ayant plusieurs générations de jeunes à guider.

            Au début des téléromans, parmi les jeunes femmes engagées dans le milieu de travail, Cécile Plouffe, secrétaire, et Élise Velder, vendeuse dans un grand magasin, sont deux modèles exemplaires des jeunes femmes de l’époque, chacune étant amenée à quitter son travail au moment de son mariage. Elles deviennent à l’instar de leur mère des femmes vouées au milieu familial et à ses fonctions ménagères et sociales. Jusqu’à la fin des années 1980, ces traits sont constants et dans Rue des Pignons, déjà en 1966, l’auteure met en scène des jeunes femmes qui doivent aussi gagner leur vie et tenter de trouver l’amoureux qui conduira au mariage l’une ou l’autre des jeunes Jarry. Toutefois, les moyens utilisés pour amorcer une fonction de séduction sont d’un autre ordre que ceux qui ont marqués les premiers téléromans.

             Il faut aussi voir chez les jeunes amoureuses et les célibataires en quête d’aventures amoureuses, l’importance des vêtements tout autant que des maquillages permettant de les mettre en relief comme jeunes et jolies femmes, susceptibles d’attirer les regards des hommes sur elles et de favoriser leur attrait sexuel, leurs relations amoureuses et leur éventuel mariage. La présence du personnage féminin se fait alors essentielle à l’écran, davantage pour son apparence de jeune amoureuse que pour son rôle social ou familial. Il en sera ainsi avec les jeunes filles, dès les premiers téléromans, dans La Famille Plouffe, La Pension Velder, Je vous ai tant aimé, Les Belles histoires des pays d’en haut et dans Septième Nord ou Rue des Pignons. Mais au cours des années où la postmodernité s’affirme, tout devient possible et les femmes ont toutes les permissions de s’exhiber en public tout autant que dans leurs relations privées.

            Dans la structure dramatique des téléromans, il faut donc considérer que les mères de familles ont leur univers propre qui le plus souvent est mis en contraste avec celui des jeunes femmes, amoureuses en quête de mariage ou en quête d’indépendance financière, sans préjudice à leurs fonctions d’épouse. On en trouve des exemples dans la plupart des téléromans régionaux et mêmes urbains des premières décennies, entre autres dans Les Belles histoires des pays d’en haut, Le Survenant et même dans Symphorien. Le plus souvent les jeunes prennent une importance majeure comme centre des actions dramatiques au fur et à mesure que les intrigues se développent. Dans ce contexte, elles sont mises à distance des célibataires qui occupent une diversité de rôles, selon les milieux dans lesquelles elles évoluent, souvent appelées à compenser les absences maternelles et à assumer la responsabilité familiale.

Évolution des fonctions féminines : une mise en contraste 

            Au cours de la première décennie 1950-1960, plusieurs personnages féminins exercent leurs fonctions au centre du milieu familial et présentent des configurations qui mettent en relief des traits divers de la femme québécoise, mère inquiète quelque peu dominatrice, épouse attentive et préoccupée d’assurer un bien-être physique et psychique aux membres de la famille, célibataires en attente d’une rencontre heureuse, jeunes filles rêvant d’un amour qui les conduisent au mariage. Ces personnages ont marqué l’imaginaire québécois d’une première époque de productions téléromanesques.

           Toutefois les contrastes se précisent entre les mères de famille de milieux divers, ouvrier et bourgeois en milieu urbain dont les plus connues sont assurément Maman Plouffe, Madame Velder, Mina Latour et Mariette Berger, de même que dans la région des Laurentides, Artémise, Caroline Malterre, Georgiana Bouchonneau, préoccupées essentiellement du bien-être de leur famille et du succès de leurs enfants. Alors que dans la nouvelle génération de mères émergées au cours des années 1970-1980, telle Francine Duval dans Jamais deux sans toi (II), la femme s’affranchit des tâches domestiques et fait carrière, une fois ses enfants devenus adultes, les mères dans La Côte de Sable et De 9 à 5 de Dubé ou dans Septième nord de Dufresne, bien que plus modernes dans leur vision du monde, demeurent des femmes au foyer. Ces images d’épouses et de mères sont aussi à mettre en contraste avec Donalda, l’épouse à qui Séraphin refuse la maternité et qu’il contraint aux tâches domestiques qu’elle exerce même dans d’autres foyers du voisinage. Cette dimension de l’expérience de Donalda est exceptionnelle dans notre littérature par la contrainte extrême qu’elle suppose de la part du mari et compte tenu du fait que la cause en est l’avarice de Séraphin. « Car avoir des enfants, ça coûte cher ».

            Si Maman Plouffe est au centre des premières scènes de La Famille Plouffe, et si les images conservées à CBFT des débuts du téléroman pourraient laisser croire à la faiblesse du père, sinon à son indifférence aux questions familiales, de fait il n’en rien, Théophile Plouffe, cet homme âgé, fatigué de son travail d’ouvrier, a su tout au long de sa vie familiale être présent à ses enfants et à sa femme. Toutefois, l’attitude de Joséphine Plouffe debout à la table, maternante et verbomoteur, ainsi que son discours moralisateur et inquiet, laisse croire que c’est elle qui gère le foyer avec détermination et s’impose dans le cadre de l’éducation des enfants, de même que face à leurs allées et venues trop libres.

             Son prénom, Joséphine, bien que peu utilisé pour la désigner, permet d’établir un parallèle avec cette autre femme, Madame Velder, alias Joséphine Velder, gestionnaire d’une petite entreprise de pensionnaires ayant des professions diverses et qui finissent par former une grande famille. Comme personnage central de La Pension Velder, Madame Velder est aussi une figure exemplaire de la mère. Veuve, elle est à la fois une épouse en manque de celui qui l’a quittée, et comme mère elle a éduqué ses deux enfants avec succès. Élise et Alexis sont maintenant de jeunes adultes en âge de se marier. Dans le contexte des amours d’Élise et de Marcel Latour, Madame Velder est aussi confrontée à Mina Latour, une femme exceptionnelle par son snobisme et ses qualités reconnues de mère, d’épouse et de femme du monde. Ce personnage deviendra exemplaire de la mondaine montréalaise et de sa quête de reconnaissance de la haute bourgeoisie anglophone de Montréal. Son désir de rivaliser avec les femmes du milieu anglophone est un moteur de l’action qui met en contraste Mina Latour et Madame Velder, plutôt modeste, mais que sa culture européenne promeut socialement.

            Toutes ces figures inoubliables de mères ont d’abord été conçues comme des piliers de la famille québécoise, mais elles sont aussi impliquées dans ses diverses actions socioculturelles où elles sont parfois confrontées dans des rapports de classe. Ces mères ont pour la plupart des relations conjugales et amoureuses discrètes. Toutefois le rôle d’amoureuse vécu par Madame Velder, courtisée par Philidor Papineau pendant quelque temps, donne un certain relief au personnage. Et ultérieurement, Philidor Papineau aura épousé Florence Gauthier, Élise Velder sera devenue l’épouse de Marcel Latour et Dodo Latour aura conquis Olivier Latour, s’impliquant dans des activités féministes. Les fréquentations de Madame Velder par Monsieur de Bienville, qui l’épousera dans Quinze ans plus tard (1976-1977), mettent en évidence un éventail de situations qui génèrent des conflits nouveaux mais aussi une quête de bonheur. Ce mariage de Madame Velder avec Monsieur de Bienville l’a introduite dans la noblesse québécoise et il aura comme conséquence de mettre fin aux prétentions de Mina Latour qui sera ainsi ramenée à sa réalité, celle d’appartenir à la bourgeoisie aisée de Montréal, sans plus, d’être l’épouse d’un riche contracteur J.B. Latour qui n’a aucune prétention culturelle, ni snobisme. Le snobisme et les arrogances de Mina Latour n’auront plus de prises sur Madame Velder. La noblesse de Madame Velder sera un objectif inatteignable pour Mina Latour.

            Si les mères et les épouses telles Joséphine Plouffe, Phonsine Beauchemin, Joséphine Velder, Mina Latour, Madame Chardonnel et Madame Berger, occupent des rôles majeurs, les célibataires ont aussi une place significative dans plusieurs téléromans, ce statut étant vécu comme une période de passage vers le mariage Ainsi en est-il pour Angélina dans Le Survenant, Mademoiselle Dorothée Laviolette dans La Pension Velder, la Gritte et Rosa-Rose, Angélique soutenue par sa sœur Prudence dans Les Belles histoires des pays d’en haut.. Ces quelques figures de célibataires mettent en lumière le fait que leurs comportements sont la plupart du temps aux antipodes de ceux des jeunes femmes en quête de mariage, dont Rita Toulouse, Bedette Salvail, Élise Velder, Iphigénie Lepotiron, sont des représentantes, mais aussi des femmes libérées qui se retrouvent ultérieurement dans la programmation, dont les quatre jeunes femmes, Isabelle, Brigitte, Gilberte et Diane, dans Filles d’Ève (1960-1964) de Louis Morisset, qui en sont les exemplaires les plus modernes au tournant des années 1960.

             Elles vivent de leur profession loin des parents et s’assument comme jeunes adultes en attendant de séduire quelque jeune homme de leur choix. Toutefois, plusieurs femmes célibataires encore jeunes mais qui tardent à trouver l’époux rêvé, ne se marient que tardivement pour l’époque, telles que Cécile Plouffe et Angélique, la maîtresse de poste. Elles appartiennent à cette catégorie de femmes en attente d’un mariage, mais elles ont d’abord à assurer leur avenir dans un travail extérieur. Dans cette période, elles deviennent souvent exemplaires de la «vieille fille» dont on se moquera un peu parce qu’elle n’aura pas trouvé à se marier ou parce qu’elle refusera de se plier à cette expérience de mariage pour garder son autonomie.

            Au début de La Famille Plouffe, Cécile Plouffe a tous les complexes de la célibataire endurcie et doit évoluer affectivement avant d’accepter d’épouser Onésime Ménard. Le personnage d’Angélina Desmarais, célibataire en attente d’un amoureux, est typique de l’amoureuse discrète et Survenant est son idole. Mais lui ne s’intéresse en rien aux femmes. De plus, elle entourée de plusieurs jeunes filles dont Bedette Salvail, qui ont la même admiration pour cet étranger fascinant. Quant à lui, il repart sans avoir apporté à la passion des femmes de ce village, dominé par le père Didace, quelque regard de connivence à leur beauté. Quant à la situation du Notaire Lepotiron, amoureux de la belle Angélique, la maîtresse de poste, toujours célibataire et obligée de gagner sa vie, est une variante de l’expérience d’un veuf, père d’une jeune fille adulte, en attente du mariage. Son admiration pour Angélique et son  désir longtemps retenu trouvent enfin à se déclarer et le conduisent au mariage avec celle qu’il aime.

           Mais il a voulu aussi tenir compte des sentiments de sa fille Iphigénie, privée de mère dès son jeune âge, à qui il ne voulait pas imposer une belle-mère qui lui serait peu sympathique. Quant à Élise Velder, elle est en âge de se marier et elle aura le privilège d’être aimée de Marcel Latour, jeune avocat fortuné, qui l’épouse après des fréquentations compliquées du fait que Madame Latour, reconnue pour son snobisme, accepte difficilement que son fils ait choisi pour amoureuse et pour épouse une femme de la classe moyenne, obligée de gagner sa vie pour aider sa mère, même si les origines européennes de la famille Velder lui donnent une auréole particulière. Colombe Chardonnel, jeune enseignante audacieuse dans ses désirs de libération, finit par se conformer au désir de son père et à épouser Bertrand.

            Ainsi dans les premiers téléromans des années 1950, La Famille Plouffe et Le Survenant, La Pension Velder, Je vous ai tant aimé et Les Belles Histoires des pays d’en haut, trois groupes de femmes sont particulièrement mis en scènes : 1. les mères de famille, telles Joséphine Plouffe, Phonsine Beauchemin, Joséphine Velder et Mina Latour, Madame Chardonnel; 2. les jeunes filles en quête de mariage, dont Rita Toulouse, Cécile Plouffe, Élise Velder, Bedette Salvail, Rose-de-Lima, Fleur-Aimée, Marie-Didace Beauchemin, Colombe Chardonnel; 3. les célibataires par choix, considérées souvent comme « vieilles filles », en marge des mères de famille, mais aussi des femmes laissées pour compte dont plusieurs exemples se trouvent dans les téléromans régionaux. Ultérieurement, dans les décennies 1970-2000, les femmes non mariées et actives professionnellement ou socialement ne correspondront plus à cette appellation de « vieille fille » dont Cécile Plouffe, par ses réticences à s’engager dans les voies du mariage, risquait d’être affublée. On découvre des comportements, un langage et des valeurs spécifiques aux personnages modelés par les contextes dans lesquelles les femmes évoluent.

Les jeunes femmes en âge de se marier

             Si dans les téléromans de la première décennie de diffusion à CBFT, les épouses sans histoires notoires sont présentes dans la plupart des téléromans et servent de fondements à une structure stable, tant dans la société, dans le couple que dans la famille et le travail domestique, avec le temps, et même déjà chez Grignon, les femmes occupent des fonctions majeures dans la vie économique et le développement des structures sociales. Ainsi, dans le monde du travail où se côtoient les femmes, tant les fermières que les secrétaires, les commerçantes et même les patronnes, les rôles de la femme font état de compétences et d’une complémentarité des fonctions masculines sur lesquelles se greffent le plus souvent les quêtes amoureuses.  

             Dans les téléromans des années 1950 et 1960, les jeunes femmes en âge de se marier, telles Rita Toulouse, Élise Velder, Bedette Salvail, Colombe Chardonnel, Frisette Deschamps et les « Filles d’Ève », Isabelle, Brigitte, Gilberte, Diane, Martine, deviennent les héroïnes des aventures amoureuses ou professionnelles qui se dessinent et qui prendront diverses orientations au gré de l’inspiration des auteurs.  Ainsi, dans le cadre de Je vous ai tant aimé, Jovette Bernier met en scène comme personnage principal une jeune femme exceptionnelle, une enseignante qui veut réaliser son désir de quitter la région de Rimouski pour devenir chanteuse à Montréal. La personnalité et les désirs de Colombe Chardonnel en font un personnage hors du commun, différent des autres femmes dont Frisette Deschamps qui se voit comme sa rivale dans une quête amoureuse de Bertrand. Sa quête de jeune chanteuse ne se réalisera pas à cause des interventions de son père. Mais malgré le fait que Colombe opte pour le mariage et une vie d’épouse vivant en région, elle demeure le modèle d’une femme dont la volonté de transformation des expériences féminines dans des milieux régionaux est significative d’une évolution de la société. Quitter une profession d’enseignante pour devenir une vedette impose une vision du monde peu banale, contre laquelle seule la volonté d’un père et sa persuasion lente pourra modifier le destin de Colombe Chardonnel.

            Parmi les nombreux personnages féminins, mis en scène depuis les débuts de la diffusion du téléroman Les Belles histoires des pays d’en haut, on trouve une diversité de jolies femmes impliquées dans des fonctions diverses de commerce et de collaboration aux époux dans des tâches autres que familiales déjà évoquées. Artémise Labranche, Caroline Malterre se sont mariées jeunes, mais la Gritte, Rosa-Rose, Iphigénie Lepotiron, Angélique et Prudence, occupent encore ces rôles de jeunes femmes en attente du mariage dans cette société laurentienne fortement articulée aux activités des hommes dont les types sont tout aussi divers. Parmi elles, des jeunes femmes en recherche de l’amoureux déclaré s’inscrivent dans des intrigues de plus ou moins long développement. Et l’on pourrait considérer que Donalda au début du téléroman est encore une jeune femme amoureuse qui espérerait que son époux en reconnaisse toute la portée. Sans doute faut-il aussi mettre en contraste Donalda, qui ne connaîtra pas l’amour romantique, avec plusieurs autres jeunes femmes en attente d’un heureux mariage, dont la jeune Iphigénie Lepotiron. Grignon en développe le cheminement tout comme il le fait pour la moins jeune Angélique, si romantique, dont les fréquentations avec le Notaire se concluront par un mariage. Ainsi, à l’occasion de la quête amoureuse de Florent Chevron, ce jeune fils du forgeron qui obtiendra la main d’Iphigénie, un nouveau rapport de classe est modifié et le Notaire Lepotiron devient le beau-père de Florent Chevron.

             La peinture sociale des femmes que propose Grignon, compte tenu de la durée de son téléroman, a permis la création de nombreuses personnalités féminines dont les responsabilités sont multipliées. En effet, dans les milieux villageois et agricoles, la présence des femmes et leurs activités sont manifestement accrues compte tenu des besoins de complémentarité des tâches masculines. Du moins c’est l’effet que la peinture sociale donne de la vision de Grignon sur le monde régional. Parmi ces femmes qui sont épouses et en charge de la domesticité de la maison, Donalda est sans contredit la plus inusitée des personnages féminins de nos téléromans, compte tenu du fait qu’elle est, dans la conception mythique de Claude-Henri Grignon, le personnage d’un « faire valoir » de l’avare Séraphin. Ses tâches domestiques prennent une valeur exceptionnelle compte tenu du contexte dans lesquelles elles sont exercées. Et même si Donalda réussit à discuter avec Séraphin et parfois à faire valoir ses points de vue, c’est de fait Séraphin qui gère toute la vie domestique. Il se comporte en maître face à une femme – moins esclave que dans le radioroman – mais sur laquelle il se croit avoir des droits puisqu’il l’a acquise en payant une dote à son père et en faisant d’elle son bien (Legris, 1980 :1115-1127).

            Dans le cours des années 1960-1970, les téléromans urbains mettent en scène plusieurs jeunes femmes, séduisantes par leur apparence physique tout autant que par leur personnalité, et qui se démarquent d’un grand nombre de femmes des téléromans régionaux. Ainsi Filles d’Ève (1960-1964) de Louis Morisset, Septième Nord (1965) de Guy Dufresne, Rue des Pignons (1966-1977) de Mia Riddez-Morisset, Le Paradis terrestre (1967-1972) de Réginald Boisvert et Jean Filiatrault, Quelle famille !(1969-1974) de Janette Bertrand et Jean Lajeunesse, Moi et l’autre (1967-1971) de Roger Garand et Gilles Richer, Les Martin (1968-1969) de Richard Pérusse, sont parmi les œuvres caractéristiques de cette décennie qui voient émerger certains types de jeunes femmes, plus modernes dans leur vision et leurs choix de vie. On les retrouve à l’hôpital de Septième Nord où évolue Yolande Hébert-Charron, chez les personnages de jeunes travailleuses, de mères et d’épouses modèles dans Rue des Pignons et Quelle famille. Et en opposition à ces figures de jeunes amoureuses ou de bonnes épouses, Moi et l’autre met en scène Denise et Dominique (Dodo) dont les comportements parodient pour ainsi dire les diverses figures traditionnelles de la femme, mariée ou célibataire. Et leurs aventures loufoques, sans conséquence socioculturelle majeure, amusent mais parfois perturbent les voisins, le concierge et le mari de Dodo, ce qui donne lieu à d’autres situations burlesques.

            Au début de la décennie 1970, Symphorien (1970-1977) impose aussi par son succès les personnages de femmes autour desquelles le comique se développe: Mlle L’Espérance, la vieille fille célibataire, Madame Sylvain, la propriétaire de la pension, et la bonne, Marie-Ange, avec lesquelles le grand public rit des aventures humoristiques qu’elles génèrent. Ces femmes quelque peu caricaturales sont liées à une vie quotidienne saisie par le côté amusant de sa réalité, et comme femmes elles ont une part importante dans le comique des situations. Tout au long de la décennie 1970, la diversité des milieux sociaux fait apparaître des types de femmes inusités. Ainsi, dans Les Berger (1970-1978) de Marcel Cabay, Race de monde (1978-1981) de Victor-Lévy Beaulieu, Y’a pas de problème (1975-1977) de Réginald Boisvert, Grand papa (1976-1979) de Janette Bertrand, Jamais deux sans toi (1979-1980) de Guy Fournier, Les Moineau et les Pinson (1979-1980) de Georges Dor, de nouveaux visages de la mère de famille s’imposent et des jeunes filles audacieuses et des célibataires endurcies servent à explorer de nouvelles réalités de la féminitude.  

          Dans le contexte social marqué par les décennies 1970 et 1980, il est intéressant de noter que La Petite patrie (1974-1976) de Claude Jasmin, Jamais deux sans toi (1978-1980) de Guy Fournier, Terre humaine (1978-1984) de Mia Riddez, Race de monde (1978-1981) de Victor-Lévy Beaulieu, projettent aussi des images encore inexplorées de la vie familiale ayant comme centre la mère maternante bien sûr, mais dont les rôles se complexifient alors que leur vision sur les jeunes se modernise davantage. Les épouses ne sont plus uniquement ménagères en contrôle des enfants. Elles prennent de plus en plus de place dans les décisions qui concernent l’orientation socio-économique de la famille, mais aussi dans le regard critique à porter sur les choix de vie des fils et des filles et même sur leurs relations amoureuses. Ces préoccupations et ses jugements prolongent tout en les transformant les traits de la personnalité des mères qui s’opposent en bonne part à la figure maternelle de Maman Plouffe, toujours inquiète de ses fils en âge de se marier et qu’elle perçoit encore comme de jeunes adolescents.         

            Parmi les téléromans des dernières décennies du 20e siècle, Rachel et Réjean (1987) rompt avec la plupart des genres pratiqués, et sans doute que le rôle attribué à la jeune Rachel, fille de l’agent Réjean Rainville, dans Rachel et Réjean (1987) peut étonner. Toutefois le genre dramatique de cette comédie policière autorise la mise en scène d’un personnage féminin hors cadre et il permet à l’auteur d’explorer de nouveaux comportements et de nouveaux milieux sociaux grâce à cette jeune femme, cégepienne de 17 ans, qui vient en aide à son père malade en assumant des fonctions policières. En effet, Rachel accomplit des démarches inusitées pour accomplir les enquêtes que son père ne peut plus mener lui-même, suite à un grave accident. Elle met aussi à contribution son amoureux Brian Weatherall, anglophone et son amie Mélanie Bouvier dont la mère est costumière. Il s’ensuit que les femmes dans ce téléroman prennent une part active aux activités policières de cette série et n’en sont pas seulement des témoins lointains.

            Plusieurs téléromans de la décennie 1980-1990 font aussi émerger des types de femmes engagées professionnellement et sensibles à une nouvelle vision féministe des rôles de la femme. On en trouve un exemple dans Marisol (1980-1983) de Micheline Mélanger et Gérald Tassé, qui met en scène une jeune veuve, mère d’une petite fille, obligée de gagner sa vie après le décès de son époux. Ses amies, Annette, Claude et Évelyne, deviennent un support important à son manque d’expérience dans le monde du travail. Elles lui servent de référence et lui permettent un recul critique face aux idées du féminisme de Claude et aux aventures de séduction d’Évelyne. La Vie promise (1983-1985) de Marcel Dubé met aussi en scène divers milieux sociaux et familiaux. Les parents d’une famille appartenant à la grande bourgeoisie sont confrontés à une famille irlandaise pauvre, à cause des relations de leurs enfants. La jeune adolescente, Mélanie Thomas, est « tombée » enceinte suite à une relation sexuelle avec le jeune Francis McGuire. Cette situation oblige les mères à entrer en dialogue et à modifier leurs relations sociales et leur regard sur l’expérience amoureuse et sexuelle. Les concepts de classe sociale sont remis en cause et un certain dialogue s’établit entre les familles. Les nouvelles relations dans lesquelles Madame Thomas doit se situer face à sa fille obligent aussi à une remise en question des rôles féminins et familiaux.

Émergence des images de la sexualité et du libertinage                

            C’est au cours des années 1980 que les téléromans introduisent d’une façon plus systématique les situations qui manifestent une nouvelle libération de la femme, de plus en plus présente dans les milieux de travail hors du foyer et en quêtes d’aventures érotiques de plus en plus banalisées. Trois téléromans écrits par Lise Payette en explorent diverses facettes, et les  personnages féminins, toujours nombreux et en interaction, évoluent et se questionnent sur leurs rôles traditionnels de mère et d’épouse avant de se laisser emporter dans diverses aventures sexuelles. Dans La Bonne aventure (1982-1986), Anne, Martine Hélène et Michèle, devenues des amies fidèles, sont dans la trentaine, insatisfaites et souvent chagrinées de leurs relations amoureuses et maritales. En conséquence, elles mettent d’abord leur intérêt sur l’évolution de leurs enfants et trouvent dans leurs confidences un palliatif à leurs déceptions. C’est avec Des Dames de cœur (1986-1989) que les femmes s’autorisent des aventures sexuelles multipliées. Ce téléroman met en scène quatre femmes dans la cinquantaine dont trois, Claire, Lucie, Évelyne, ont été des épouses et des mères centrées sur les activités familiales. Demeurées à la maison, elles sentent le poids de leur charge familiale s’alléger avec le départ de leurs enfants, mais elles voient aussi leur vie de couple stagner et générer plus d’ennui que de plaisir. Contrairement à ces amies, Véronique est une femme de carrière qui connaît le succès comme directrice d’une revue spécialisée dans le domaine de la décoration, mais elle aussi voit sa vie de couple se banaliser et elle la remet en question alors qu’elle est de plus en plus éblouie par les charmes de Jean-Paul Belleau, un comptable séduisant. Tout comme Julie qui trompe son mari avec lui, Gilbert néglige Claire son épouse, et Jean-Paul le fait tout autant pour Lucie, son épouse légitime, qu’il trompe impunément. Il apparaît que ces femmes s’ouvrent au fur et à mesure de leurs déceptions comme épouse aux aventures sexuelles qui les sollicitent d’autant plus que dans le milieu de travail Jean-Paul Belleau, comme suborneur irrésistible, devient le séducteur invétéré de toutes les femmes à sa portée.

            Dans Un signe de feu (1989-1991), la vision du féminisme et de l’amour libre se concrétise encore davantage dans diverses aventures autour de Martine Poliquin qui dirige avec son mari une agence de publicité. Ce couple connaît des ruptures, et leurs aventures extraconjugales pallient à l’échec de leur relation de couple traditionnelle. Mais suite à l’engagement par Martine de Jean-Paul Belleau, qui remplace son mari Hubert comme comptable-agréé, le paysage de l’agence de publicité se transforme et Jean-Paul Belleau devient l’amant de Martine. Ses amies, Lucie et Evelyne sont devenues entre temps propriétaires d’un restaurant qui polarise leurs énergies, sans pour autant régler les problèmes liés à leurs propres expériences amoureuses. Ainsi, pendant près de dix ans, l’univers des femmes dans leurs évolutions diverses, telles que conçues par Lise Payette, sollicite les téléspectateurs. Les femmes oscillant entre la fidélité conjugale et la vie amoureuse hors du mariage se prêtent à toutes les séductions, polarisées par la présence dans leur environnement de Jean-Paul Belleau. C’est une nouvelle vision de l’amour libre qui s’affirme comme complément à l’affranchissement des tâches ménagères et une voie de plaisirs vécus parallèlement aux responsabilités professionnelles.

            Nous constatons que, si plusieurs personnages féminins se retrouvent encore dans les fonctions maternelles au cours de ces deux décennies de la fin du 20e siècle, la plupart des femmes ont régulièrement des postes de direction dans des organismes et évoluent en marge des responsabilités familiales. À l’instar de la plupart des téléromans de cette décennie, Scoop (1991) de Réjean Tremblay et Fabienne Larouche met en scène un milieu de travail spécifique, traité dans ses divers aspects sociaux et culturels. Le milieu de la presse d’information présente une diversité de personnages féminins, et Stéphanie Rousseau, reporter et fille du propriétaire, réussit à se tailler une place importante dans l’entreprise de son père, le forçant à reconnaître sa compétence comme femme et comme professionnelle, suite à une grève à laquelle elle participe. L’émergence de la femme d’action en ce milieu est un événement aussi original que dans Rachel et Réjean, qui permet de saisir une nouvelle dimension de la femme et une vision des rôles de gestion qui lui permettent une affirmation des valeurs du féminisme. Dans les téléromans de Lise Payette, les femmes sont amenées à interagir entre elles et à se soutenir par des amitiés et des confidences, alors que leurs comportements avec les hommes les amènent à rompre avec une morale qui gérait les comportements moins libres des décennies antérieures. Le libertinage devient une pratique reconnue et acceptée pour le plaisir de chacun et chacune, et ce sont surtout dans les initiatives de séductions favorisées par le monde du travail que les femmes s’inscrivent.

            Au début des années 1990, que ce soit dans les milieux de travail professionnel, droit, comptabilité, médecine, ou dans celui du milieu journalistique, le rôle de séductrices se retrouve très régulièrement exploité par les auteurs. Et sa manifestation se fait plus libre encore que dans les périodes antérieures, car souvent ces femmes évoluent hors des situations de la vie conjugale et maternelle dont font état Virginie, Rumeurs, C.A., Tout sur moi, Les hauts et les bas de Sophie Paquin. Alors que suivant les tendances du téléroman, après les années 1980, les scènes de violence se jumellent à un érotisme exhibitionniste toujours plus marqué, le corps des femmes est exposé dans sa nudité, sans préjudice au fait que les hommes sont aussi montrés nus et qu’un téléroman a osé représenter une relation sexuelle dans son accomplissement standardisé de copulation. Déjà dans les œuvres de Victor-Lévy Beaulieu (VLB), tout comme dans certaines scènes de Virginie, Providence, Rumeurs, ce thème trouve des exemples significatifs. En effet, si L’Héritage de Victor-Lévy Beaulieu, diffusé de 1986 à 1990, vient confirmer la nouvelle tendance à traiter de libération de la femme et des revendications de son droit à faire sa vie hors des normes morales posées depuis des siècles, dans un contexte de violence latente, Montréal P.Q. (1991-1992) va encore plus loin dans les manifestations de la violence reliée au milieu de la prostitution dont il trace un paysage réaliste dans l’élaboration de scènes érotiques.

            Dans L’Héritage, le personnage de Miriam est exemplaire d’une affirmation de la femme déchargée de ses attaches familiales, ayant quitté la ferme paternelle et évoluant dans le monde urbain où elle cache son drame de mère honteuse du viol qu’elle a subi. Elle se pose comme un exemple d’autant plus tragique de la libération de la femme que son père Xavier Galarneau, dans un moment d’égarement, a violé sa fille adolescente et l’a forcée à se cacher et à s’exiler à Montréal pour élever son fils né des suites de ce viol. L’émergence de Miriam qui revient dans sa famille, dans un nouveau contexte, celui de la transmission de l’héritage, permet de saisir la force psychique de cette femme. C’est elle qui administrera le domaine agricole que son père lui lègue, car il sait reconnaître qu’elle en a la compétence nécessaire, alors que sa sœur plus romantique, Julie Galarneau, vivra en artiste sur la ferme avec son frère Miville, le musicien, et se retrouvera avec lui dans un rapport incestueux et amoureux.

            Sans doute faut-il aussi considérer les rôles exceptionnels de la femme dans Montréal P.Q. de VLB, tant de Madame Félix que de Fleur-Ange et Roxane Blondeau. À la fois tenancière d’une maison de prostitution, gestionnaire hors pair de ce commerce, appuyée par le chef de police Téoli, son amant, Madame Félix est aussi amie avec l’ex-directeur de l’escouade de la moralité, Urbain Blondeau. Fleur-Ange Rondeau, une épouse modèle, n’arrive pas à dénouer les conflits dans lesquels se retrouve sa fille Roxane, fascinée par l’amour libre et la prostitution dans laquelle elle s’aventure. Madame Félix, quoique impliquée dans un monde de corruption dont elle profite, mais qu’elle juge pervers, est la mère d’un jeune prêtre dont elle espère consolider la vocation malgré l’environnement social dans lequel il a évolué avec sa mère. À son grand désespoir, il s’affranchira de sa fonction cléricale et deviendra le gestionnaire de sa maison de prostitution, comme son héritier. Madame Félix, devant l’absurdité de sa vie de femme et de mère, décide en fin de parcours de se suicider. Les images qui surgissent de cette série télévisée, diffusée en 1991-1992, découvrent des personnages féminins hors du commun, mais dont la puissance d’évocation dramatique portée par l’écriture de VLB donne une résonnance particulière à l’univers urbain montréalais de l’après-guerre. Madame Félix et les personnages de la bourgeoisie tout autant que du clergé, qui évoluent autour d’elle, sont aux prises avec des situations de violence et d’hédonisme sexuels qui se dissimulent mais n’en sont pas moins percutantes pour rendre compte de rôles plutôt cachés des femmes dans le milieu de la prostitution montréalaise.

            Dans cette même décennie, la création du téléroman Virginie (1996-2010) de Fabienne Larouche ouvre sur un milieu assez peu présent antérieurement dans les téléromans, sinon dans Les Belles histoires des pays d’en haut qui mettait en scène la maîtresse d’école et son importance dans le milieu rural. Ce téléroman investigue le monde scolaire comme un lieu où l’action dramatique met particulièrement en relief les professeurs et leurs relations dans ce contexte, dont une grande diversité de personnages féminins. Au fur et à mesure que se développent de nombreuses intrigues, les professeures et les étudiantes sont impliquées dans une diversité d’expériences qui ont toujours une dimension sexuelle ou érotique. Dans le cours des années 2000, la dimension familiale se fera présente et les femmes qui sont des mères expérimentées et conscientes des problèmes de la vie scolaire, chercheront à préserver les jeunes de mésaventures nombreuses favorisées par le milieu. Les aventures de la première Virginie (jouée par Chantal Fontaine) mettaient en relief les tentatives de ses collègues pour la convaincre d’avoir des relations sexuelles avec l’un ou l’autre professeur, alors que son amour, Bernard, en voyage en Amérique du Sud, tarde à revenir et même à donner de ses nouvelles. Les interventions des professeures questionnent la fidélité conjugale de Virginie et la forcent à considérer que l’érotisme et parfois même un certain exhibitionnisme sensuel font partie des comportements habituels que se permet la nouvelle génération. Ces expériences multiples de séduction des femmes qui s’échelonnent tout au long du téléroman et même les pratiques de la prostitution chez les jeunes étudiantes apportent de nouveaux regards sur la condition des femmes. Leurs places dans les professions explorées en fonction de l’école et leurs aventures amoureuses ou sentimentales mettent en relief diverses visions de la sexualité et parfois de la violence dont elles sont l’objet. 

            C’est dans ce contexte que le professeur Pierre Lacaille devient le prototype du séducteur, comparable à Jean-Paul Belleau, prêt à toute aventure sexuelle avec l’une ou l’autre des femmes de son école. Et, au cours des semaines et des années, les professeures de Sainte-Jeanne-d‘Arc passent toutes les unes après les autres dans son lit et ses bras de suborneur et de Don Juan. Avec les années, la diversité des figures féminines se maintient dans Virginie, et la nouvelle vedette qui en incarne le personnage, blonde, mince, apparemment plus jeune que la première Virginie, se fait présente dans la plupart des événements et des séductions, mais dans un rôle plus effacé. Il est intéressant de noter que dans un article publié sur Virginie dans Le Devoir du 17 août 2010, Louis Cornellier évoque les principaux personnages masculins de ce téléroman et ne retient qu’un nom de femme, celui de Louise Pouliot, «ancienne danseuse nue recyclée en gestionnaire de cafétéria scolaire et prodigue de son bon sens populaire souvent primaire….», qui s’ajoute à celui de Virginie qu’il nomme, expliquant ce qu’il en a aimé.  

            Il nous apparaît important de noter ici que, dans le cours des années 1990-2010, de nombreuses situations dramatiques, fondées sur la violence et le sexe, sont reçues comme acceptables, distrayantes même par le grand public, et que le fétichisme sexuel a de nombreux adeptes, voyeurs ou tout simplement friands d’exhibitionnisme. Si on en trouve quelques exemples dans Virginie, plusieurs autres téléromans dont Les hauts et les bas de Sophie Paquin, C.A. et Les Bougon, c’est aussi ça la vie, Rumeurs, en explorent les diverses facettes dans de nombreux exemples, faisant état d’une expérience de la violence gratuite, sociale ou individuelle, et de la séduction pour la séduction, acceptée et justifiée dans sa dimension de réalisme fictif. La scène des enfants dans l’escalier extérieur de la maison des Bougon, qui paient leurs amis pour voir les seins nus de la tante, à la fenêtre, est un autre exemple de cet exhibitionnisme de la sexualité que les téléromans de cette période pratiquent

          Cet exhibitionnisme de la sexualité fétichiste est aussi au centre des actions dramatiques dans C.A., Tout sur moi, L’Auberge du chien noir, Providence, à CBFT, et dans Annie et ses hommes, à TVA. Ceci peut expliquer que la rencontre des couples et les fréquentations axées sur l’attrait, le plaisir et la satisfaction érotique, laisse peu de place à l’affection et que l’amour y a peu de place. Car c’est l’aventure sexuelle à tout prix qui se réalise sans trop de contrainte, tant chez les jeunes que chez les plus âgés. Et malgré certaines mises gardes des parents, le mode de relations amoureuses des jeunes s’inscrit dans la libération que permet le plaisir sensuel, l’hédonisme érotique, peut-être moins l’expérience de l’amour. Récemment des scènes érotiques ont été repérées dans le corpus des téléromans et présentées dans. «Montage baisers téléromans québécois», diffusées sur le site de youtube par Laurent Soucie (2009). Un autre montage téléfilmique sur internet présente aussi des scènes multiples de baisers du téléroman Providence (2005-2010) et de plusieurs autres œuvres où sont mises en scène les relations des principaux couples de ce téléroman dans leur quête initiale ou leur développement.

Dans une société en transformation : les épouses et les amoureuses

            Nous avons évoqué le fait que, dans les téléromans des années 1960 à 1980, émergent des femmes de caractère, soucieuses de prendre leurs responsabilités familiales et sociales et qui jouent de plus en plus de leur influence dans le savoir social et familial. Dans la suite des téléromans La Côte de Sable et De 9 à 5 de Marcel Dubé, Septième nord de Guy Dufresne, on découvre que dans Rue des Pignons (1966-1977) et Terre humaine (1978-1984) de Mia Riddez-Morisset, les femmes ont des personnalités qui s’expriment sur divers plans et manifestent leur emprise sur le milieu familial, bien sûr, mais aussi sur le monde des affaires. Leurs initiatives sociales, commerciales et même amoureuses préparent à l’émergence d’autres figures de femmes explorées après les années 1980 dans Les filles de Caleb (1990-1991) de Fernand Dansereau et Arlette Cousture.

           Dans ce contexte, les épouses demeurent des figures importantes, mais saisies dans des relations nouvelles où le plus souvent l’aventure amoureuse, parallèle aux obligations parentales, veut promouvoir l’amour libre comme valeur de modernité. Les amours des jeunes et le goût du sport sont des relais importants dans l’évolution dramatique chez Mia Riddez-Morisset. Rue des Pignons privilégie un quartier montréalais ouvrier, où le snack-bar de Flagosse Berrichon devient un espace de rencontres, alors que Terre humaine ouvre sur un village et le milieu agricole de Sainte-Marie-des-Anges dans lequel jeunes et moins jeunes sont en interaction dans des intrigues amoureuses. L’épicerie et quelques espaces familiaux permettent d’établir des liens entre les familles Jarry et Milot, Marsouin et Lafeuille. Et Flagosse Berrichon qui s’intéresse au développement sportif des jeunes établit des liens particuliers avec Maurice et Hector Milot, tandis que Janine Jarry connaîtra une quête amoureuse complexe et trouvera le bonheur espéré en fin de parcours avec Maurice devenu une vedette du sport. Chez les Jacquemin, les femmes ont aussi leurs conquêtes amoureuses et la mère sera de toutes les discussions familiales pour en éclairer la complexité et les décisions heureuses ou problématiques.

            Dans les décennies 1980-2000, les téléromans de Lise Payette que nous avons déjà évoqués mais aussi ceux de Gilles Richer, Guy Fournier, Jean Lajeunesse et Janette Bertrand, expriment dans des formes nouvelles une volonté de liberté des femmes dans leurs relations sociales et amoureuses. La conséquence en est que les épouses et les amoureuses prennent le pas sur les figures maternelles et s’engagent d’une façon plus spécifique dans  la problématique du féminisme. Ainsi en est-il dans des œuvres qui font suite à Filles d’Ève (1960-1964) de Louis Morisset et dans Marisol (1980-1983) de Micheline Bélanger et Gérard Tassé où l’importance du monde féminin s’impose par les personnages et les fonctions des femmes en des responsabilités diverses. Ces téléromans et téléséries, axés sur la condition de la femme, tentent de défendre une vision féministe du monde. Les vies de couples sont les lieux où émergent les insatisfactions et où s'amorcent les conflits, familiaux et professionnels. Marilyn (1995-1997) met en scène un personnage typique de l’évolution de la femme et de ses rôles sociaux.

             Quittant la fonction de femme de ménage pour apprendre le dur métier de la politique, elle développe des relations avec des milieux sociaux multiples et vit une réalité humaniste grâce à son ascension sociale par le biais de la politique. Mais Marylin se refuse à devenir une politicienne vedette et veut le bien-être de ceux qu’elle soutient. En cela, ce téléroman est différent des quêtes sociales des téléséries féministes, diffusées entre 1982 et 1991, dont La Bonne aventure, Des dames de cœur, Un signe de feu, sont exemplaires dans la programmation. En effet, dans ces œuvres, les situations explorées mettent en relief l’égalité des femmes avec les hommes et les réflexions de chacune pour tenter d’améliorer une situation tant maternelle que conjugale. Toutefois, ces aventures de femmes suscitent des réflexions entièrement tournées sur leur plaisir, car la clé des relations entre les femmes et les hommes repose sur le fait que les personnages féminins s’autorisent de plus en plus une vie sexuelle libre comme celle de leur mari qui trompe sans repentir et favorise des échanges de partenaires et de couples sans autre questionnement.

            La vie bourgeoise et mondaine des femmes mariées, insatisfaites de leur vie sexuelle et plutôt critiques de leur situation maritale, se développe ainsi comme un nouveau modèle socioculturel, amplifié dans ses conséquences par les ruptures de couple menaçant l’équilibre familial. Jean-Paul Belleau en devient la cause immédiate comme amant, obsédé pour ainsi dire d’aventures sexuelles hors mariage vécues sans remords au détriment de la fidélité et de la stabilité du couple.  Jean-Paul Belleau sert de référent au jugement que les femmes portent sur leur propres aventures amoureuses ou purement sexuelles. Plus encore, si ce sont les femmes qui déterminent leurs choix de vie, tant professionnelle qu’amoureuse, leurs orientations sentimentales et affectives qu’elles partagent avec des amies sont généralement la suite des insatisfactions conjugales, des infidélités et des manques d’amour. La parole des femmes est devenue, dans ces téléromans de Lise Payette, un instrument d’affirmation de soi dans la mesure où elle permet de se dire à des amies, de se voir avec un certain humour et de ne pas uniquement subir les contrecoups de choix ou d’aventures sexuelles d’un mari chez qui l’amour est minimisé et le plus souvent en manque. Car là encore, si l’émotion prédomine sur le sentiment, l’attrait et le plaisir remplacent le plus souvent l’engagement et l’approfondissement des relations amoureuses.

Les téléromans à perspective socio-historique après 1980

            Dans le cadre des téléromans à perspective socio-historique, il est intéressant de constater que les personnages féminins sont d’une grande originalité et que dans les rôles féminins mis en scène sont inscrits non seulement les traits mais aussi les cheminements du féminisme qui, selon les époques, trouvent des modalités d’expression spécifique. Au moment où le mot lui-même émerge à peine, dans les milieux ruraux des régions et même en milieu urbain, les femmes manifestent une autonomie qui en esquisse les tendances futures. De plus, dans ces téléromans, que ce soit les personnages d’épouses, de veuve, de mères, de jeunes amoureuses ou de célibataires, les configurations de la femme se manifestent en de véritables caractères au sens classique du terme, et non seulement en des types quelque peu stéréotypés comme on les trouve dans la plupart des téléromans entre les années 1960 et 1980. Nous présentons ici les plus célèbres et les plus significatifs des personnages féminins créés par Fernand Dansereau, Pierre Gauvreau et Noël Audet, dont les actions révèlent quel était l’apport des femmes dans leur milieu, à deux époques, celle de la première guerre mondiale en 1914-1918 et celle de la seconde guerre mondiale de 1939-1945.

Le pouvoir de la femme en milieu régional : Rose-Anna St-Cyr

            Le Temps d'une paix (1980-1986) débute avec la période de l'après-guerre 1914-1918 et se termine avec la fin de la crise économique de 1929. Pierre Gauvreau y construit une triple intrigue dont les actions évoluent entre 1918 et 1930, autour des figures de Rose-Anna Saint-Cyr, épouse d’un cultivateur récemment décédé, de Juliette et Antoinette, ses filles, et de Léonie, l’amoureuse de Lionel Saint-Cyr, qui en deviendra la jeune épouse. Si la veuve Rose-Anna refuse d’épouser le riche propriétaire du garage et d’un domaine agricole, Joseph-Arthur, qu’elle aime bien et à qui elle accorde ses faveurs à l’occasion, c’est pour garder irrémédiablement son autonomie de femme et de gestionnaire du bien foncier de sa ferme dans Charlevoix, qui lui permet d’assurer la continuité de la vie familiale et de préparer une succession pour son fils Lionel. Au cœur de ce contexte agricole, évoluent aussi Juliette et Antoinette Saint-Cyr, dont l'insertion dans la vie urbaine à Québec permettra d'explorer diverses facettes de la société bourgeoise et commerçante en transformation et ses conséquences sur la vie des femmes. Le rôle des jeunes filles dans l’évolution des comportements et des valeurs sociales, inéluctables en cette période de l’histoire du Québec, s'affirme par la liberté de mœurs, les tendances des femmes tout autant que des hommes à rejeter le conservatisme au profit du libéralisme et de la modernité. Rose-Anna Saint-Cyr se révèle comme personnalité exceptionnelle, non seulement comme responsable de la gestion de sa ferme et capable de commander, mais aussi comme organisatrice de la vie familiale faisant respecter ses points de vue et ses orientations. Dans ses relations avec la famille de son futur gendre, Raoul Savard, issu de la bourgeoisie de Québec, Rose-Anna est à la fois d’une grande sociabilité et d’une exigence qui la fait respecter. Car celui qui épousera Juliette, une jolie jeune femme qui passe de la fonction de domestique dans la maison bourgeoise des Savard à celle d’épouse du jeune homme de la famille, doit être à la hauteur de la situation. D’autant plus qu’il a profité d’une Juliette encore pucelle et quelque peu inconsciente des conséquences socio-familiales de cette relation désirée par amour, qui la conduit par chance à un heureux mariage.

            Dans l’évolution de Rose-Anna, qui refuse d’épouser Joseph-Arthur Lavoie, même si elle accepte d’être occasionnellement son amante, de nouvelles activités la conduiront à s’engager en politique et à collaborer à une campagne électorale qui la met en évidence pour toute la région, sinon jusque dans la ville de Québec. Entre temps, Antoinette Saint-Cyr se refuse à toutes demandes de mariage et donne priorité à son expérience de gérante d’un commerce de nettoyage dans la ville de Québec, qui met en valeur ses talents d’administratrice et de gestionnaire. Dans la famille, Mémère Bouchard est mise en scène comme témoin d’une autre époque. Presque centenaire, elle incarne la vieillesse heureuse, compréhensive des transformations qui affectent les mœurs et heureuse des nouvelles technologies, le téléphone, l’électricité, l’automobile, qui  modifient le rythme de la vie rurale.  

            Dans ce téléroman, l’auteur explore aussi un mode de vie marginal, la prostitution, auquel ont accès les jeunes ruraux tout autant que les gens de la ville de Québec. Il en est un exemple percutant dans la rencontre amoureuse de Lionel Saint-Cyr (Daniel Gadouas) et Noëlla Leclerc (Diane Cardinal), dans une maison de passe où Valérien Lavoie, pour s’amuser en ville un soir, a amené son ami Lionel. Cette rencontre modifiera les destins de Lionel et de Noëlla dont la pauvreté familiale dans Charlevoix a été à l’origine de son aventure urbaine,la prostitution qu’elle pratique étant la forme de travail trouvée rapidement pour assurer sa survie en milieu urbain, Noëlla trouve son salut dans l’amour de Lionel qui réussira à obtenir de sa mère le consentement à son  mariage.     Dans la suite de leur première relation sexuelle dans une maison de passe, plusieurs scènes font état de leurs amours encore discrètes. L’une d’elle met en scène le jeune couple qui s’ébat au bord de l’eau, au grand scandale de Rose-Anna qui les aperçoit soudain de sa maison, complètement nus, alors qu’elle ignore encore leur relation amoureuse.

             Sans tendance pernicieuse cet érotisme des corps nus exhibés ingénument, amène une confrontation de Lionel et Rose-Anna, qui permet des explications et la révélation de cette relation amoureuse récente demeurée secrète. Plusieurs autres scènes amoureuses mettront en relief les relations entre les jeunes qui évoluent dans ce téléroman dont le fils de Joseph-Arthur, Yvon Lavoie, qui épousera à son tour la jeune femme qu’il aime, Marie-des-Neiges Desrosiers, dont la famille est une référence morale, tant par la fidélité des époux que leur présence à leurs enfants. Ces diverses situations amoureuses et leur cheminement, traités avec intelligence, manifestent déjà la liberté que se donnent les femmes jeunes et moins jeunes dans une société québécoise régionale en pleine évolution.

Une femme de la bourgeoisie de Québec : mère, veuve et objet de désir

            C’est une femme de la bourgeoisie de Québec, Marie Rousseau, mère de trois adolescents et récemment devenue veuve, qui est le personnage central du téléroman Le Parc des Braves (1984-1988) de Fernand Dansereau. La déclaration de la 2e guerre mondiale en 1939 vient modifier la vie sociale, et l'art de Fernand Dansereau est d'inscrire quelques événements significatifs de cette actualité dans le traitement du quotidien de la fiction téléromanesque. Nous avons déjà présenté une étude du thème de la guerre traité à la radio et à la télévision dans un article : "De la Fiancée du Commando au Parc des Braves: la guerre dans les dramatiques à la radio et à la télévision", publié dans Aspects du théâtre médiatique par Les Cahiers de la Société d'histoire du théâtre du Québec (Legris, 1991 :18). C’est dans ce contexte sociopolitique que Marie Rousseau et sa fille de 15 ans, Colette, ainsi que quelques femmes de la ville de Québec, Mado et Corinne, sont amenées à modifier leurs engagements familiaux et leurs comportements sociaux tout autant que sexuels. Et il se découvre ici que parmi les personnages-clés du téléroman Le Parc des Braves, Marie Rousseau et son beau-frère le Colonel Rousseau sont les piliers des tensions qui se formulent dans cette œuvre.

           En effet, Marie Rousseau, appauvrie par le décès de son époux qui lui a laissé des dettes nombreuses, est soutenue par son beau-frère le Colonel Tancrède Rousseau qui devient le protecteur de la famille, de ses fils et de sa fille. Mais il se découvre aussi comme amoureux de sa belle-sœur Marie qui le tient à distance, incertaine de ses sentiments et encore trop proche du décès de son époux. Les réticences de Marie à s’engager affectivement envers lui favorisent certaines aventures de Tancrède avec des amies, Mado et Corinne, séduites par la convivialité du Colonel Rousseau, par sa compréhension et sa sensibilité aux réalités féminines. Corinne appartient à la riche bourgeoisie de Québec, mais elle est en manque d’affection et de reconnaissance conjugale. Quant à Mado, une femme énergique issue d’un milieu populaire, elle fascine par ses réactions spontanées - imperméable pour ainsi dire aux grandes justifications intellectuelles qui s’expriment chez Marie Rousseau face à ses sentiments pour le Colonel. Et elle en devient pour un temps l’amante.

            Alors que la guerre modifie les conditions de vie au Québec et incite les femmes à une nouvelle conscience sociale, Marie Rousseau décide de s’impliquer dans des actions de guerre, Elle affirme sa forte personnalité en décidant de prendre des responsabilités sociopolitiques et de s’impliquer dans les actions de la Croix Rouge. Son refus initial de se laisser aimer par le Colonel Tancrède Rousseau se modifie suite à une aventure sexuelle avec un jeune militaire qui a décidé de partir à la guerre et qu’elle console pour ainsi dire au cours de cette nuit d’amour qu’elle lui accorde. Par la suite, le Colonel Tancrède Rousseau mettra fin à son aventure avec Mado. Et il réussit à gagner le cœur de Marie et à l’épouser. Quant à Flore, une jeune femme intelligente et même subtile, elle sait que comme domestique de la famille Rousseau elle ne peut s’imposer. Elle exprime la conscience qu’elle a de la mesure de ses limites sociales par cette phrase typique qui devient un leitmotiv: "J'connais mon rang, j'connais ma classe". Sa langue est fleurie des images marines – inspirées de son enfance dans le Bas-du-Fleuve – qui métaphorisent ses répliques et font état d’un art des dialogues de l'auteur.

           Chacune des femmes de ce téléroman se fait l’interprète d’un milieu. On pourrait aussi évoquer plus en détail l’évolution de la jeune étudiante chez les Ursulines, Colette Rousseau, confidente de sa mère, le milieu des religieuses comme éducatrices, les amies de Pierre-Paul jouant au séducteur, tout un ensemble de configurations de femmes exemplaires des diverses personnalités produites par les milieux urbains de Québec. Il est intéressant de noter que leur liberté d’action demeure étonnante dans la mesure où le féminisme n’est pas pour elle une conscience claire, face à des droits ou des choix de vie, mais tient davantage aux conséquences de la déclaration de la 2e guerre mondiale qui se font sentir au Québec.

Le domaine des Cormoran et le rôle d’une femme exceptionnelle : Bella Cormoran

          Au cœur d’un domaine de la région du Bas-du-Fleuve, une femme s’impose qui par son prestige social détermine une part des amitiés et des rapports socioreligieux et sociopolitiques du domaine avec les villageois avoisinants. Bella Cormoran apparaît comme une femme hors du commun, une célibataire endurcie dont la piété tout autant que les exigences de grande bourgeoise se font prescriptions pour tous, particulièrement pour sa sœur Angélique, sa belle-sœur Ginette Durivage-Cormoran, dont elle méprise les origines modestes, et sa servante Mariette Savard qui fait les frais de toutes ses sautes d’humeur et de son snobisme. Seule échappe à ses jugements Madame Letendre, une cousine de Québec, que la famille Cormoran a toujours désignée comme « ma tante », et qui a encadré la jeunesse de cette famille dont les parents étaient décédés au moment de leur adolescence. Si Bella Cormoran gère à la fois la vie domestique et familiale, voit aux travaux d’entretiens et aux relations sociales de la famille, elle laisse à son frère, le Docteur Pacifique Cormoran, toutes les questions professionnelles de son bureau logé à quelques pas de la maison principale et tolère sa relation avec Mariette qui est devenue son amante. Angélique Cormoran-Lafond, mariée et sans enfants, s’occupe des fonctions domestiques avec la servante Mariette Savard. Celle-ci a de fait beaucoup de charme et s’insère pour ainsi dire dans la famille Cormoran dont elle connaît toutes les particularités. Par ces seuls personnages de la famille Cormoran, déjà se concrétise la diversité des caractères féminins en interaction dans ce téléroman de Pierre Gauvreau.

          Quelques femmes du village sont amies de Bella qui les aime bien mais qui les garde souvent à distance par ses commentaires désobligeants. Chacune de ces femmes mises en scène est caractérisée par une fonction sociale et des comportements socio-psychologiques spécifiques. Donatienne Belzile, épouse du propriétaire de l’Auberge et tenancière avec lui de ce commerce est d’abord une femme sociable, mais capable d’un franc-parler. Elle se permettra une aventure sexuelle avec un jeune Allemand. Friedrich Müller, qui n’aura pas de suite, et son mari lui rappellera un jour qu’il l’a su, mais lui a pardonné. Zénone Veilleux, épouse du boucher et mère d’une jeune fille, Aglaé Veilleux, amoureuse du jeune Vincent Bellavance, s’impose à divers moments à son mari, qui s’aventure dans la politique par le biais de l’enrégimentement des « chemises bleues ». Maureen Bellavance, adjointe du Docteur Pacifique Cormoran, est l’épouse du propriétaire et imprimeur du journal L’Idée et la mère attentive de Flavie Bellavance, amoureuse du Docteur.

           Cette jeune femme, enseignante à l’école du rang, prend certains risques pour tenter de le séduire avant d’obtenir qu’il prenne conscience de leur amour mutuel et veuille l’épouser. Léonie Labrecque, conjointe de Gérard Labrecque, évolue dans un milieu plus pauvre et réussit à défendre Gérard contre les rumeurs qui en font un délinquant, sinon un communiste, aux yeux de l’opinion villageoise. Quant à Ginette Durivage-Cormoran, belle-sœur de Bella et d’Angélique, elle est issue du milieu pauvre de l’Anse- au-maudit, aux abords du domaine des Cormoran. Après avoir séduit leur frère et l’avoir épousé, elle fait la lutte aux prétentions de Bella et réussit à s’intégrer dans la famille grâce à son intelligence et à l’évolution que connaît Bella.

            Avec la déclaration de la 2e guerre mondiale, de nouveaux événements modifient les rôles et les rapports de classe avec Bella qui met fin à ses revendications de célibataire endurcie en devenant l’amoureuse éperdue de Wolfgang Osnabrück, chercheur allemand et espion dans la zone du Bas-du-fleuve au moment où Hitler envahit l’Angleterre à la faveur de la 2e guerre mondiale. Wolfgang Osnabrück a déclaré secrètement son amour à Bella et elle l’aurait épousé s’il n’avait décidé de se suicider pour échapper aux menaces nazies, refusant de se soumettre aux politiques d’Hitler. De cette relation secrète avec Bella naîtra un fils dont la naissance occasionne des complications familiales et sociales, mais Bella en sortira encore plus forte socialement. Si le franc-parler d’Angélique Cormoran et de son mari Germain Lafond permet des confrontations épiques avec Bella sur ses prétentions à la perfection et sur son sentiment de supériorité, leur compréhension des problèmes de Bella, suite à ses amours brisées et à ses nouveaux choix de vie, fait état de leur grande charité envers elle et d’un sens hors pair des valeurs familiales.

          Après avoir quitté Cormoran pour venir en aide au maire de Baie-d’Esprit, Mariette, qui a acquis tous les savoirs nécessaires concernant les mœurs de la bourgeoisie comme domestique de Bella, saura se faire apprécier pour ses qualités multiples et deviendra l’épouse du maire du village. Elle sera alors remplacée à Cormoran par Victoria, une servante très âgée, sans cesse en décalage dans sa compréhension des choses, ce qui produit des effets comiques et suscite la sympathie pour ce personnage sans prétentions, aux antipodes des comportements de Bella. Chacune de ces femmes joue un rôle important pour l’évolution de l’action dramatique, tant en ce qui concerne les situations familiales que le monde des affaires, car elles sont collaboratrices de leur mari, comme on le voit aussi pour la plupart des femmes dans Les Belles histoires des pays d’en haut. Avec l’évolution de Bella s’atténuent les problèmes générés par les rapports de classes  et les obsessions religieuses et morales alors compensatoires d’un manque d’amour. Elle modifie ses attitudes avec Zénone Veilleux, Donatienne Belzile, Maureen et Flavie Bellavance, ainsi que Ginette Durivage-Cormoran, sa belle-sœur détestée, qui se font de plus en plus amicales. Pierre Gauvreau crée ainsi une peinture sociale de ce milieu, où les rôles des femmes et la qualité des dialogues favorisent une peinture des milieux sociaux exemplaire et assurent au téléroman sa force et son intérêt.

Shehaweh : une figure atypique de la femme amérindienne

            L’originalité du téléroman Shehaweh est de mettre en scène comme personnage principal une jeune amérindienne à l’époque de la colonisation de la Nouvelle-France. La protagoniste Shehaweh, après avoir été enlevée de sa tribu par des Amérindiens, est ultérieurement violée par des soldats français qui l’ont recueillie avant d’être conduite à l'hôpital où Jeanne Mance l’accueille et voit à son éducation. Shehaweh est baptisée et par la suite appelée à servir comme aide aux malades et aux blessés des guerres entre Iroquois et Français. Un soir, au dortoir, elle prend conscience du fait que son éducation religieuse catholique la place en rupture toujours plus profonde avec sa propre culture amérindienne. Elle vit alors une forte crise spirituelle au cours de laquelle elle remet en question avec violence sa conversion et son adhésion au christianisme, qui se fait au détriment de sa culture ancestrale. En effet, l’acculturation qu’elle vit a pour conséquences la négation de ses propres croyances, de sa langue amérindienne et de ses traditions, et elle en saisit l'effet destructeur pour son identité première.

           Sa soumission aux valeurs et aux rites religieux du catholicisme des colonisateurs lui apparaît comme une aliénation d’autant plus grande qu’après un séjour à la cours du roi Louis XIV, et suite à l’abandon de ses protecteurs aristocrates à Paris, elle se retrouve à la Salpêtrière d’où elle partira pour revenir au Canada comme Fille du Roy. À son arrivée au pays, Shehaweh est traitée comme une Européenne et mariée comme les Françaises à un colon selon les rites catholiques du temps.  Elle finit par s’enfuir dans la forêt, découvre un lieu de culte amérindien où elle voit suspendus des fétiches divers, des crânes séchés, des scalps aux longues chevelures et des têtes momifiées. C'est alors que cette fille violentée, séduite et abandonnée, retrouve devant ces signes de la mort des Ancêtres une nouvelle conscience de son identité amérindienne profonde. Cependant Shehaweh n’en reste pas là. Elle va encore plus loin dans sa démarche personnelle et collective et se politise pour aider son peuple en  acceptant de faire partie de la petite cour du Gouverneur de la Nouvelle-France - entiché d’elle avec raison - et de devenir interprète de sa culture pour la France et la colonie. Une fois de plus, Shehaweh dépasse la tentation du narcissisme et de l’égocentrisme pour s’impliquer dans des responsabilités sociopolitiques.

            La question du fait religieux posé à Shehaweh est sans doute au plus près de l’objectif de la mission évangélique transmise par Jeanne Mance, qui est de conduire à  «adorer le Père en Esprit et en Vérité». Mais la quête forcenée de vérité pour arriver un jour à la Vérité qu’elle réclame est mise ne échec par sa confrontation aux Européens. Dans Shehaweh, il est établi clairement que le témoignage chrétien des fondateurs de la Nouvelle-France est indéfectible par la dimension de générosité, de détachement, de solitude et de foi profonde en Jésus Christ qu’ils manifestent tout au long du développement de l’intrigue historique. Mais la mise en perspective des comportements parfois scandaleux et anti-évangéliques des catholiques européens, infidèles à leur foi, s’inscrit dans le regard même de Shehaweh sur la civilisation et la culture de l’époque du Roi-Soleil. Bien documentée, l’œuvre n’occulte pas les torts nombreux de cette colonisation des Amériques, ni ceux des Églises de Rome et de la France - la Gallicane - qui elles aussi avaient leurs visions de la hiérarchie et leurs stratégies de pouvoir sur les femmes.  La colonisation ne s’est pas faite sans ces implications. Un regard de femme amérindienne en rend témoignage.

Évolution des rôles féminins: une femme dans l’espace public américain de la Gaspésie

            L'Ombre de l'épervier (1998-1999) de Noël Audet s’inscrit dans une suite de téléromans à perspectives socio-historiques et met en situation une femme exceptionnelle, Pauline Leblanc, qui connaît un parcours complexe comme épouse, comme mère et comme femme d’action dans son milieu gaspésien, à la fin de la 1e guerre mondiale. Grâce à cette femme se crée un espace public de coopérative, émergé du commerce régional de la pêche. Son rôle de femme d’affaires va modifier les rapports établis par les Anglais, autour de Mister French, avec les pêcheurs gaspésiens et donner un nouveau souffle identitaire aux générations qui viennent. Pauline prend en main un groupe social qui, avec son appui, consolide les structures régionales qui préparent à définir une identité nationale, francophone et libérale, dans cette région qui fait face au monde anglophone toujours présent depuis la Conquête.        

          Ce téléroman dont l’action se déroule entre 1918 et la fin de la seconde guerre, découvre non seulement les magnifiques paysages de la Gaspésie, les falaises et une vue imprenable sur la mer, mais aussi une société conçue comme une page de notre histoire sociopolitique et commerçante où la personnalité de Pauline prend toute son envergure. Les premières séquences de l’œuvre montrent la difficulté de la vie agricole sur ces plateaux impressionnants, dressés comme des caps au-dessus de la mer et qui sont des terres de roches déboisées à cultiver. Pauline est vue en action, attelée comme un cheval au socle de la charrue, au moment où son père trace les sillons. C’est elle qui est la force de travail dans cette séquence des labours, et sa fonction est totalement inusitée, d’autant plus que la famille Leblanc a bien un cheval avec lequel elle se rendra au village pour accueillir Noum revenu de la guerre et qu’on va décorer. Cette séquence des labours positionne le père et sa fille Pauline dans un rapport symbolique complexe. Les commentaires du père sur le monde rural mettent en évidence que, le fils aîné manquant, la fille aînée qu’on lui substitue doit s’intégrer à la vie des hommes de la terre par son travail, sans discrimination. Créer les sillons où seront ensemencés le blé ou l’avoine, le sarrasin et autres légumes est le geste nécessaire pour la survie de la famille plus important que la pêche. Et comme le père de Pauline exclut la pêche de tout idéal existentiel de la femme, l’image de Pauline attelée à la charrue devient significative de l’idéologie de la terre qu’il lui impose comme centre de son activité de femme inscrite dans le  monde rural.

            Au centre de l’œuvre, le personnage de Pauline ouvre et consolide la voie de l’avenir. Les séquences du hululement de Pauline comme appel aux pêcheurs  impliquent que ce cri est aussi un appel à Noum, l’amoureux de toujours, naviguant sur la mer, et qui ne demande qu’à rejoindre celle qu’il aime dès la fin du travail. Mais son hululement utilisé les jours de tempêtes pour diriger les marins révèle aussi la puissance de Pauline face à la mer. Pauline par son travail de persuasion auprès des villageois affirme peu à peu sa personnalité de chef de file, de leader dans la communauté et assure les conditions de leur réussite. Assistée de Noum, son époux, elle confirme devant la société villageoise leur relation amoureuse exceptionnelle et son apport dans cette nouvelle industrie de la pêche dont profiteront les enfants et le pays. Pour elle, l’appel de la mer devient l’espoir et la voie de l’avenir.

            Pendant des années, Pauline conjure le sort fait aux femmes et en réponse à l’idéologie du père qui affirmait que « la femme sur la mer ne peut que connaître le malheur », Pauline réussit malgré les obstacles à inscrire son action dans la modernité qui se crée. Toutefois, suite à une aventure sexuelle avec le médecin du village, de qui elle sera enceinte de la jolie Catherine, et alors que les absences de Noum, en cavale à Montréal, se font problématiques dans ce milieu gaspésien où la vérité doit être cachée, la vie devient un enfer. Par la suite, la scène du suicide de Catherine, du haut de la falaise détermine une première fatalité qui fond sur cette famille. Et malgré les succès socioéconomiques, le destin de Pauline et Noum demeure tragique, car après le retour de Noum, devenu alcoolique par dépit au cours d’une période de fugue à Montréal, leur nouvelle vie amoureuse est rompue par la mort inopinée du couple lors d’un tremblement de terre. Autour du personnage de Pauline, c’est un univers de désir, de violence parfois, et de combat pour la survie, qui est mis en scène, fidèle à une vision qui puise aux origines de l’Histoire du pays. Cette Histoire qui se poursuit dans la littérature, après les drames de ce temps-là, invite à d’autres regards sur la mer tant aimée de Pauline, celui de Robert Choquette dans Suite Marine :

            Iseut, voici la mer!

            Du haut de ce rocher

            Où le goéland seul ose et vient s’attacher,

            Du haut du vent qui fait valser les grains de sable,

            Regarde Iseut; c’est elle, immense, insatiable,

            C’est elle avec l’ampleur qu’ont les gestes de Dieu.

 

Et cet autre regard de Paul Valéry, dans Le Cimetière marin, qui se fait admiratif et contemplatif, ouvre sur l’éternité du temps.

            Ce toit tranquille, où marchent les colombes,

               Entre les pins palpitent, entre les tombes;

            Midi le juste y compose de feux

              La mer, la mer toujours recommencée!

              O Récompense après une pensée

               Qu’un long regard sur le calme des dieux!

            Pour conclure ce panorama des rôles assumés par les femmes dans les téléromans, il est peut-être utile de rappeler qu’au cours des premières décennies de la production, le fétichisme sexuel, l’érotisme et les actes de violence sont rarement montrés comme tels mais sont plutôt évoqués dans leurs conséquences sur la vie des personnages et leur milieu familial. Depuis les années 1980, les auteurs et réalisateurs choisissent de construire des images où les conflits, les rivalités, les haines, les quêtes d’aventures, amoureuses ou sexuelles, violentes ou lascives, prennent de l’ampleur et sont manifestes dans leur accomplissement ou leur exécution. Les images de la femme dans ce contexte en sont marquées et elles deviennent plus prégnantes. Que la femme soit montrée comme séductrice, comme objet sexuel, comme témoin ou auxiliaire d’une action, elle est rarement vue comme instigatrice des violences mêmes. Toutefois, on est loin avec ces orientations esthétiques ou stylistiques des téléromans de la fin du 20e siècle des consensus sociaux et familiaux qui caractérisaient La Famille Plouffe, Les Berger, La Pension Velder, Les Belles histoires des pays d’en haut, Jamais deux sans toi, Rue des Pignons ou Terre humaine. Les situations des femmes, comme mères ou comme jeunes adultes, comme amoureuses ou célibataires relevaient d’une vision du monde autre que celle qui s’exprime dans les tendances de la postmodernité et ses exacerbations. Dans ces téléromans antérieurs aux années 1980, les personnages féminins et leurs différentes visions du monde, portées par plusieurs générations, pouvaient se confronter – sans agression physique ou même psychique, ni domination – dans un véritable dialogue en tension qui n’excluait ni les rivalités, ni les confrontations à l’occasion de quêtes amoureuses, et qui parfois puisait dans les ressources de l’humour pour parler d’amour.

 

 

- Références bibliographiques

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       4) MÉmoires de maÎtrise et thÈses de doctorat

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 Bouchard, Nathalie Nicole, Scoop et les communautés interprétatives: sémiotique de la réception du téléroman québécois. Thèse de doctorat, UQÀM, 1998.

 Bouchard, Nathalie Nicole, La popularité du téléroman: le cas de Lance et                                             compte. Mémoire de maîtrise, UQAM, 1990.

 Courteau, Isabelle, La petite vie de Claude Meunier: un téléroman révélateur, UQÀM, 2000, 94p.

 Eddie, Christine, Les Conditions de production et de réception des téléromans diffusés à Radio-Canada (CBFT Montréal), 1952-1977, Université Laval, 1985, 307p.

Émond, SophieLa représentation du genre masculin et du genre féminin dans le téléroman québécois. Le cas de Lance et compte, Université Laval, 2009.

Jolicoeur, Nancy, La télésérie La Vie, La Vie. Un moment marquant dans   l'évolution formelle des fictions télévisuelles québécoises, 2008, Université Laval.

Laurence, Gérard, Histoire des programmes de télévision: Essai méthodologique appliqué aux cinq premières années de CBFT Montréal, 1952, thèse, Université Laval, 1978.

Nguyên-Duy, Véronique, Le réseau téléromanesque : analyse sémiologique du téléroman québécois, de 1980 à 1993, thèse de doctorat  en Communications, Université du Québec, Montréal, 1995.

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Tigkos, Marie, Media, Culture and Social Change in Quebec: the Story of Radio-Canada Television in the Fifties, Master thesis, Department of Communications, Concordia University, 1998.

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 5) DOCUMENTAIRES VISUELS

Fournier,  Roger et Annie Boudin, Téléromans PQ. ,  Documentaire, Montréal, Astralmédia, 2001. Animateur : Jean-Pierre Desaulniers.    

Gauvreau, Pierre,  Le Temps d’une paix, saison 6,  Imavision Distribution, 2006

 

NOtE BIOGRAPHIQUE

Professeure titulaire de l’UQÀM, Renée Legris a initié en 1970 des recherches sur la littérature radiophonique et télévisuelle en créant, avec Pierre Pagé, la collection des Archives des la littérature radiophonique et télévisuelle du Québec (BANQ) et le Répertoire des œuvres de la littérature radiophonique québécoise1930-1975 (Fides, 1975). Elle a publié Robert Choquette, romancier et dramaturge de la radio-télévision (1977), le Dictionnaire des auteurs du radio-feuilleton québécois (1981), Propagande de guerre et nationalismes dans le radio-feuilleton 1939-1955 (1981), Hubert Aquin et la radio. Une quête d’écriture, (Médiaspaul, 2004) et Histoire des Genres dramatiques à la radio québécoise, Éditions du Septentrion (2011). Réalisatrice et animatrice de huit séries d’émissions à CIRA-FM, 91,3, de 1995 à 2001, elle a publié de nombreux articles sur la radio et la télévision dans les revues L’Annuaire théâtral et Fréquence/Frequency.

 

labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet/décembre 2011 -janvier /juin 2012  - julho /dezembro 2011 -janeiro /junho 2012