Labrys
Madeleine KABORE KONKOBO
Résumé: Le présent article traite de la question de l’émancipation de la femme au Burkina Faso. Il s’agit d’un thème d’une importance capitale à l’heure où une attention particulière est accordée aux questions de genre aussi bien par les hommes de sciences sociales que par les différents intervenants du monde scientifique. Ce travail a pour mérite de s’attacher à l’examen du concept d’émancipation de la femme, des représentations sociales qui tendent à faire de cette notion un mythe ainsi que les signes annonciateurs de l’émancipation de la femme au Burkina Faso .
A travers le monde, selon le type d’organisation sociale, un traitement différentiel existe entre hommes et femmes. Ce traitement joue un rôle déterminant dans les inégalités d’expression des droits, devoirs et pouvoir au sein d’une communauté, d’une société. En effet, des écrits sur la philosophie féministe – (tel celui de SEN A., 2000) – soutiennent que ces inégalités se jouent le plus souvent en défaveur des femmes, surtout dans les pays en voie de développement. Aussi, observent-ils que les défaveurs faites aux femmes sont imputables à une sous valorisation systématique du sexe féminin, à une certaine exclusion sociale. Nous situant dans le contexte historico-sociologique du Burkina Faso (qui est un pays en voie de développement), nous disons que la cause de la sous valorisation systématique de la femme émane de la structure sociale elle-même que ce soit dans la famille ou le travail, dans le domaine de la production ou de la reproduction, etc. ; car la plupart des structures sociales sont marquées par la représentation sociale de la masculinité et de la féminité. Ainsi, les agissements des individus sont imprégnés de la conception qu’ils adoptent de leur culture d’origine. Et c’est sans doute tout cela qui a conduit à la naissance des mouvements d’émancipation de la femme. Au sujet de l’émancipation des femmes burkinabé, des questions importantes se posent : Qu’en est-il de la situation des femmes burkinabé aujourd’hui ? Nombreuses sont les études qui montrent qu’elle se caractérise par une extrême pauvreté. Qu’est ce qui a été mené jusque là comme émancipation de la femme ? Et surtout quel contenu et quel sens faut-il donner à l’émancipation des femmes burkinabé ? Au demeurant quels objectifs faut-il viser pour faire de l’émancipation des femmes burkinabé une réalité ? En fait, quelle peut être au juste la problématique de l’émancipation de la femme au Burkina Faso ? En quoi l’émancipation de la femme serait-elle une utopie, à la limite même un phénomène social difficile à réaliser ? Mais, l’émancipation véritable de la femme au Burkina n’est-elle pas pensable, réalisable de façon positive ? Nous nous rendons a fortiori compte que réfléchir sur un tel sujet n’est pas du tout chose facile. Ce faisant, nous allons nous appesantir d’une part, sur l’aspect mythe de l’émancipation de la femme et d’autre part sur celui non imaginaire, concret, réel. D’ores et déjà nous aurons à définir certaines notions capitales afin d’éclairer leur emploi et rendre compréhensible notre schéma de réflexion. L’intérêt pour cette étude vient du fait que c’est un sujet passionnant qui nous interpelle. Aussi la question de l’émancipation de la femme demeure problématique au Burkina Faso. Des millions de femmes croupissent toujours dans la misère et la pauvreté et doivent en sortir si on parle de développement humain durable. Ainsi le Ministère de la Promotion de la Femme veut promouvoir la femme burkinabé à savoir améliorer ses conditions de vie en l’associant de façon consciente afin qu’elle soit une actrice incontournable pour le développement. De ce fait un développement durable reste centré sur la question de la femme qui joue un rôle fondamental dans le devenir du pays. C’est pourquoi, forte de ces considérations, nous avons voulu savoir à quelle stade se trouve l’émancipation de la femme. De ce fait faire l’état de la situation de l’émancipation de la femme, notamment auprès des femmes intellectuelles, celles qui paraissent être plus imprégnées de la réalité sociale s’avère nécessaire. Le troisième motif est que l’émancipation
de la femme a eu plus d’échos depuis 1983 , et qu’à l’époque,
cela avait provoqué beaucoup de résistances sociales. Ainsi
après 20 ans, il serait intéressant de faire un bilan d’ensemble
pour suivre l’évolution de l’émancipation de la femme. De nos jours, on constate un nombre relativement élevé de femmes dans l’administration et également dans les hautes sphères de l’Etat. Cette situation semble correspondre à une volonté politique de promouvoir la femme dans tous les secteurs clés de développement. Le Burkina Faso a compris cela depuis 1983, date d’apparition de plus d’échos du concept émancipation de la femme et lutte depuis pour cela. Ainsi pour notre entendement, l’émancipation consiste à faire sortir un individu de son état de servitude vers une situation jugée meilleure. L’émancipation de la femme n’est autre que la promotion de la femme qui servirait de tremplin pour une participation effective de celle-ci aux activités de développement. L’acte d’émancipation conduit inéluctablement vers une amélioration des conditions de la femme. Cependant, de nos jours la compréhension de ce concept véhicule encore des « assertions » discriminatoires qui sont propres aux préjugés sociaux présentant la femme émancipée comme une « femme libre, dépravée ». Devant ces conceptions négatives de l’émancipation, il nous est apparu important d’avoir une compréhension précise de ce concept. D’où la nécessité de cerner les représentations que les intellectuelles se font de l’émancipation de la femme. C’est d’ailleurs ce souci qui a guidé notre choix d’enquêter les femmes dans ce milieu social. L’émancipation de la femme constituent-elle un mythe pour eux ou peut être une réalité ? De prime abord les hypothèses formulées sont les suivantes : - L’émancipation de la femme est irréalisable car des obstacles socioculturels (coutumes et mœurs) perturbent sa réalisation effective. - Toutefois la concrétisation de l’émancipation de la femme passe par un désenclavement mental de celle-ci. - Elle peut également se réaliser si des actions concrètes étaient menées pour permettre à la femme de participer activement au développement à travers l’éducation et la sensibilisation des populations, ainsi que l’octroi des aides aux femmes pour l’installation de micro-projet.
La méthodologie utilisée pour mener à bien la présente étude s’inspire des faits tendant à reconstituer l’évolution historique et sociologique de cette émancipation de la femme à travers des enquêtes qualitatives auprès des étudiantes de l’Université de Ouagadougou titulaires d’une maîtrise en sociologie car pour nous elles seront à même d’apporter un avis plus précis de ce concept qui tient compte de l’évolution sociale de notre pays. Cette étude qualitative a touché également un échantillon réduit de femmes occupant une fonction élevée dans les instances de l’Etat. Au total, vingt cinq étudiantes et dix femmes cadres ont été approchées pour cette étude grâce aux entretiens réalisés. Le choix de ces personnes interrogées s’est fait de façon aléatoire. Les entretiens sont directifs car nous avons comme ambition de recueillir des données plus fournies et précises afin de pouvoir faire une analyse de ce phénomène social. A l’issue de ces entretiens nous avons dépouillé et analysé les thèmes dégagés dans les discours des enquêtées. Les données qualitatives sont complétées par une recherche documentaire sur l’émancipation de la femme. La méthodologie se voulant analytique, nous avons privilégié toutefois les investigations plus directement qualitatives car si l’interprétation des données de terrain collectées peut diverger selon les auteurs, l’exposé des faits constitue à n’en pas douter un apport considérable au plan de la connaissance. Il apparaît ainsi les axes importants de notre travail : - La définition et la discussion des concepts - L’approche des enquêtées sur l’émancipation de la femme - L’émancipation de la femme comme un mythe - La perception de l’émancipation de la femme comme une réalité.
I. Définition et discussion de certains concepts Les concepts d’émancipation, de mythe, et de réalité sont des notions – problème car comme tout concept on n’en saurait décréter une seule signification moins discutable ( Cf. Gérard Lenclud, 1993). Nous tenterons de restituer leur définition dans leur contexte propre. • L’émancipation est l’action d’affranchir ou de s’affranchir d’une autorité de servitude ou de préjugé (Micro Robert, 1990 : 428). Se pencher donc sur l’émancipation de la femme au Burkina Faso, serait parler de sa liberté, et par conséquent, d’une certaine lutte pour la reconnaissance de son répositionnement social , de ses droits élémentaires. C’est une action visant à établir une certaine parité, une certaine indépendance de la femme, à faire ou à permettre à la femme de sortir de sa situation d’aliénée. En revanche, l’émancipation de la femme est une action qui consiste à permettre à l’aliénée, à l’inférieure, de prendre la place du maître en être dominant. On se situerait alors dans la dialectique hégélienne : « et le maître devint l’esclave de l’esclave ». En d’autres termes, c’est le fait de chercher à faire coûte que coûte du « dominé » qu’est la femme le maître du maître (l’homme). Pour la plupart des enquêtées, l’émancipation de la femme c’est le fait de traiter les femmes comme les hommes, c’est-à-dire avoir les mêmes droits que l’homme; c’est une amélioration de la condition de la femme. Une femme émancipée c’est une femme qui est épargnée de la domination des hommes ; c’est une femme qui a droit à la parole au foyer et qui peut faire ce que l’homme fait sans risque d’être marginalisée ou violentée. Quelques-unes d’entre elles se sont contentées de nous dire qu’elles n’ont jamais compris la signification de ce concept parce que c’est difficile à définir. Pour notre part, nous disons qu’au delà de toute théorisation, l’émancipation de la femme est loin d’être une guerre ouverte pouvant remettre en cause les relations préétablies entre hommes et femmes de façon totale. Mais c’est tout de même une forme de révolution progressiste visant à instaurer un changement social, un certain rééquilibrage entre l’homme et la femme dans la vie sociale. Elle permet à la femme d’acquérir une certaine autonomie et une facilité de participation aux prises de décisions, à la production de biens sociaux et à la jouissance de ces produits, fruit de son travail. • Le mythe : selon le Micro Robert, est mythe tout ce qui est contraire à la réalité : une utopie. Il relève de l’imaginaire. Sans remettre en cause, fondamentalement, cette définition, nous considérons l’aspect mythique de l’émancipation de la femme au Burkina Faso comme la représentation idéalisée de l’état des rapports humains, des relations femme–homme. En effet, c’est une image simplifiée que des groupes humains élaborent ou acceptent au sujet d’un fait et qui joue un rôle déterminant dans leur comportement ou leur appréciation. • Réalité : caractère de ce qui est réel, de ce qui existe effectivement, de ce qui n’est pas seulement une invention ou une apparence). A notre avis nous pensons avec Bachelard que le réel n’est jamais ce qu’on pourrait croire, mais il est toujours ce qu’on aurait pu penser. • Le concept d’intellectuel II. L’émancipation de la femme au Burkina Faso comme une utopie, à la limite un mythe La société Burkinabé, dans son ensemble est une société composite, une société contemporaine en émergence. Dans ces coutumes de « modernité », la société burkinabé certes, - depuis le discours d’orientation politique (DOP) prononcé le 2 Octobre 1983 -, semble amorcer le processus d’émancipation de la femme, mais elle est loin de sortir la femme de l’asservissement de façon totale. En effet, lorsque Thomas Sankara prononçait ce discours d’orientation politique au Burkina, il fut un tenant de la théorie féministe à savoir que « la libération ne consiste pas seulement à acquérir des diplômes (par le biais de l’éducation formelle) mais acquérir leur émancipation en s’associant à la construction du pays » (Thomas Sankara, président du Faso, discours prononcé le 2 Octobre 1983). Une lecture des mots de Thomas Sankara nous fait penser au fait de vouloir faire prévaloir le jeu de complémentarité, d’équité dans tout processus de développement social, économique culturel dans la construction d’une nation « plurielle » dont le Burkina Faso. Oui, mais l’acquisition de l’émancipation est un idéal, une aspiration, donc on ne saurait l’obtenir de façon hâtive et les stéréotypes sexistes perdurent. Ainsi, plusieurs discours sur l’émancipation de la femme au Burkina Faso - surtout ceux des politiciens -, prennent l’allure d’une duperie. D’une part, les hommes croient que l’émancipation n’est pas une quête unique de l’égalité des droits entre homme et femme mais « une tentative de domination de la femme sur l’homme. Cela ressemble fort à la situation du prisonnier qui jadis, dans l’allégorie des casernes, une fois libéré, va chercher à se valoir une certaine hégémonie. D’autre part, les femmes aussi pensent, comme l’exprime une étudiante interrogée, que l’émancipation de la femme est un mythe parce que « les hommes n’accepteront jamais une égalité totale en droit et en devoir entre homme et femme ». Et une autre cadre d’ajouter qu’elle n’est que mythe parce qu’« elle ne concerne qu’une minorité laissant la grande majorité sous les jougs de l’homme, des travaux domestiques et champêtres. Plusieurs femmes sont traitées de sorcières et chassées hors des concessions maritales. Les hommes les prennent comme un objet de plaisir sexuel et de procréation. C’est surtout le cas des femmes des campagnes ». Par ailleurs, les effets pervers de l’émancipation de la femme ternissent l’aspect positif de l’émancipation. Beaucoup n’ont pas compris le sens de l’émancipation et veulent chambouler de façon brutale l’ordre établi. On pense ainsi qu’être émancipé, c’est copier certains comportements décriés comme les sorties nocturnes tardives en compagnie de la personne de son choix, prendre des décisions pouvant entraîner la scission familiale, etc. Nous conférons à cet effet, certains écarts de comportements, d’attitudes de femmes dites émancipées en milieu urbain et intellectuel. Elles « s’égalent ou veulent s’égaler à l’homme soit en portant des pantalons soit en portant des mini - jupes comparables aux culottes des hommes » comme le souligne une étudiante interrogée. Où allons-nous donc vers une émancipation de la femme, vers une libération effective de la fille ou femme susceptible, de découdre avec les mœurs ancestrales négatives ? Si émancipation veut dire acquisition d’une certaine liberté, cela ne signifie pas qu’il faille l’utiliser de façon non responsable. En fait, tous les commentaires sur l’émancipation de la femme des enquêtées ne font que confirmer l’aspect mythique de l’émancipation de la femme. Cela nous amène à réfléchir quant au but réel des discours et des dites campagnes de sensibilisation pour une femme émancipée. Est-ce une simple manière de voiler le visage des partenaires internationaux afin d’avoir des financements extérieurs pour renflouer des comptes bancaires privés ? Ceci étant, ce que beaucoup de gens (des féministes surtout) feignent d’ignorer, c’est à notre avis l’aspect « retro-projection » de la société burkinabé. Ce qui voudrait dire que même aujourd’hui on crie fort un peu partout : « droit de la femme, liberté de la femme par ci, repositionnement sociale de celle-ci, complémentarité entre femme-homme ou du moins égalité par là, mais nous pensons que la société burkinabé dite moderne ne s’est pas du tout défaite de son passé, de sa tradition (voire des valeurs socioculturelles) ». En effet, cette tradition serait le fruit d’une « retrospection camouflée, laquelle tradition est réaménagée en fonction des besoins présents : l’heure de la libération semble sonner au Burkina actuel. D’ailleurs, les tenants des théories féministes composés en majorité de femmes au Burkina Faso sont-ils sûrs ou rassurés de la quête réelle d’une émancipation pour une femme qui baigne dans une société traditionnelle modernisée qui est à cheval entre tradition et modernisme ? Autrement dit, les femmes veulent-elle réellement être émancipées, affranchies au Burkina Faso ? On pourrait effectivement souligner que certaines femmes burkinabé qui vivent dans une société traditionnelle modernisée ne font pas de l’émancipation une quête particulière. Même si cela se révélait juste, son aspect réalité reste toujours à acquérir. Car il s’agit de l’émancipation de quelle femme : en milieu rural ou en milieu urbain, de quel type de femme ? Par ailleurs, une autre chose est de savoir que féminité et masculinité sont avant tout des construits sociaux d’ordre structurel dynamique, à travers lesquels les comportements et les relations de chaque jour s’engagent, s'interprètent et se construisent. De ce processus de construction se dégagent d’une manière ou d’une autre des stéréotypes dominants de masculinité et de féminité auxquels chacun se réfère dans la poursuite de son identité sexuelle, de sa personnalité physique et morale. Et le maintien de l’infériorité de la femme à travers l’éducation dans certaines sociétés africaines comme le Burkina Faso est attribué à la persistance de la conception traditionnelle des relations hommes- femmes ( S. De Beauvoir, 1974). Pendant longtemps, il a été gravé dans la mémoire collective que la vraie place d’une femme est au foyer et les vertus d’une femme c’est la soumission, l’obéissance et le respect envers le mari. Pourquoi, pensent certains, vouloir ipso facto brutalement renverser l’ordre social préétabli ? En outre, l’école a toujours été perçue par certaines communautés comme une institution influençant négativement plus la position sociale de la fille et de la femme, car on lui inculquerait des attitudes antagonistes aux mœurs des parents. Si l’on situe ces communautés dans le contexte burkinabé d’aujourd’hui, l’école formelle c’est-à-dire l’école du Blanc, semble être en déphasage avec l’école de la vie sociale( P MUKENE,1988), (J, KI ZERBO, 1990). Quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, il est très important de notifier que la masculinité hégémonique est caractérisée par l’autorité sur les femmes, par la virilité comme le soulignent certaines personnes. A tout cela, nous pouvons ajouter que vu le faible taux de scolarisation des filles aux Burkina Faso (37% en 2001), d’alphabétisation des femmes également, l’émancipation de ces dernières de façon concrète ne peut être effective. Car, c’est tout un processus, un idéal à poursuivre, une vertu à perpétuer (sinon qu’elle a bel et bien existé dans les villages traditionnels). Son obtention effective ne saurait se précipiter, si toutefois, cette quête de liberté, de rééquilibrage dans les relations hommes-femmes ne se veut pas une utopie. Au juste, nous pouvons dire que tout est une question de décolonisation mentale à tous les niveaux de la vie humaine. III. L’Emancipation de la femme au Burkina Faso comme une réalité C’est vraiment à ce niveau de réflexion que le mythe devient réalité car « la femme a droit à la parole autant que l’homme ; beaucoup de filles sont scolarisées, les conditions de la femme s’améliorent, elles occupent maintenant les mêmes postes que les hommes. Elles s’organisent en groupements et encouragent leurs consœurs à une indépendance financière et intellectuelle » nous confiait une des enquêtées. Au Burkina Faso, beaucoup d’actions sont faites soit par les gouvernants, soit par certaines ONG, organisations et groupements féminins pour l’instruction et la quête réelle de l’émancipation de la femme. En effet, au niveau socio-politique, l’évolution de la société burkinabé est marquée actuellement par l’accès des filles et des femmes à la scolarisation, à la formation professionnelle, à l’alphabétisation… Cela a bien sûr suscité une certaine relecture des différents traitements illégitimes qui étaient infligés aux femmes. Ainsi, on accepte de plus en plus le repositionnement positif de la femme dans la vie socio-politique et une certaine démocratisation des rôles dans la vie sociale a été amorcée. En milieu urbain et surtout dans certaines familles d’intellectuels, la femme est de moins en moins marginalisée non seulement dans les prises de décisions pour le bien-être familial mais aussi et surtout elle recouvre de plus en plus ses droits élémentaires, fondamentaux tels que celui de la parole, droit de vote et de citoyenneté, qui, jadis étaient bafoués. Cependant, pour atteindre une émancipation effective, nombre de stratégies doivent être mises en place telles que les sensibilisations réelles aussi bien chez les femmes que chez leurs maris, les conférences, l’octroi de crédits aux femmes, la multiplication des tontines et l’incitation des filles à poursuivre de longues études. Outre cela pour répéter une enquêtée, « les hommes constituent une barrière pour l’émancipation de la femme par leur orgueil et les femmes comprennent mal le sens de l’émancipation ». Il faut une sensibilisation pour un changement de mentalité. Pour ce faire, il faut une certaine conception de la femme (comme un être complémentaire et non un aliéné à vie) aujourd’hui, grâce à l’apport de l’éducation formelle qui, a, d’une manière où d’une autre, déchargé le lourd fardeau instauré par des pesanteurs sociales qui ont longtemps fait de la femme un bien, un objet acquis par son mari, son conjoint. Par ailleurs, la question de l’émancipation de la femme au Burkina a connu son impulsion effective grâce aux discours stimulants de Thomas Sankara. – déjà évoqués précédemment -. Car sans l’autorité et la témérité de ce président, une certaine lutte contre la division sexuelle du travail et l’égalité des droits (entre homme-femme) n’aurait pas été implicitement établie. L’homme ( le mari) doit aussi faire le ménage, aller au marché, acheter des condiments… au même titre que la femme. C’était vraiment l’idéalité féministe tant recherchée. Mais, où en est-on arrivé au juste ? Peu importe peut – être de le savoir, puisqu’il fallait parvenir à une libération embrigadée de la femme au Faso, avec son cortège de conséquences : divorces par-ci, abandons de famille par-là nés des incompréhensions des Hommes. Tout cela nous permet de dire que la question d’émancipation effective, réelle de la femme au Burkina, ne peut être qu’une question de décolonisation mentale, c’est-à-dire un certain refus de l’altérité à plusieurs niveaux. Car la négation des inégalités sexo-spécifiques et la reconnaissance effective des droits élémentaires de la femme (droits non bafoués, haltes aux bavures, violations faites aux femmes) sont le domaine de définition d’une émancipation qui se veut réelle et réaliste. Si l’émancipation est égale à acceptabilité, considération mutuelle dans les relations humaines, dans la vie sociale, nous disons volontiers que les différentes actions menées de part et d’autre, dans le sens d’une libération réelle de la femme au Burkina, sont loin d’être des batailles perdues d’avance. Mais si c’est pour éveiller la conscience de la femme, qui constitue le grand électorat, la faire porter à un niveau de divorce avec la morale, les mœurs traditionnelles, nous pensons que cela l’enrobe plus dans un libertinage au lieu de la faire sortir de sa situation de dominée. Partant alors des actions menées pour l’émancipation de la femme au Burkina, nous avons par exemple certaines femmes qui s’organisent pour lutter contre les mutilations génitales féminines. D’autres se mobilisent, par l’entremise des ONG, du ministère de la promotion de la femme, sur des projets de lois qui remettraient en cause un quelconque épanouissement de la femme, en matière d’égalité des droits entre homme-femme. Tout ceci est bon pour le « désenclavement mental » de plusieurs filles et femmes au Burkina Faso . Mais la réalisation, la concrétisation de tout cela n’est pas et ne sera pas une mince affaire pour la femme à elle seule. Pourtant plusieurs avantages peuvent résulter de l’émancipation de la femme. Car on constate désormais une grande attention portée sur la scolarisation des filles et à l’alphabétisation des femmes. Les femmes s’épanouissent psychologiquement, financièrement et participent activement et de façon consciente au développement du Burkina Faso, en somme elles connaissent un mieux-être. En l’occurrence, toujours par rapport à la lutte pour l‘émancipation véritable au Burkina, on reconnaît désormais à la femme le pouvoir de participer aux prises de décision la concernant d’abord mais aussi et surtout tout ce qui peut concerner son entourage. Elle peut, par exemple, choisir les voies d’orientation de sa vie privée. Cela est certainement réalisable, faisable par le truchement de l’éducation à l’école, par un certain éveil de conscience collectif pour la reconnaissance des valeurs intrinsèques de la femme, de sa place et de son rôle dans tout processus de développement amorcé au Burkina Faso. Donc, il faut démocratiser l’école burkinabé et faire de cette école d’entre d’eux, c’est –à- dire s’appuyant et sur les traditions et sur la modernité de la société burkinabé. Et partant, peut être de là, pourra-t-on tôt ou tard édifier une véritable émancipation de la femme. Mais tout cela n’est pas sans conséquences négatives. En effet, on observe selon certaines enquêtées, que les femmes dites émancipées connaissent une instabilité conjugale parce qu’elles ne sont pas comprises par leur époque. Aussi est-il remarqué par une enquêté qu’une « fois que la femme est émancipée, elle n’a plus besoin d’un homme. En outre, lorsqu’elle a trop de connaissances et est financièrement autonome, elle ne respecte plus son mari, ce qui engendre les divorces ». Cette représentation n’est que le produit d’une aliénation culturelle qui veut coûte que coûte maintenir la femme dans son statut de dominé. Or cette tendance ne permet pas la réalisation d’un développement humain durable, car sans la participation de la femme dans ce processus de développement, il n’est pas surprenant que les pays africains restent au stade de pauvreté et de misère. Il convient donc d’ajuster ce concept émancipation et l’intégrer dans ses vraies valeurs afin que les populations puissent l’accepter dans la quiétude à travers des séances de sensibilisation. Car si dans la représentation sociale, l’émancipation conduit inéluctablement au divorce, il va sans dire que la participation de la femme rurale sera vaine car elles vont se détacher au mouvement d’émancipation qui à la limite est vu comme une étape de libertinage et de débauche. C’est d’ailleurs cette situation qui pousse certaines enquêtées à dire qu’il est prématuré de parler d’émancipation au Burkina Faso. D’autres par contre trouvent nécessaire d’en parler car beaucoup de changements qualitatifs se sont opérés depuis plus d’une décennie. On remarque également que la manipulation de ce concept n’est plus aisée car les femmes instruites interrogées ne se reconnaissent pas à travers ce critère car il est très difficile de satisfaire les conditions de femme émancipée. Le rejet de ce concept par les enquêtées nous permet de souligner la peur qu’ont les femmes d’être étiquetées comme émancipées. Ce refus d’assumer l’émancipation provient simplement du fait que même encore de nos jours la société refuse et souhaite bannir ce concept qui, selon les enquêtées, est importée, donc inadaptée à la réalité sociale. On perçoit ici encore la force des coutumes et mœurs qui sont encore encrés dans les mentalités. Le fait que les femmes elles mêmes veuillent se débarrasser
de cette terminologie montre encore une fois la non maîtrise de
ce concept décrié par la société. Or ce poids
ne serait levé que si toutefois on convainque les gens du bien
fondé de cette émancipation qui est synonyme de progrès
véritable. A la lumière de tous les arguments développés dans le corps de notre travail de réflexion nous disons en définitive qu’il est très tôt de savoir si l’émancipation de la femme au Faso est un mythe ou une réalité . Mais, elle reste et peut être restera seulement un mythe, un mirage tant que la femme restera prisonnière de son esclavage mental. C’est d’ailleurs, ce que confirment certaines enquêtées qui pensent que cette émancipation ne peut être qu’un mythe et non relever d’une réalité. Car pour conquérir son émancipation véritable, la femme se doit tous les moyens légaux pour s ‘émanciper d’abord. En d’autres termes, l’émancipation tant voulue au Burkina ne doit pas se décréter, mais se mériter au bon moment. Sinon que les femmes, par l’émancipation, peuvent gagner la bataille mais pas la guerre. Alors, que du chemin à faire, à parcourir ! Pour ce faire, il faudrait une sensibilisation à tous les niveaux de la société afin que ce concept soit maîtrisé et accepté car les pesanteurs sociaux constituent de véritables handicaps pour la réalisation de l’épanouissement de la femme. En effet, nous avons constaté que la société refuse que la femme soit émancipée d’une certaine manière. Nous savons également que même les femmes intellectuelles interrogées refusent de porter ce manteau de l’émancipation parce que ce concept aurait une connotation négative. Cette situation intègre le concept d’émancipation comme un concept rejeté par la société et qu’il faut que coûte que coûte ranger dans les oubliettes de l’histoire. Et pourtant, avec ce monde en pleine mutation, ce monde
de la globalisation et de la mondialisation, l’apport des deux sexes dans
le développement économique et social reste une maxime incontournable.
Et c’est de là que la femme tient son visa pour l’émancipation
qui l’aidera à se promouvoir réellement au Burkina Faso.
C’est en cela que l’aspect mythe devient réalité, une situation
qui favorise et la femme et l’essor économique du Burkina Faso.
OUVRAGES REVUES RAPPORTS RENCONTRES ET CONFERENCES
16 pages - Word, times e\new roman, 12
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