labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet /décembre / 2014  -julho/dezembro 2014

 

Hommes infâmes, individus dangereux et la violence envers les femmes:

> relectures féministes de Foucault

Chloë Taylor

 

Résumé :

L’analyse de Michel Foucault de cas psychiatriques et pénaux impliquant de la violence envers des filles et des femmes a souvent été jugée problématique dans la littérature féministe. Dans son traitement de ces cas, Foucault est intéressé par les conséquences légo-pénales d’une telle violence pour les protagonistes masculins en ne montrant cependant que peu d’intérêt pour leurs victimes. En se concentrant sur les « hommes infâmes » et les « individus dangereux », cet essai argumentera qu’il y a d’autres passages dans l’œuvre de Foucault où il se montre similairement insensible à la violence envers les femmes, bien que ces cas aient attiré moins d’attention critique. Le double objectif de cet essai sera d’examiner ce qui est en jeu pour Foucault dans ses écrits sur les hommes infâmes et les individus dangereux, et de problématiser l’échec de Foucault en ce qui concerne le traitement des relations de pouvoir entre les sexes dans ces textes.    

Mots-clé:   Foucault,  violence, femmes

 

 

 

1.      Introduction

Par ses nombreuses études sur l’institutionnalisation psychiatrique et ses travaux sur la prison, Michel Foucault fournit une critique durable et influente des pratiques médicales et pénales d’incarcération involontaire.[1] Bien que les académiciens foucaldiens aient été plutôt réceptifs à cette critique, son analyse de cas psychiatriques et pénaux impliquant de la violence envers des filles et des femmes a été jugée problématique dans la littérature féministe. Dans son traitement de ces cas, Foucault est intéressé par les conséquences légo-pénales d’une telle violence pour les protagonistes masculins en ne montrant cependant que peu d’intérêt pour leurs victimes, scrutant les relations de pouvoir entre des hommes violents, la médecine et la loi tout en laissant les relations de pouvoir entre les hommes violents et leurs victimes de côté. Les exemples les plus connus sont les passages où Foucault discute du cas de Charles Jouy et de Sophie Adam dans La volonté de savoir et Les Anormaux, et ses commentaires sur le viol et le détournement de mineur dans « Enfermement, Psychiatrie, Prison, » et « La Loi de la pudeur ». Le cas Jouy-Adam constitue un viol au dix-neuvième siècle d’une mineure par un adulte que Foucault caractérise comme « ces infimes délectations buissonnières » dans La volonté de savoir et pour lequel il blâme la victime dans Les Anormaux (Foucault, 1976 : 44; Foucault 1999 : 275-80).

 Dans « La Loi de la pudeur », Foucault argumente pour l’abolition des lois sur le détournement de mineur, et pour que l'attentat à la pudeur avec violence, jusque-là un crime, devrait devenir un délit (Foucault, 2001a : 763-777). Dans « Enfermement, Psychiatrie, Prison, » Foucault suggère « que l'on foute son poing dans la gueule de quelqu'un, ou son pénis dans le sexe, cela n'appelle pas de différence », bien qu’il ajoute «  je ne suis pas sûr que les femmes seraient d'accord... » (Foucault, 2001b : 351).

Ces textes ont immédiatement suscités une fervente critique féministe, critique qui s’est perpétuée pendant plus de trente ans (Alcoff 1996; Cahill 2000; Cahill 2001; Hengehold 1994; Oksala 2011; Plaza 1978; Sawicki  2005; Taylor 2009; Woodhull 1998). En se concentrant sur les « hommes infâmes » et les « individus dangereux », cet essai argumentera qu’il y a d’autres passages dans l’œuvre de Foucault où il se montre similairement insensible à la violence envers les femmes, bien que ces cas aient attiré moins d’attention critique. Le double objectif de cet essai sera d’examiner, dans un premier temps, ce qui est en jeu pour Foucault dans ses écrits sur les hommes infâmes et les individus dangereux, et dans un second temps, de problématiser l’échec de Foucault en ce qui concerne le traitement des relations de pouvoir entre les sexes dans ces textes.   

            

2.      Hommes infâmes

Foucault débute un certain nombre de ses textes en décrivant son propre rire. L’exemple le plus connu est certainement l’ouverture de Les mots et les choses où Foucault donne un compte-rendu de son rire en réaction à un passage de Borges; il écrit :

 « Ce livre a son lieu de naissance dans un texte de Borges. Dans le rire qui secoue à sa lecture toutes les familiarités de la pensée » (Foucault, 1966).

 Dans son premier cours en 1975 au Collège de France, qui se retrouve dans Les Anormaux, Foucault commence par la lecture de deux déclarations psychiatriques donnés dans des cas pénaux de 1955 et de 1974. Ayant anticipé le rire de son auditoire en réponse à ces avis d’experts, et sans doute ricanant pendant qu’il les lisait, il note que ce sont des textes qui requièrent notre attention parce qu’ils possèdent la triple qualité d’être des discours « scientifiques » sur la vérité (c’est-à-dire qu’ils sont prononcés par des gens qui ont un certain apprentissage institutionnel qui est considéré comme scientifique), qu’ils ont le pouvoir de tuer et de nous faire rire. Comme Foucault l’indique,

«[...] les discours de vérité qui font rire et qui ont le pouvoir institutionnel de tuer, ce sont après tout, dans une société comme la nôtre, des discours qui méritent un peu d’attention » (Foucault, 1999: 7). 

 

Ces déclarations de psychiatres pénaux sont non scientifiques au point de faire rire et moralement arrogantes, et néanmoins elles sont prises au sérieux à la cour et leurs conséquences entraînent des enjeux de vie et de mort. Foucault écrit à un moment où la peine capitale est toujours pratiquée en France et il inclut aussi l’incarcération permanente d’un individu comme un acte mortel; étant littéralement une mort ou une mort sociale, des vies sont évacuées à cause de discours comme ceux-ci qui sont ridicules mais qui se disent, et se voient accorder, le statut de vérité scientifique devant la cour. Bien qu’une des déclarations d’experts qu’il lit fasse référence à un cas sensationnel – le meurtre d’un enfant par sa mère tel qu’incité par un homme – l’autre exemple est banal, un cas typique qui se rencontre tous les jours à la cour et qui ne fait pas les manchettes, et ainsi Foucault ajoute « quotidien » afin de décrire ces discours. Ces déclarations sont extraordinaires puisqu’elles sont simultanément scientifiques, absurdes et capables de tuer, et néanmoins elles sont devenues habituelles dans notre société.      

Foucault débute son texte de 1977, « La vie des hommes infâmes  », encore une fois en décrivant son rire. Il écrit :

« Ce n’est point un livre d’histoire. Le choix qu’on y trouvera n’a pas eu de règle plus importante que mon goût, mon plaisir, une émotion, le rire, la surprise, un certain effroi ou quelque autre sentiment, dont j’aurais du mal peut-être à justifier l’intensité maintenant qu’est passé le premier moment de la découverte. (Foucault, 2001c : 237) »

 

C’est ainsi que Foucault introduit une collection de lettres de cachet du dix-septième et du dix-huitième siècles, ainsi que des requêtes familiales et des rapports de police qui ont menés à ces lettres. Comme pour les avis psychiatriques pénaux produits trois siècles après, Foucault note que ces textes reflètent le quotidien – pas nécessairement à cause de leur fréquence mais plutôt parce qu’elles marquent un important moment dans l’histoire lorsque le pouvoir incitait les hommes et les femmes à parler de leurs misères quotidiennes et leur prêtait l’oreille. Encore une fois, ce sont des textes qui, en plus de représenter les discours quotidiens, sont des discours qui combinent le comique et l’effrayant : ils font rire Foucault à cause du langage grandiose employé pour décrire le banal, même s’il les trouve épouvantables puisqu’ils sont tout ce qu’il reste d’existences éteintes par ces mots en question  – « étouffées » par ces lignes qui nous font rire,   « comme on étouffe un cri, un feu ou un animal » (Foucault, 2001c : 238).       

Ainsi, « La vie des hommes infâmes » introduit une « anthologie d’existences » étouffées, anéanties, ou étranglées par le confinement (Foucault, 2001c : 237). Foucault nous dit que les deux textes qui ont inspiré la collection concernent un homme interné à Charenton en 1707 puisqu’il « se cachait à sa famille », qui menait « à la campagne une vie obscure » et qui prêtait de l’argent « à fonds perdu, de promener son pauvre esprit dans des routes inconnues, et de se croire capable des plus grands emplois », et un moine, interné à Bicêtre 6 ans plus tôt, dont les « plus grands crimes », qui fit de lui un « véritable monstre d’abomination », étaient la sodomie et l’athéisme (Foucault 2001c : 237-8).

En se référant fort probablement à L’Histoire de la folie, Foucault observe qu’il a utilisé des documents similaires « il y a longtemps » et qu’à ce moment-là, comme maintenant, il « éprouve » une « vibration » en les lisant, une résonance avec « ces vies infimes devenues cendres dans les quelques phrases qui les ont abattues » (Foucault 2001c : 238). La référence de Foucault à la « vibration » suggère que nous aussi nous pourrions voir nos vies nous être arrachées par quelques lignes prononcées par les bonnes personnes aux bonnes places. En particulier, Foucault considère les lettres de cachet comme les prédécesseurs historiques de l’internement psychiatrique. La disparité entre l’insignifiance des « crimes » et la « folie » décrite dans ces textes et les « éclairs » qu’ils ont générés constitue l’absurdité de ces documents qui a provoqué le rire de Foucault, même s’ils le font frémir.  

Un des critères pour la sélection des textes de la collection était que « des vies réelles ont été jouées dans ces quelques phrases ». Pas des mémoires ou des portraits, ni des descriptions des faits après les événements, ceux-ci sont des textes qui ont eu des conséquences, qui ont mené à des actions, qui furent « l’instrument d’une vengeance, l’arme d’une haine, un épisode dans une bataille » (Foucault, 2001c : 240). Chaque texte que Foucault a inclus est une rencontre avec le pouvoir, éteignant l’existence qu’il décrit :

« Ces discours ont réellement croisé des vies; ces existences ont été effectivement risquées et perdues dans ces mots » (Foucault, 2001c : 240).

 

Comme les discours confessionnels catholiques qui les précèdent et comme les avis psychiatriques pénaux qui ont suivis, les archives des lettres de cachet contiennent des textes qui méritent notre attention puisqu’on y trouve le pouvoir fonctionnant d’une nouvelle façon. Datant de l’époque du pouvoir souverain – un pouvoir que Foucault définit comme le droit à la mort – nous voyons néanmoins le pouvoir commençant à gérer la vie. Une forme de pouvoir sporadique et spectaculaire intervient maintenant dans le quotidien non spectaculaire. Ce qu’on entend dans ces brefs passages sont les voix de gens ordinaires parlant à leur roi de « toutes ces agitations et de chacune de ces petites souffrances », des accrochages insignifiants et du ressentiment pitoyable, « les excès du vin et du sexe », des rapports de police qui ont mené à l’incarcération d’individus « infâmes » - c’est-à-dire pas célèbre – se faisant incarcérer (Foucault, 2001c : 248).

 Ce que nous voyons est donc un pouvoir d’en haut qui opérait en répondant aux requêtes d’en bas, et par conséquent quelque chose comme une dispersion ou une démocratisation du pouvoir souverain, ainsi qu’un abaissement historique sans précédent du pouvoir souverain d’intervenir au niveau du petit tapage de ses sujets. « Abus de l’absolutisme? » Foucault demande, puisque c’est ainsi que les lettres de cachet sont habituellement théorisées; il répond :

« Peut-être; non pas cependant en ce sens que le monarque abuserait purement et simplement de son propre pouvoir, mais en ce sens que chacun peut user pour soi, à ses propres fins et contre les autres, de l’énormité du pouvoir absolu: une sorte de mise à la disposition des mécanismes de la souveraineté, une possibilité donnée, à qui sera assez adroit pour les capter, d’en détourner à son profit les effets. »(Foucault, 2001c: 247)

 

Les lettres de cachet, ainsi que les requêtes et les rapports qui les entourent constituent donc un curieux cas de pouvoir souverain engagé dans des activités qui précèdent la biopolitique, une démocratisation d’un pouvoir non démocratique, un moment de collaboration ou de transition entre deux formes de pouvoir. À ce moment historique, «[...] le corps des misérables est affronté presque directement à celui du roi, leur agitation à ses cérémonies » (Foucault, 2001c : 251).   

Puisque les lettres de cachet étaient le plus souvent sollicitées par des individus qui voulaient l’incarcération de membres de leur famille, Foucault soutient aussi que le siècle de telles lettres est d’importance pour une histoire des technologies du pouvoir parce qu’elles ont entamé en France une pénétration profonde de la famille par des formes de pouvoir de régulation—ce qu’il appelle le biopouvoir. Cette pénétration de la famille par le biopouvoir sera amenée à de nouveaux sommets dans les siècles à venir avec la psychiatrie, un développement que Foucault a exploré dans des textes tels que Le Pouvoir psychiatrique, Les Anormaux et La volonté de savoir.  

Même si Foucault ne semble pas s’intéresser à ce fait, avec cette démocratisation du pouvoir, ses sollicitations de la famille et la pénétration de celle-ci, le droit de se plaindre au Roi étaient notablement disponibles aux deux sexes. Foucault écrit que les lettres de cachet étaient habituellement

«[...] sollicité[e]s contre quelqu’un par son entourage, ses père et mère, l’un de ses parents, sa famille, ses fils ou filles, ses voisins, le curé de l’endroit parfois, ou quelque notable » (Foucault, 2001c : 246).

 

En fait, les trois cas de plaintes impliquaient des femmes, cités par Foucault dans « La vie des hommes infâmes », décrivent des disputes entre maris et femmes. Une de celles-ci est à propos d’ «[...] une femme dépouillée de tout sentiment de religion, d’honneur, de probité et même d’humanité » (Foucault, 2001c : 244). Cette  demande pour une lettre de cachet par un mari mécontent d’une « femme sans mœurs » semble typique des autres textes que Foucault décrit au niveau de la disparité comique-horrible entre les actions racontées et la punition demandée (Foucault, 2001c : 244).

Deux autres cas concernent des plaintes formulées par des femmes. L’une d’elle provient d’une nourrice, mère de quatre enfants, abandonnée par son mari et qui demande l’incarcération de celui-ci afin d’épargner à sa famille

« [...] l’opprobre et l’infamie, et mettra hors d’état de faire aucun tort à la société un mauvais citoyen qui ne peut que lui nuire » (Foucault, 2001c : 244).

 

 Peu importe la compassion que nous pouvons ressentir pour cette mère abandonnée dans un âge où il n’y avait pas d’allocations familiales, ce cas est assez similaire aux autres que Foucault décrit. Finalement, Foucault cite cependant la femme de Nicolas Bienfait qui

« Prend la liberté de représenter très humblement à Monseigneur que ledit Nicolas Bienfait, cocher de remise, est un homme fort débauché qui la tue de coups… ayant déjà fait mourir ses deux femmes dont la première il lui a tué son enfant dans le corps, la seconde par ses mauvais traitements l’a fait mourir en langueur, jusqu’à vouloir l’étrangler la veille de sa mort… La troisième, il veut lui manger le cœur sur le gril sans bien d’autres meurtres qu’il a faits; Monseigneur, je me jette aux pieds de Votre Grandeur pour implorer Votre Miséricorde. J’espère en votre bonté que vous me rendrez justice, car ma vie étant risquée à tous moments, je ne cesserai de prier le Seigneur pour la conservation de votre santé… » (Foucault, 2001c : 249-50)

 

Même si Foucault, à la phrase suivante, dit que tous les cas dont il discute sont « homogènes » et « monotones », et qu’ils impliquent la même disparité « entre l’ordre minuscule des problèmes soulevés et l’énormité du pouvoir mis en œuvre », ce dernier cas se démarque néanmoins. C’est peut-être parce que Foucault suppose que les menteries, l’exagération et l’hypocrisie étaient obligatoires dans ces textes qu’il ne pense pas qu’une accusation de meurtrier en série est significativement différente de celles de sodomie, d’athéisme ou d’abandon parental. Si c’est cependant le cas que la femme se fait battre par un homme qui a tué deux de ces femmes précédentes et qui possède un historique de violence meurtrière, et qu’elle demande la protection du roi parce que sa vie est en danger, ce cas semble différent de ceux du « moine scandaleux » ou du « usurier fantasque » (Foucault, 2001c : 238).           

Puisque Foucault, dans Le Pouvoir psychiatrique, décrit le pouvoir du père dans la famille traditionnelle comme un pouvoir souverain, le mari qui bat sa femme ou ses enfants est une extinction souveraine d’une vie, un étouffement d’une existence, comme on « étouffe un cri, un feu, ou un animal », tout comme les lettres de cachet. On peut donc se demander : pourquoi Foucault ne note pas cette autre histoire comme un abus de pouvoir souverain qui est aussi mis en évidence par de telles pétitions au roi qu’il a trouvé dans les archives ? Pourquoi lorsqu’un cocher-mari-souverain éteint les vies de femmes, ceci fait partie de la médiocrité, du mondain et du minuscule ordre des choses, alors que lorsque le roi-souverain éteint la vie d’un mari-meurtrier en série, ça devient un « éclair » ? Pourquoi est-ce qu’un type d’extinction est beaucoup plus important qu’un autre, alors que les deux causent l’étouffement de vies à travers des interventions souveraines dans la vie quotidienne des sujets ?

Après tout avec la famille traditionnelle, nous avons le cas intéressant d’un souverain qui est toujours impliqué dans les conflits quotidiens des misérables, dont les corps qu’il a déjà touchés. Si nous prenons au sérieux l’assertion de Foucault que le pouvoir des maris sur leur femme et leurs enfants était une forme de pouvoir souverain dans la famille traditionnelle, alors les cas d’abus envers les femmes et les enfants faisant l’objet de demandes auprès du roi sont fort différents de cas impliquant des maris mécontents et des pères faisant appel au roi. Dans ces derniers cas, nous avons un souverain demandant à un souverain plus puissant d’intervenir de sa part, alors que dans les premiers cas, c’est une insurrection au niveau du pouvoir, une misérable qui défie la validité du pouvoir de son souverain, en faisant appel au plus haut pouvoir souverain afin de couper la tête à son propre souverain.          

Étrangement, quand Foucault donne une liste du type de personnes décrites dans ces textes, il écrit :

Aléa qui a fait que la vigilance des responsables ou des institutions, destinée sans doute à effacer tout désordre, a retenu celui-ci plutôt que celui-là, ce moine scandaleux, cette femme battue, cet ivrogne invétéré et furieux, ce marchand querelleur, et non pas tant d’autres, à côté d’eux, dont le tapage n’était pas moins grand…. La chance qui permet que ces gens absolument sans gloire surgissent d’au milieu de tant de morts… compense peut-être la malchance qui avait attiré sur eux… l’éclair du pouvoir. (Foucault, 2001c : 242)

 

Ce que Foucault ne voit pas est que la « femme battue » n’est pas frappée par une mésaventure lorsque des autorités ou des institutions porte attention à sa plainte. Son cas n’est pas comme les autres. Au contraire, elle est la requérante qui demande une intervention des autorités. Pour elle, la nouvelle vigilance de la part des autorités et des institutions peut même amener un développement positif dans le pouvoir. Ceci pose la question suivante : et si nous n’étions pas dégoûtés ni dédaigneux à l’idée que certains hommes ont eu leur vie éteinte par certaines interventions du pouvoir dans le quotidien ? Qu’arrive-t-il à l’argument de Foucault si nous observons que les vies de certains sujets impliquaient déjà des interventions du pouvoir souverain dans la vie quotidienne, mais qu’ils se faisaient battre et tuer au lieu d’être protégées par celles-ci ?

Pour ces cas dans l’histoire, et pour les lecteurs qui sentent une résonance avec leurs vies et pas celles de leurs abuseurs, ces fragments de l’histoire que Foucault examine sont compliqués, mais ils ne sont pas directement comiques ou épouvantables. Ils peuvent même nous rappeler ce que Foucault nous dit : le pouvoir n’est pas toujours mauvais même s’il est toujours dangereux. Ce point est naturellement compliqué dans une perspective foucaldienne puisqu'à long terme, de telles interventions biopolitiques dans la vie des femmes peuvent avoir des effets pernicieux pour celles-ci.

Dans un premier temps, elles peuvent résulter en un contrôle régulatoire de la vie des femmes et dans un second temps, en tant que mesures de protection et de punition que l'état utilise peuvent seulement exacerber les problèmes qu'elles sont sensées résoudre, produisant ainsi le récidivisme. Néanmoins, je soutiens que d'avoir l'option d'obtenir la protection étatique contre la violence domestique soit globalement un développement positif en ce qui a trait au pouvoir des femmes et des enfants, et que malgré les problèmes complexes et profonds associés aux pratiques actuelles d'intervention de l'état en matière de violence domestique, c'est un meilleur monde pour les femmes et pour les enfants lorsque l'état est préoccupé par cette violence que lorsqu'il ne l'est pas.    

 

3.      L’individu dangereux

Foucault débute « L'évolution de la notion d' « individu dangereux » dans la psychiatrie légale du XIX siècle » avec une description d’un cas en 1975 d’un prédateur sexuel en série qui, ayant admis ces crimes, demeure silencieux pendant qu’un juge le questionne sur ses motivations et ses pulsions. Éventuellement un membre du jury exaspéré s’exclame, « Mais enfin, défendez-vous ». Selon Foucault, nous sommes en présence d’un

« [...]appareil judiciaire qui est destiné à établir des faits délictueux, à déterminer leur auteur et à sanctionner ces actes en infligeant à cet auteur les peines prévues par la loi. Or on a ici des faits établis, un individu qui les reconnaît et qui accepte donc la peine qu’on va lui infliger. Tout devrait être pour le mieux dans le meilleur des mondes judiciaires. Les législateurs, les rédacteurs de code de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe ne pouvaient pas rêver de situation plus limpide. Et pourtant la machine vient à s’enrayer, les rouages se grippent. Pourquoi? Parce que l’inculpé se tait. Se tait à propos de quoi? Des faits? Des circonstances? De la manière dont ils se sont déroulés? De ce qui, au moment même, aurait pu les provoquer? Pas du tout. L’inculpé se dérobe devant une question essentielle pour un tribunal d’aujourd’hui, mais qui aurait résonné d’une manière bien étrange il y a cent cinquante ans: “Qui êtes-vous?” »(Foucault, 2001d : 443-444)

 

Foucault observe qu’il y a eu une fusion de mondes séparés du discours, du juridico-légal avec la tradition chrétienne de la confession et de ses héritiers – des discours psychologiques de l’auto-révélation. Foucault remarque une dissonance similaire dans ce cas comme dans les lettres de cachet : une forme juridico-légale de pouvoir se fait infiltrée par ou collabore avec une forme de pouvoir quotidienne et universelle. Aujourd’hui, la loi cherche à connaître la vie intérieure et les détails intimes de ses sujets afin de non seulement les juger mais aussi de les gérer. Cette gestion va au-delà de purger une peine ou de payer une dette.

 Les motifs d’un criminel, son histoire, ses remords ou absence de ceux-ci doivent être révélés afin que la loi accomplisse ses nouvelles fonctions. Ces fonctions ne sont pas seulement de punir une personne mais de la transformer ou de la mettre en détention indéfiniment si elle est jugée non guérissable. Pour la justice criminelle, ceci veut dire que le criminel n’est pas simplement l’individu qui a commis un crime à qui une punition, pour ce crime, doit être imposée. Il est maintenant une entité psychologique qui doit être comprise en termes de degré de risque qu’elle pose à la société.    

Ceci veut dire que la loi ne punit plus des individus seulement pour ce qu’ils ont fait mais aussi pour ce que les experts en psychiatrie disent qu’ils sont : un danger pour la société. Ce sont les déclarations de ces « experts » que Foucault décrit dans Les Anormaux qui, comme les lettres de cachet, sont « discours quotidiens de vérité qui tuent et qui font rire » (Foucault, 1999 : 7). Comme conséquence de ces changements ou ces hybridations dans le rôle de la loi, si un criminel aujourd’hui purge sa peine et est relâché seulement pour récidiver, on pense que le système juridique a échoué dans ses tâches, on lui reproche d’avoir relâché un risque connu ou un risque connaissable dans la société. Ainsi, Foucault soutient que le système de justice criminelle ressemble maintenant – et se fait informer par – les pratiques de gestion d’accidents des compagnies d’assurance. 

"Ceci est un changement dramatique dans la compréhension de la fonction de la loi et pose de sérieuses questions éthiques pour Foucault. Bien qu’il soit conscient qu’ « Une justice qui ne s’exercerait que sur ce qu’on fait n’est sans doute qu’une utopie, et pas forcément désirable », il pense que l’autre extrême, « le droit à intervenir sur les individus en raison de ce qu’ils sont »,  est « redoutable » et qu’ « une terrible société pourrait sortir de là » (Foucault, 2001d : 464).

 

Dans une entrevue, Foucault dit qu’

 « Aucune société comme la nôtre n’accepterait un retour au « juridique » pur (qui sanctionnerait un acte, sans tenir compte de ce qu’est son auteur) ; ni un glissement à l’anthropologique pur, où seul serait pris en considération le criminel (même en puissance) et indépendamment de son acte » (Foucault, 2001e : 1027).

 

 Ici, ce que Foucault soutient, brièvement, est qu’au lieu de tenter de maintenir un équilibre entre ces deux extrêmes, qui sont tous les deux horribles, nous devons essayer de concevoir un « autre système » de justice criminelle.  

Mais comment sommes-nous passé d’un système légal purement « juridique » à un qui risque de faire appel d’une façon trop importante au côté « anthropologique » ? Comment la psychiatrie, avec ses prétentions d’être capable de prévoir le risque criminel – de connaître les criminels comme des types anthropologiques – a-t-elle infiltré la loi à un tel niveau si celles-ci constituent différents « univers discursifs » ? Ce sont précisément ces questions historiques que Foucault explore dans « L'évolution de la notion d’ « individu dangereux » dans la psychiatrie légale du XIX siècle ».

Dans ses écrits sur la psychiatrie, Foucault est constamment préoccupé par le repérage des manières dont la psychiatrie, qui a débuté comme un aspect douteux de la médecine, a se revendiquer non seulement comme un domaine de la médecine mais comme une forme d’hygiène sociale qui quitterait l’hôpital afin de pénétrer toutes les autres institutions et tous les aspects de la vie. Dans plusieurs textes, Foucault examine les tactiques employées par la psychiatrie pour accéder aux écoles, aux lieux de travail, à la famille, et ce qui est en question dans la présente discussion, le système de la loi criminelle.

Comme il note, au début du dix-neuvième siècle la loi disculpait déjà les individus jugés fous, et ainsi le domaine de la psychiatrie était présent en matière de loi, la folie était considérée comme allant de soi même pour des yeux non averties. Des individus légalement disculpés à cause de leur folie étaient en état de fureur ou de démence, et l’opinion médicale n’était pas requise afin de les identifier. Jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, la relation entre la loi et la médecine constituait ce que Foucault appellerait le « principe de la porte tournante : quand la pathologique entre en scène, la criminalité, aux termes de la loi, doit disparaître. L’institution médicale, en cas de folie, doit prendre la relève de l’institution judiciaire » (Foucault, 1999 : 30). La décision de déterminer si un individu devait être transférer aux autorités médicales ne devait pas en soi faire appel à une expertise médicale. Un individu était clairement fou ou il était légalement responsable – il n’y avait pas de zones grises entre ces pôles, pas d’infiltration d’un domaine dans l’autre, et où une personne se situait par rapport à ces deux pôles n’était pas une chose compliquée.           

Tout ceci changea dans la première moitié du dix-neuvième siècle : premièrement, la psychiatrie, qui venait tout juste de faire la distinction entre un criminel et un fou afin de déterminer son domaine et ses institutions, allait embrouiller les choses, en prétendant qu’il y avait une forme de folie qui était de la criminalité pure et monstrueuse. Ainsi, la psychiatrie s’est attaquée audacieusement aux grands crimes, et de plus, affirma reconnaître la folie où des non-experts ne le pouvaient pas. Deuxièmement, la psychiatrie introduirait des zones grises entre le clairement fou et le criminellement responsable. Comme dans le cas de Pierre Rivière, un criminel pouvait maintenant être gardé dans une institution pénale plutôt que médicale mais quand même obtenir une réduction de sa sentence pour des considérations médicales. En d’autres termes, les psychiatres ne quittaient plus par les portes tournantes lorsque la loi entrait ; ils restaient présents, s’exprimaient à la cour même à propos de ceux qui demeureraient dans le système pénal, et même au sujet de ceux qui n’étaient pas clairement fous. Dans ces manœuvres, Foucault suggère que le diagnostic de la monomanie fut critique.    

La monomanie était un diagnostic psychiatrique proposé au début du dix-neuvième siècle pour expliquer des cas où un individu apparemment sain d’esprit avait commis un crime violent sans motif apparent : une bonne mère de famille tue sa fille et cuit sa cuisse avec du chou ; une femme décapite l’enfant du voisin et jette la tête par la fenêtre sans jamais avoir ressentie aucun amour et aucune haine envers l’enfant ou sa famille ; un garçon tue sa mère adoptive et ne peut fournir aucune explication justifiant cet acte ; une femme enfante plusieurs enfants de suite pour l’unique raison qu’elle veut les tuer.  Dans chacun de ces cas, l’individu ne présente aucun signe de folie, n’a pas de motif et ne peut donner aucune explication justifiant son crime.

Bien que ces individus, ayant commis un crime méritant la peine capitale et ne montrant aucun signe de fureur ou de démence, auraient autrefois constitué de clairs candidats pour la pendaison, maintenant des psychiatres ont exhorté la cour d’épargner leurs vies puisqu’ils souffraient de la folie temporaire de la monomanie. L’essence même de la monomanie constituait un crime. Il n’y avait pas de symptômes associés à cette folie à part pour les crimes eux-mêmes. Foucault soutient que la raison de ce diagnostic pour la psychiatrie était de postuler la folie comme l’ultime danger pour la société, et ainsi accorder à ceux qui ont une expertise en matière de ce danger une autorité cruciale : seulement « un œil exercé » (Foucault, 2001d : 451) pouvait identifier des individus dangereux avant qu’ils agissent et ainsi, prévenir des crimes impensables.    

Foucault soutient que c’est autour de 1870 que les psychiatres ont abandonné le concept de monomanie puisqu’elle s’avérait paradoxale à deux niveaux : premièrement, le diagnostic supposait que plus un acte était sans précédent, sans motif, et ainsi libre, le plus déterminé il était ; deuxièmement, si l’essence même de cette forme de folie était un crime, alors personne, même pas un psychiatre, pouvait la prévoir avant que son symptôme – le crime – soit commis, et ainsi les psychiatres étaient sans pouvoir pour protéger la société de ce danger avant qu’il ne soit trop tard.

Bien qu’ultimement intenable pour ces raisons, Foucault soutient que le concept de la monomanie fut crucial pour l’empiètement du pouvoir de la psychiatrie dans le domaine de la justice pénale au cours de la première moitié de dix-neuvième siècle et est significatif dans l’histoire de la relation entre les institutions psychiatriques et pénales puisque c’est à ce moment-là que le concept d’individu dangereux – si important aujourd’hui – s’est pour la première fois déployé. L’étude de Foucault la plus soutenue d’un diagnostic de monomanie est le cas de Pierre Rivière, que j’aborderai maintenant. Des préoccupations similaires, en ce qui a trait à la discussion de Foucault de ce cas, rejoignent celles de « La vie des hommes infâmes ».

Notamment, Foucault est encore plus interpellé par la situation de l’homme violent que par celle des femmes qui ont souffert de ses actes violents, et les relations de pouvoir entre hommes et femmes, ainsi qu’à l’intérieur de la famille sont encore mises de côté au profit d’une analyse des relations de pouvoir entre des hommes violents, la médecine et la loi.      

 

4.      Pierre Rivière

Le livre de Foucault « Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur, et mon frère… : Un cas de parricide au XIXe siècle » est son étude la plus élaborée d’un individu dangereux et d’un individu présumé souffrir de monomanie. Le cas de Rivière peut être perçu comme exemplaire des luttes des psychiatres dans la première moitié du dix-neuvième siècle afin de s’établir comme protecteurs de la société et comme agents d’hygiène sociale, capables de prévoir le danger provenant de la folie, tâche impossible à l’œil non averti. Dr. Vastel écrit au sujet de Rivière que les meurtres de sa mère, de son frère et de sa sœur en 1835 « à confirmer ce qu’elle pouvait faire prévoir » (Foucault, 1994 : 192), alors que Dr. Leuret écrit qu’ « on aurait dû séquestrer Pierre Rivière, ce jeune homme était trop malade pour jouir de sa liberté » (Foucault, 1994 : 253).

 Les deux docteurs affirment que si le comportement anormal de Rivière avait mené les villageois à faire appel à un docteur auparavant, la tragédie du triple meurtre aurait pu être évitée. Dr. Vastel prévient aussi que

« [...] le retour de Rivière à des idées plus saines peut n’être pas de longue durée, et s’il n’est pas coupable il est du moins dangereux et doit être séquestré dans son propre intérêt et surtout dans celui de la société » (Foucault, 1994: 202).      

 

Foucault et ses étudiants ont publié les mémoires de Rivière ainsi que les évaluations médicales du parricide et des corps des victimes ; les rapports de police concernant la scène du crime, l’arrestation et les interrogatoires initiaux ; des propos des villageois qui étaient des témoins du crime ou de la personnalité de Rivière ; des documents de la cour durant le procès de Rivière qui montrent un jury divisé sur la question de la folie de Rivière, comme l’était aussi le groupe de docteurs ; des extraits de journaux à propos du cas Rivière datant du moment du meurtre jusqu’à son suicide en prison, quatre ans plus tard ; et finalement, une série d’essais de Foucault et de ses étudiants qui analysent les documents. Au sujet des documents d’archives, Foucault écrit :

« [...]à eux tous, et dans leur hétérogénéité, ils ne forment ni une œuvre ni un texte, mais une lutte singulière, un affrontement, un rapport de pouvoir, une bataille de discours et à travers des discours. Et encore dire une bataille n’est pas assez; plusieurs combats se sont déroulés en même temps et entre croisés : les médecins avaient leur bataille, entre eux, avec les magistrats, avec Rivière lui-même (qui les piégeait en disant qu’il avait feint la folie) ; les magistrats avaient leur bataille à propos des expertises médicales, à propos de l’usage encore assez nouveau des circonstances atténuantes, à propos de cette série de parricides qui avait été jumelée avec celle des régicides…; les villageois d’Aunay avaient leur bataille pour désarmer, par l’assignation de bizarrerie ou singularité, l’épouvante d’un crime commis au milieu d’eux et sauver l’honneur d’une famille; enfin au centre de tout cela, Pierre Rivière avec ses innombrables et complexes machines de guerre… »(Foucault, 1994: 17)

Foucault explique que lui et ses co-auteurs voulaient

« dresser en quelque sorte le plan de ces luttes diverses, restituer ces affrontements et ces batailles, retrouver le jeu de ces discours, comme armes, comme instruments d’attaque et de défense dans des relations de pouvoir et de savoir » (idem).

 

Comme les documents décrits dans  « La vie des hommes infâmes », Foucault voit les documents de ce volume comme des actes de lutte plutôt que des descriptions de luttes. En particulier, il soutient que le texte de Rivière, pratiqué dans le cerveau du parricide avant le crime et écrit après, est indissociable des actes meurtriers. L’affirmation de Rivière d’être l’auteur du crime est inséparable du fait qu’il soit l’auteur de ses mémoires, les dernières affirmant qu’il est sain d’esprit et donc l’agence meurtrière qu’une majorité de docteurs lui ont cependant niée.

Malgré l’intérêt intrinsèque du cas Rivière en termes de relations entre la médecine et la loi que Foucault explore dans « L'évolution de la notion d'« individu dangereux »… » et d’autres textes, il écrit

« Soyons francs. Ce n’est peut-être pas cela qui nous a arrêtés plus d’un an sur ces documents. Mais simplement la beauté du mémoire de Rivière. Tout est parti de notre stupéfaction » (Foucault, 1994 : 16).

 

Foucault réfère à la « beauté » des mémoires de Rivière deux autres fois, écrivant « ce texte dans la beauté duquel les uns verront une preuve de raison…, les autres un signe de folie… » (17), et argumentant que « Sa beauté seule suffirait encore à le protéger aujourd’hui » (321). Comme l’a observé Adrian Howe, les experts foucaldiens « ravi du récit de leur maitre [Enraptured by [their] master’s account] », répète le langage de la « beauté » en décrivant ce texte. Au-delà de cette appréciation esthétique, Foucault écrit que lui et ses étudiants décidèrent de ne pas « interpréter » les mémoires de Rivière ou de leur « imposer aucun commentaire » (Foucault, 1994 : 19). Selon Foucault, cette retenue est due à

«[...] une sorte de vénération, et de terreur aussi peut-être pour un texte qui devait emporter avec lui quatre morts, nous ne voulions pas surimposer notre texte au mémoire de Rivière. Nous avons été subjugués par le parricide aux yeux roux » (Foucault, 1994: 20).  

  

Malgré cette déclaration, Foucault et ses étudiants interprètent les mémoires de Rivière ; en effet, ils les interprètent d’une façon importante, argumentant que le meurtre et les mémoires de Rivière ont été entrepris pour des raisons complètement différentes que celles données par leur auteur. Plus remarquablement, Jean-Pierre Peter et Jeanne Favret interprètent la « folie » et le meurtre de Rivière comme une forme de révolte de classes. Bien que Rivière termine ses mémoires en anticipant sa mort qui va « mettre fin [à] tous mes ressentimen[t]s » (Foucault, 1994 : 184), Peter et Favret interprètent ces ressentiments comme issus de la pauvreté. Même si Peter et Favret écrivent de manière éloquente au sujet de la détresse des paysans en France, leur interprétation ignore le fait que Rivière ait tué d’autres paysans. De plus, Rivière, dans ses mémoires, ne peste pas contre la taxation et les épidémies, la faim et le froid, les contrats, l’écrasement de l’enfance des paysans ou n’importe quelle forme d’oppression paysanne que Peter et Favret décrivent. Ce sur quoi il peste c’est la tyrannie des femmes. Comme John Ingham l’a écrit

« The notion that Rivière was in rebellion against the liberal order of contractual relations stretches the text. Rivière detested not the contract system so much as the growing legal standing of women … » (Ingham, 2007 : 139).

 

 En particulier, Rivière a du ressentiment envers sa mère à cause des luttes légales qu’elle a entamées contre son père au sujet de la propriété et de la garde des enfants ; il a tué sa sœur et son frère parce qu’ils étaient du côté de sa mère. Comme Julie Marcus a argumenté, en tuant ces trois membres de sa famille, Rivière a annihilé une maison dirigée par une femme qui se révoltait contre une maison dirigée par un père (Marcus, 1989 : 67). La mère de Rivière était enceinte et dans son troisième trimestre à ce moment, et un juge lui avait déjà accordé la garde de l’enfant à venir contre la demande de son mari. Son fils la frappa, ainsi que les autres victimes avec beaucoup plus de coups qu’il était nécessaire pour les tuer, écrasant leurs crânes et faisant tout sauf arracher leurs têtes. Rivière consacre la majorité de ses mémoires à raconter les péchés de sa mère ainsi que son indignation par rapport au fait que les juges ont pris le côté de sa mère dans ses démarches juridiques contre son père. Selon lui, les rébellions domestiques et légales de sa mère justifiaient sa mort.        

Que Rivière ait été motivé par sa haine des femmes est reconnu dans tous les textes du dix-neuvième siècle portant sur ses mémoires et ses crimes. Le psychiatre Esquirol écrit que Rivière tua la moitié de sa famille avec une serpe afin « de soustraire le monde au joug des femmes » (Foucault, 1994 : 252). Le rapport du procureur de la couronne affirme : « On a remarqué en tout temps son aversion pour les femmes » (Foucault, 1994 : 35). Des témoins affirment que Rivière avait peur et détestait les femmes et les animaux femelles en général. Rivière écrit « je regardé mon père comme étant entre les mains des chiens enragés ou de barbares, contre lesquels je devais employer les armes » (Foucault, 1994 : 159) et voulait restaurer les lois de l’empire romain qui donnait le droit au père de tuer sa femme et ses enfants. Décrivant ses plans pour parler à ses juges, Rivière écrit : 

« Je pensais qu’après le meurtre je viendrais a Vire, que je me ferais prendre par le procureur du roi ou par le commissaire de police ; ensuite que je ferais mes déclarations que je mourrais pour mon père, qu’on avait beau soutenir les femmes, que cella ne triompherait pas, que mon père serait désormais tranquille et heureux ; je pensais que je dirais aussi: autrefois on vit des Jael contre des Sisara, des Judith contre des Holophernes, des Charlotte Corday contre des Marat; maintenant il faudra que ce soient les hommes qui emploient cette manie, ce sont les femmes qui commandent à présent, ce beau siècle qui se dit siècle de lumière, ce[tte] nation qui semble avoir tant de goût pour la liberté et pour la gloire, obéit aux femmes, les romains étaient bien mieux civilisés, les hurons et les hottentots, les algonquins, ces peuples qu’on dit idiots, le sont même beaucoup mieux, jamais ils n’ont avili la force, ce sont toujours été les plus forts de corps qui ont toujours fait la loi chez eux. »(Foucault, 1994: 163-164)

 

Rivière espérait que son acte ne soulagerait pas seulement son père du poids de sa femme mais lui apporterait la gloire et serait exemplaire, débutant un nouvel âge dans lequel la tyrannie des femmes ne serait plus tolérer et les hommes dirigerait à nouveau.

La criminologue féministe Adrian Howe a problématisé le traitement du cas Rivière par Foucault et ce, à plusieurs niveaux, en commençant avec sa révérence et son ravissement esthétique pour les mémoires. Elle demande

« From whose perspective is this a beautiful text? Under what discursive conditions is it feasible to feel reverential towards such a bloody text? » (Howe, 2008 : 100).

 

 En fait, les études féministes des meurtriers de femme en série, de Jacques l’éventreur à Ted Bundy, montrent que de telles personnes deviennent constamment des objets d’admiration, de fascination et d’identification pour d’autres hommes, résultant dans une étendue de phénomènes telles que des chansons, des poèmes, des livres et des films, mais aussi des meurtres par mimétisme. Incarnations parfaites de la misogynie, les meurtriers de femmes sont fréquemment décrits comme des « génies » - comme l’intelligence de Rivière est admirée par Foucault – et ils se perçoivent eux-mêmes comme des héros culturels. Ceci ne les encourage pas seulement à continuer leurs meurtres mais a aussi comme conséquence des fausses confessions et l’envoi de faux documents à la police par des fans qui s’identifient aux meurtriers et des meurtres mimétiques.

 Beaucoup des meurtres en série à caractère sexuel couvrant la période de 1880 à 1980, étudiés par Jane Caputi, comme les meurtres de Rivière, incluent le matricide (Caputi, 1987). Dans tous les cas, la mère du tueur est blâmée par les médias et les psychiatres pour la criminalité de son fils, comme la mère de Rivière a été et continue à être diabolisée. Ainsi, les femmes sont blâmées pour leur propre mort et pour celles d’autres femmes, alors que les meurtriers sont admirés – admiration qui encourage les tueurs de femmes et en produit davantage. Ce sont certaines des répercussions issues de la fascination pour un meurtrier misogyne que Foucault, ses étudiants et d’autres commentateurs expriment au sujet du cas Rivière.      

Howe est aussi critique du statut privilégié que Foucault accorde aux mémoires, et sa prétention qu’elles ne doivent pas être assujetties à l’interprétation. Elle note que Foucault et ses étudiants interprètent en fait le texte d’une manière à rendre invisible la violence envers les femmes et les enfants, que les mémoires justifient. Pour Foucault, Rivière était engagé dans des luttes avec des docteurs et la loi ; pour Favret et Peter, il se révoltait contre la détresse des paysans et du système de contrats. Ce que chacun de ces auteurs oublie de mentionner est que « The blade on the murder weapon (a pruning bill) was actually aimed with deadly force at three hapless members of the killer’s family » : une mère enceinte, une sœur et un jeune enfant qui étaient du côté de leur mère.

Howe note que Foucault fait preuve d’un « aveuglement extraordinaire [staggering blindness] » à la domination des femmes, au fait que la mère de Rivière est décrite comme violée et battue à travers son texte, et qu’elle et sa fille ont été fatalement punies pour avoir résisté à leur destin (Howe, 2008 : 101). Le père de Rivière est décrit « battant » sa femme à plusieurs occasions. Rivière lui-même nous dit que les voisins disaient « qu’il la bat comme une chair de bœuf » (Foucault, 1994 : 137). Il écrit :  

« Quelques uns dirent à mon père : je voudrais coucher avec elle quand cela ne serait que pour la faire enrager. Mon père mît un autre lit dans la maison, ma sœur y coucha, et il coucha avec ma mère, et comme elle ne voulait pas envoyer Jules coucher autre part, ils couchaient tous les trois ensemble. Mon père depuis leurs grand differents n’avait pas eu de commerce charnel avec elle. Cependant suffit de la faire enrager il voulut essayer le première ou seconde nuit. Ma sœur Victoire entendit. Alors elle dit: ah mon dieu qu’est-ce que vous lui faites? Vois-tu, lui dit-il, qu’est-ce que cela te regarde, je lui fais ce que les hommes font a leurs femmes, ah, dit-elle, laissez-la puisqu’elle ne veut pas. Va, lui dit mon père, je vais bien la laisser aussi. Il coucha avec elle quelques nuits et puis voyant qu’elle ne laissait pas de couéte de son côté ni de plume dans l’oreiller, et qu’elle faisait tout pour faire mal, il préféra coucher dans l’autre lit… (Foucault, 1994: 135-136)

 

Protestant contre le fait d’être battue et violée devant ses enfants, la mère de Rivière crie « Faut-il que je sois si malheureuse… d’un [coquin] qui me tue la nuit…? » (142). Comme la violence conjugale qui se retrouve dans « La vie des hommes infâmes », Foucault et ses co-auteurs, ainsi que la plupart des autres commentateurs du cas Rivière, ne discutent pas de ces descriptions de relations de pouvoir et de violence entre les sexes, des raclés que Pierre Rivière et son père infligent à sa sœur et sa mère, ou des tactiques de résistance employées par les femmes telles que les démarches judiciaires et les batailles physiques, ainsi que la confiscation des draps et des oreillers.

Dans son analyse du cas Rivière, l’anthropologue féministe Julie Marcus ( 1989) a observé que même si les sources secondaires ont accepté avec sympathie la représentation de Rivière concernant sa mère, et ont ainsi réitéré le point de vue qu’Anne Brion était une mégère qui méritait ni plus ni moins d’être tuée, en fait il y a des preuves qui indiquent que nous n’avons qu’une version de l’histoire. Comme Marcus le note, il est significatif que Brion gagnait ses causes en justice contre son mari.

Bien que Rivière interprète ceci comme une indication que le soi-disant âge des lumières était en fait un moment barbare de l’esclavage aux femmes, nous pouvons peut-être considérer cet état de fait comme la preuve que les plaintes de Brion étaient plus justifiées que ce qui ressort des mémoires de son fils matricide. Marcus compare les meurtres de Rivière aux meurtres conjugaux contemporains dans lesquels les hommes, fâchés par la perte de la garde des enfants et les batailles de divorce, tuent leurs femme et enfants, et parfois eux-mêmes au lieu d’accepter les décisions de la cour.

Plus significativement, Marcus critique Foucault de ne pas analyser les « relations le plus immédiats de pouvoir » de toutes dans son étude de ce cas, celles de la famille (Marcus, 1989 : 67). Bien que Foucault analyse les relations de pouvoir familial à un niveau abstrait dans un certain nombre de textes, il est remarquable qu’il oublie ces analyses dans son étude de cas concrets de violence familiale, en se concentrant sur les luttes légales et médicales qui ont faites surface après et comme résultat de ces disputes.

 

5.      Conclusions

 

Dans « Matricidal Madness in Foucault’s Anthropology, » l’anthropologue John M. Ingham critique la fascination de Foucault pour « male agonism », qui, selon Ingham, l’aveugle à la tragédie. Dans leurs interprétations du cas Rivière, Ingham suggère que Foucault et ses étudiants nous invite à partager leur fascination pour Rivière, « [...]to identify with the eccentric young man who… imagines sociality as war. » Ingham affirme que

« The psychiatrists along with almost everyone else were concerned with the justice of executing a young man who was emotionally and mentally disturbed, but for Foucault, the psychiatrists were interfering with Rivière’s self-willed rendezvous with death… » (Ingham, 2007: 151-152).

A ndrew Cutrofello a certainement raison en répondant à Ingham que

« To protest that well-intentioned therapists or social workers are simply trying to help suffering individuals is not enough to preclude the possibility that such people may also and even thereby be operating as conduits of the flow of biopower… » (Cutrofello, 2007 : 161).

 Comme Cutrofello note par la suite, Foucault aurait pu admettre les bonnes intentions des psychiatres même en argumentant que de tels experts sont «[..] part of the problem rather than part of the solution … » (162). Néanmoins, Ingham est perspicace en indiquant que Foucault ne discute pas de certains aspects du cas Rivière afin de maintenir son interprétation des textes comme une guerre stupéfiante, et que ce qu’il ne considère pas est problématique et symptomatique. 

En particulier, la transition de Rivière de son désir de gloire à travers le meurtre à son remords suicidaire résultant de ce meurtre n’est pas reconnue par Foucault comme des signes de confusion émotionnelle et de souffrance, mais comme des « pièges » que le jeune homme a mis pour les psychiatres, des stratégies qu’il a utilisées pour miner la crédibilité des docteurs. Le suicide de Rivière, réussi quelques années après, n’est pas reconnu comme un acte de désespoir, mais comme un engagement pour la guerre. Les tentatives du père de Rivière de sauver la vie de son fils, ses supplications envers son fils pour qu’il signe une requête pour un appel de sa sentence malgré le vœu de son fils de mourir – son pardon et son amour continu pour son fils meurtrier, que ce dernier n’avait pas anticipé – ne sont pas notés. Ces souffrances de douleur et d’amour ne sont pas considérées de manière à faciliter une lecture héroïque et militariste des archives comme des armes de guerre.     

Le problème est que de telles glorifications de lutte séduisent, comme Rivière a été séduit par elles, comme les étudiants et les lecteurs de Foucault sont séduits par, et répète, le ravissement du maître, comme des meurtriers mimétiques sont séduits par l’héroïcisation d’hommes qui tuent des femmes et ainsi, les imitent. Ce type de séduction perpétue la violence et représente fautivement aussi les supposés gloire et plaisir impliqués. Cependant, dans son état d’esprit après le meurtre, Rivière écrit :

«[...] abîmes entrouvrez-vous sous mes pieds, terre engloutissez-moi ; je pleurai, je me roulai par terre… Ah ciel, pourquoi m’avez-vous donné l’existence, pourquoi me la conservez-vous encore plus long-temps… je m’en allai sans savoir ou j’allais… » (Foucault, 1994 : 171).

 Les rapports de la cour note aussi que Rivière « paraît absorbé dans de tristes pensées. Il répond avec peine d’une voix faible et par monosyllabes. Au moment où on expose à ses regards la serpe avec laquelle le triple assassinat a été commis, et où M. le président lui fait remarquer qu’il est encore teint du sang de sa mère, de sa sœur et de son frère, il détourne les yeux et dit en gémissant: “j’ai hâte de mourir!” » (Foucault, 1994: 214). Rivière a tenté de se suicider en prison durant son procès. En prison après le procès,

« Rivière se croyait mort et ne voulait prendre de son corps aucune espèce de soin ; il ajoutait qu’il désirait qu’on lui coupât le cou, ce qui ne lui causerait aucun mal, puisqu’il était mort » (273).

Isolé en prison puisqu’il était jugé dangereux pour les autres prisonniers, Rivière a réussi à se suicider. Ce témoignage exhaustif de souffrance est ignoré par Foucault afin de glorifier le matricide comme un héros. Comme Rivière lui-même avant les meurtres, Foucault demeure ensorcelé par les luttes et la guerre, la violence et les batailles, et c’est donc ce qu’il choisit d’explorer dans ses textes.

Dans « La vie des hommes infâmes », Foucault remarque qu’en publiant les documents qu’il décrit, il sera accusé de toujours s’intéresser aux mêmes types de discours – des discours qu’il caractérise comme des actes, des luttes et des armes. Cependant, il se défend en demandant :

« N’est-ce pas, après tout, l’un des traits fondamentaux de notre société que le destin y prenne la forme du rapport au pouvoir, de la lutte avec ou contre lui? Le point le plus intense des vies, celui où se concentre leur énergie, est bien là où elles se heurtent au pouvoir, se débattent avec lui, tentent d’utiliser ses forces ou d’échapper à ses pièges. Les paroles brèves et stridentes qui vont et viennent entre le pouvoir et les existences les plus inessentielles, c’est là sans doute pour celles-ci le seul monument qu’on leur ait jamais accordé ; c’est ce qui leur donne, pour traverser le temps, le peu d’éclat, le bref éclair qui les porte jusqu’à nous. » (Foucault, 2001c : 241)

 

Je me demande si ce n’est pas ce type d’hypothèse qui a mené Foucault et Rivière à la dérive. Comme beaucoup de jeunes hommes qui rêvent de batailles, Rivière a anticipé que les meurtres de sa mère et de son frère et sa sœur, ainsi que son procès et sa mort constitueraient des actes héroïques et glorieux. Comme beaucoup de soldats qui se retrouvent en situation de guerre, Rivière a été déçu par ses espoirs. Il avait pensé que son procès serait un moment d’« éclat », un « éclair », « un monument » d’une vie, après quoi il serait prêt à mourir – et c’est ainsi que Foucault l’interprète, comme des documents légaux-pénaux d’autres procès – mais en fait, ce n’était pas ainsi.

Rivière était trop mortifié par les remords et le désespoir pour apprécier la consternation qu’il avait causée. Comme beaucoup d’historiens, comme Rivière lui-même et son interprétation de l'histoire avant ses meurtres, Foucault se concentre sur les luttes, et cependant, avec plusieurs historiennes féministes, nous pouvons nous demander si des luttes et des confrontations sont les aspects les plus intenses, les plus significatifs, les plus brillants pour l’existence individuelle ou collective. Nous pouvons aussi nous demander ce qui n’est pas considéré lorsque ces luttes – et pas d’autres luttes, et pas les aspects non belliqueux de l’existence – sont les seules choses que nous voyons. Cet essai a argumenté que certains aspects de l’existence que Foucault ne prend pas la peine de voir pour se concentrer sur les batailles médico-légales agonisantes et les relations de pouvoir entre hommes—mais qui auraient été intéressants d’analyser selon une perspective foucaldienne—incluent la famille, les relations entre les sexes, la victimisation des femmes et des enfants, la souffrance et l’amour.        

 

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Note biographique :

Chloë Taylor est professeur de Philosophie et d’Études féministes à l’Université d’Alberta et membre de la Société Royale du Canada. Elle possède un doctorat en philosophie de l’Université de Toronto et elle a fait des études post-doctorales à l’Université McGill. Elle est une chercheure prolifique qui a déjà fait des contributions importantes en philosophie féministe, en philosophie continentale et en éthique des animaux. Ses articles offrent des analyses de l’œuvre du philosophe français Michel Foucault et des crimes sexuels, ils examinent aussi la politique alimentaire contemporaine, et défendent une éthique inter-espèces basée sur la vulnérabilité corporelle. Son livre The Culture of Confession from Augustine to Foucault (Routledge 2008, 2010) est maintenant à sa deuxième édition. Elle a aussi co-edité le livre Asian Perspectives on Animal Ethics (Routledge, 2014).


 


[1] Je remercie James Merleau pou r la traduction en français de l’article.

 

 

 

labrys, études féministes/ estudos feministas
juillet /décembre / 2014  -julho/dezembro 2014